Le revirement du gouvernement espagnol sur la question du Sahara occidental suscite nombre de remous en Espagne, selon les échos répercutés par la presse espagnole qui évoque des craintes de voir l’approvisionnement en gaz du pays perturbé, dans un contexte de forte tension sur les approvisionnements et les prix énergétiques en Europe, suite à la guerre en Ukraine.
Plusieurs médias espagnols évoquent des craintes de rupture de contrats avec l’Algérie – ce qui est peu probable – et un réajustement des tarifs de gaz à la hausse. Une mesure qui serait par contre permise par les clauses incluses dans les contrats à long terme renégociés il y a deux ans par les deux pays.
«Il est peu probable que l’Algérie cherche à utiliser l’approvisionnement en gaz comme point de pression dans son différend diplomatique avec l’Espagne, après que Madrid se soit rapprochée de la position du Maroc sur le Sahara occidental», selon des témoignages repercutés par Reuters.
Le média qui souligne cependant que la brouille diplomatique survient alors que «l’Algérie vise à tirer parti des prix plus élevés et d’une plus grande demande à long terme pour son gaz en Europe, à la suite de la crise ukrainienne. Des développements qui pourraient aider à inverser des années de déclin de son secteur énergétique».
Dans ce contexte favorable à l’Algérie, l’Espagne qui ambitionne pour sa part de devenir un hub gazier en Europe, grâce à ses importantes potentialités de regazification, craint que l’Algérie exerce des pressions, via la diplomatie du gaz, ce qui fragiliserait le pays dépendant à 40% des approvisionnements en provenance de notre pays, et nuirait aux projets de connexion que le pays veut établir avec le reste des pays européens via la réactivation du projet de gazoduc MidCat.
Un projet de liaison entre l’Espagne et la France à travers les Pyrénées catalanes, mis en mode veille depuis 2019, suite aux «réserves écologiques» émises par le France
L’Italie plutôt que l’Espagne ?
La presse espagnole estime ainsi que les ambitions espagnoles risquent d’être compromises au profit de l’Italie. Les médias évoquent les excellentes relations algéro-italiennes et les souhaits de l’Italie de recevoir plus de gaz via le gazoduc TransMed. Une option qui ferait de l’Italie l’autre pôle de connexion gazière européenne, au détriment de l’Espagne.
«L’accord espagnol avec le Maroc risque de compromettre l’arrivée du gaz algérien via le gazoduc Medgaz, qui canalise les principales importations de cette matière première vers l’Espagne», soulignent des médias espagnols, même s’ils soulignent, en parallèle, que la troisième vice-présidente et ministre de la Transition écologique espagnole, Teresa Ribera, a nié que l’accord avec le Maroc ait des conséquences énergétiques.
«La relation – entre l’Espagne et l’Algérie – est excellente et nous espérons qu’elle continuera ainsi. C’est notre souhait», a-t-elle assuré lors d’une conférence de presse.
Cependant, selon la presse espagnole, «l’Algérie est connue pour être un pays-clé pour l’approvisionnement énergétique de l’UE, mais l’Espagne n’est pas son seul point d’entrée. Son gazoduc avec l’Italie, le TransMed, a trois fois la capacité du Medgaz. Il s’agit de définir, dans les mois à venir, qui sera le partenaire privilégié de l’Algérie en Europe du sud pour acheminer son gaz vers le nord et le centre de l’UE en alternative à Moscou», peut-on dans lire la presse espagnole.
«L’Italie a besoin de gaz, plus que l’Espagne, étant donné le poids du gaz russe dans la consommation italienne, et son gazoduc la reliant à l’Algérie est beaucoup plus important. Le TransMed reliant l’Italie à l’Algérie a une capacité allant jusqu’à 32 milliards de m3, tandis que celui reliant Oran à Almería, le Medgaz est de 8 milliards de m3, bien qu’il soit porté à un maximum de 10,7m3», écrit le journal El confidencial digital.
Le média établit un autre parallèle avec l’Italie en indiquant que sur le plan diplomatique, l’Italie est restée fidèle à ses principes.
«Le président italien, Sergio Mattarella, ayant déclaré en novembre dernier que «la solution au Sahara occidental doit tenir compte des droits du peuple sahraoui. Et cette position n’a pas changé à ce jour», souligne le journal.
Pour un autre journal espagnol, El Mundo en l’occurrence, «le gouvernement italien ne soutient pas le virage espagnol avec le Maroc, en pleine course européenne pour obtenir du gaz alternatif au gaz russe et devenir la porte d’entrée de l’Algérie vers l’UE».
Le média estime que «le gouvernement italien de Mario Draghi prend ses distances avec Pedro Sánchez (…) et se place ainsi en meilleure position dans son rapprochement croissant avec l’Algérie pour améliorer son approvisionnement en gaz».
Le journal cite en outre le président du groupe énergétique italien ENI, Claudio Descalzi, qui a affirmé dans un livre présenté lundi sur le gazoduc TransMed qui relie les deux pays que «l’Italie a une grande confiance dans la capacité de l’Algérie».
M. Descalzi souligne que «pour l’Italie, il est nécessaire d’avoir un pays allié au sud, pour diversifier les routes énergétiques et l’Algérie est toujours intéressée à développer son potentiel en bénéficiant d’une expérience extérieure. Nous n’agissons pas uniquement pour le profit, mais pour construire un partenariat solide».
Le patron d’ENI a insisté en outre sur l’importance de «sceller des partenariats avec le nord de l’UE», dans le cadre d’une alternative au gaz russe.