Bibliothèque Sophia à Oran : Lazhari Labter revient sur les traces de la poétesse et militante nationaliste Anna Greki

17/11/2024 mis à jour: 23:55
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L’écrivain Lazhari Labter a, sans doute, raison de souhaiter que le nom d’Anna Gréki, de son vrai nom Colette Anna Grégoire, soit apposé quelque part en Algérie en hommage à cette militante de la cause nationale algérienne. 

Il s’est exprimé mercredi à la bibliothèque Sophia à Oran pour présenter le livre qu’il lui a consacré, à sa manière (il faut le préciser) et sorti récemment aux éditions Koukou. Anna Gréki (1931-1966) n’est pas morte durant la guerre de Libération comme l’étaient d’autres algériennes, qu’elles soient de confession musulmane ou pas, mais cela ne diminue en rien la force de son «engagement sans faille» et le sacrifice consenti par elle et d’autres femmes pour l’indépendance de l’Algérie. Elle a, comme beaucoup de ses camarades, subi la torture, la prison et l’internement sans jamais avoir abdiqué face au colonialisme mais, au contraire, cela a même eu pour effet de renforcer sa conviction. 

L’écrivain retrace son parcours depuis sa naissance à Batna, sa tendre enfance dans un village des Aurès (Menaa) la poursuite de sa scolarité à Skikda, ses études de lettres modernes à la Sorbonne après le bac obtenu à seulement 16 ans, sa rencontre au milieu de la gestation estudiantine algérienne en exil avec le militant Ahmed Inal, membre du parti communiste qui pour rappel est mort plus tard au combat en 1956, son retour pour s’installer à Alger où elle devait enseigner et continuer à militer à partir de 1955, son départ forcé pour Annaba suite à la découverte de leur cache (la villa Mireille sur l’actuel Boulevard des Martyrs) par les forces coloniales, etc. 

C’est à son retour de cette ville de l’est du pays où elle avait déjà enseigné quelque temps qu’elle a été accueillie en mars 1957 à la gare, en plein Bataille d’Alger, par les soldats du général Massu, marquant ainsi le début d’un enfer qu’elle vivra lors de sa détention à la villa Sésini, mais également, les tortures en moins, en prison (Serkadji, ex-Barberousse) où elle a été transférée après avoir été jugée et même dans le camp d’internement précédant son expulsion du territoire. Au service du FLN en Tunisie, elle ne rentrera en Algérie qu’après l’Indépendance du pays en 1962. Pas question pour elle d’avoir la nationalité française mais, estime Lazhari Labter, «le passeport algérien ne lui a pas non plus été accordé à cause d’une loi sorti après l’Indépendance et limitant cet octroi». 

Elle décède en 1966 sur un lit d’hôpital, à Mustapha Bacha, suite aux complications d’un accouchement. Elle devait donner naissance à un second enfant. Car entre temps, en 1960, elle avait épousé Jean- Claude Melki avec qui elle avait déjà un garçon âgé alors de 6 ans au moment de son décès. Greki est justement un mélange entre Grégoire et Melki. C’est son nom de plume, car elle est aussi une poétesse confirmée et son recueil intitulé «Algérie, capitale Alger» est en lui-même, de par le titre, un cri pour l’Indépendance, estime le conférencier. 

Ce recueil préfacé par Mustapha Lacheraf a été édité en 1963 à Paris (Jean-Pierre Oswald) et à Tunis (Société nationale d’édition et de diffusion). Elle est également entre autres publiée dans Révolution Africaine, revue dirigée alors par Mohamed Harbi. C’est donc en gros sa poésie qui la fera passer à la postérité. «Il faut garder à l’esprit qu’elle a fait partie de l’Union des écrivains algériens, la toute première version qui comptait dans ses rangs les grands noms de la littérature algérienne», explique-t-il. Elle est d’autant plus connue, même si c’est relatif, que, se souvient-il à titre personnel, «un module semestriel lui était consacré à la faculté des lettres d’Alger au milieu des années 1970».

 Justement, c’est à défaut d’avoir, en temps voulu, questionné les gens qui l’ont connue pour en dresser un portrait (un travail qui aurait pu être fait) que Labter a dû se contenter de sources écrites existantes ou découvertes sur le tard. Sa chance, tempère-t-il néanmoins, c’est d’avoir pu entrer en contact avec son fils, Laurent qui vit à Paris et qui lui a envoyé, grâce aux moyens technologiques d’aujourd’hui, une certaine documentation (écrits et photos) restée dans «une malle qui n’a pas été ouverte depuis 1966». Un trésor de grenier en quelque sorte. Sa deuxième chance, poursuit-il, c’est d’avoir pu récupérer quelques autres traces chez le frère de Ahmed Inal qui vit toujours à Alger. 

Le livre en question n’est pas une biographie et l’auteur a bien fait de le préciser pour éviter tout équivoque. Il est en partie, c’est-à-dire en plus des faits avérés connus ou pas, le fruit de l’imagination de l’auteur. Anna Greki comme prétexte pour un récit littéraire, c’est toujours ça de gagné. 
 

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