Bruno Retailleau s’en prend désormais aux pilotes d’Air Algérie : Effroyable cacophonie au sommet de l’Etat français

04/03/2025 mis à jour: 21:41
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La crise inédite entre l’Algérie et la France accentue la dichotomie entre une partie du gouvernement français et l’Elysée. Au stade actuel de la crise, on assiste à un véritable – et dangereux – cafouillage au sommet de l’Etat français. D’un côté, un président français qui se dit conciliant et qui veut jouer la carte de l’apaisement avec l’Algérie ; de l’autre, un ministre de l’Intérieur va-t-en-guerre, provocateur et qui ne semble s’astreindre à aucune limite lorsqu’il s’agit de notre pays. 

Derrière trouvaille de celui qui a ouvertement menacé dimanche l’Algérie de riposte «(si) elle ne respecte pas ses engagements» : Paris va présenter à Alger une liste de «plusieurs centaines de personnes» au  profil «dangereux» dans le cadre de l’ultimatum qu’elle a fixé aux autorités algériennes au lendemain du Conseil interministériel sur l’immigration (CICI). C’est ce qu’a annoncé, hier, le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, invité sur le plateau de BFM TV-RMC, tout en évoquant une stratégie de «riposte  graduée» vis-à-vis de l’Algérie. Lors de son passage sur la même chaîne, Retailleau a déclaré qu’il n’excluait aucune option et qu’une surveillance accrue serait exercée sur le respect des procédures d’expulsion par Air Algérie. «Je ne m’interdis rien. On peut vérifier les conditions dans lesquelles les commandants de bord respectent notre droit et les formalités administratives», a-t-il glissé. 

D’après lui, la compagnie mettrait en place des exigences supplémentaires qui compliqueraient l’application des décisions françaises en matière d’éloignement des personnes en situation irrégulière. «J’observe qu’à Alger, ils ne s’en privent pas», a-t-il dit, suggérant la possibilité que le personnel navigant d’Air Algérie pourrait faire l’objet de procédures exceptionnelles, synonyme de pressions, au départ des aéroports français. S’exprimant sur le refus d’Alger de «réadmettre» certains de ses ressortissants, Retailleau s’accroche à l’incident de Mulhouse qui a fait un mort le 22  février et dont l’auteur est un ressortissant algérien souffrant de troubles mentaux, mais que la justice a qualifié de «terrorise». «Ce que je souhaite, c’est que l’Algérie (...), pour garantir la sécurité  des Français, reprenne ses ressortissants, conformément au droit  international», a estimé Retailleau, qui a fait de cet incident un élément de fixation pour stigmatiser l’Algérie et déployer un discours algérophobe et xénophobe jamais observé, avec une telle intensité, auparavant. 

Instrumentalisation 

Les individus présents sur la liste confectionné par les services du ministère de l’Intérieur présentent un danger «parce qu’ils ont  commis des troubles à l’ordre public ou parce qu’ils figurent dans notre fichier des radicalisés pour terrorisme», a-t-il fait savoir, en soulignant que la  réaction de l’Algérie à cette demande «sera l’épreuve de vérité». «Je ne veux pas que ce qui s’est produit à Mulhouse se reproduise demain  (...)», a-t-il appuyé, usant d’un lexique qui renvoie à la peur de l’autre et épousant à la perfection le discours d’extrême droite de ses désormais concurrents du Rassemblement national (RN). Retailleau, dans cette crise avec l’Algérie, instrumentalise le thème migratoire pour rallier l’électorat de droite et d’extrême droite à sa folle quête du pouvoir en France. Jusqu’à bousculer les règles et us régissant le fonctionnement de l’Etat. Preuve en est cette dissonance entre lui et le président français, Emmanuel Macron, qui appelle à énormément d’interrogations. Rappelons-le, Emmanuel Macron avait tenté  vendredi de calmer le jeu avec l’Algérie. 

Macron affirmant qu’il n’était pas question de dénoncer les accords de 1968 qui donnent un statut particulier aux Algériens en France. Un désaveu clair pour Retailleau qui ne l’a pas toutefois empêché de poursuivre ses attaques contre l’Algérie. Face à cela, des voix s’élèvent en France. «Il ne suffit pas de montrer ses petits bras musclés, il faut faire aussi de la diplomatie», a déclaré, hier, Olivier Faure, premier secrétaire du PS, à propos du ministre de l’Intérieur. Il lui reproche notamment de faire de la «communication» au sujet de l’Algérie, alors que la relation entre la France et son ancienne colonie traverse une crise sans précédent depuis l’indépendance. 

«On a un ministre de l’Intérieur très zélé, qui aime beaucoup se mettre en spectacle et donner le sentiment, qu’à lui seul, il serait en mesure de changer les rapports de force», a-t-il souligné. Depuis peu de temps, il n’y a plus d’unanimité sur la gestion des tensions avec l’Algérie de la part de Retailleau au sein du gouvernement français. 

Le ministre de l’Industrie français, Marc Ferracci, a appelé à dialoguer avec l’Algérie comme moyen d’obtenir des résultats sur l’exécution des obligations de quitter le territoire français. «Il faut commencer par renouer une forme de dialogue avec le gouvernement algérien pour obtenir des résultats, et notamment sur les OQTF», a-t-il déclaré dimanche sur C News. Marc Ferracci est loin de la logique du rapport de force prônée par son collègue de l’Intérieur Bruno Retailleau. Il va plus loin, appelant la France à prendre en considération le ressenti de la communauté d’origine algérienne. 

Pour lui, la France doit «tenir compte de la communauté des Français d’origine algérienne et des Algériens en France», qui vivent «très mal cette situation». «Quand vous êtes témoins de tensions entre deux pays qui vous sont très chers, vous le vivez mal», a-t-il regretté.

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