Blé, une guerre dans la guerre

27/03/2022 mis à jour: 02:20
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Aliment de base dans la partie du monde où le modèle de consommation s’affirme comme la conséquence des retards en matière de développement économique et humain, le blé va peser dans ces contrées plus que ne peuvent peser le gaz ou le pétrole si les répliques de la guerre en Ukraine s’étalaient dans le temps et prenaient d’autres formes que les fastidieux chantages financiers et énergétiques auxquels recourent présentement les blocs en conflit. 

L’Algérie peut certes compter sur ses disponibilités financières – bonifiées ponctuellement par les apports substantiels de la flambée du marché pétrolier – ainsi que sur un réseau de fournisseurs fidélisés par la régularité des volumes de commandes à l’importation. Mais cette configuration risque, à moyen terme, d’être déstabilisée par une aggravation dans la durée de la tension mondiale actuelle. 

Un récent colloque du Cread à Alger, consacré à la question de la sécurité alimentaire, confirmait ce que l’on savait déjà : les maraîchers du pays réussissaient des performances intéressantes ces dernières années, mais l’Algérie importe encore à 100% la baguette de pain et prête le flanc dangereusement sur d’autres produits à une chute subite de son pouvoir d’achat à l’étranger ou une détérioration brutale des conditions de négoce sur le marché mondial. Le même colloque sériait ces difficultés structurelles que traîne historiquement le secteur agricole national, à la fois héritages du fait colonial et des expérimentations idéologiques de l’après-indépendance, et «effet secondaire» du modèle rentier consacrant en fatum les hydrocarbures comme ressource principale du pays. 

Le secteur de l’agriculture peine toujours à déterminer son potentiel, loin de la fable fantaisiste d’ancien «grenier de Rome», et à structurer son amont et son aval pour une meilleure contribution à la stabilité du marché interne et, pourquoi pas, à la promotion de nouvelles habitudes de consommation chez l’Algérien. 

Selon de nombreux spécialistes, une réflexion et une action sur le modèle de consommation pourraient servir de leviers pour une meilleure maîtrise de la structure des importations avec des gains à escompter également sur le registre de la santé publique. Il faudra, pour ce faire, trancher d’abord la question des excès attribués à notre volume de consommation de blé et déterminer la part de ce qui est problématique dans la ration alimentaire standard, laquelle, comme on le sait, est régulièrement mise en cause par les nutritionnistes et les médecins. 

Consommer moins de pain, soit importer moins de blé, suppose une plus grande offre en légumes et produits frais et un pouvoir d’achat chez le consommateur suffisamment favorable pour inciter à de nouvelles habitudes de consommation. 

Quelles que soient les options à prendre, la parole doit être donnée aux scientifiques et aux agriculteurs qui, depuis au moins une décennie, acquièrent sur le tas un début de savoir-faire qui mérite d’être encouragé. Mais cela ne semble malheureusement pas l’avis de ceux qui ont la décision. 

Sur le terrain, les campagnes qui tendent à diaboliser la corporation et la livrer à la vindicte dès qu’un poulet coûtait plus cher que la veille ou que l’arrière-saison perturbait le marché de la pomme de terre, sont en train de s’ajouter à la sécheresse et à l’explosion des prix des intrants pour démanteler l’embryon de circuit productif mis en place ces dernières années.  

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