Attaque iranienne sur le territoire israélien : Téhéran justifie son opération et prévient Tel-Aviv

15/04/2024 mis à jour: 07:05
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En réponse à l’attaque contre son consulat à Damas, l’Iran a ciblé deux sites militaires sur le territoire israélien

Dans la nuit de samedi à hier, l’Iran a mené une attaque massive avec drones et missiles à partir son territoire contre Israël. Une première, sachant qu’un conflit plus ou moins larvé de plusieurs décennies oppose les deux pays du Moyen-Orient. Hier, Téhéran a appelé Tel-Aviv à ne pas réagir militairement à son opération, qu’il a présentée comme une riposte justifiée à la frappe ayant détruit son consulat à Damas le 1er avril. 

«L’affaire peut être considérée comme close», a annoncé la mission iranienne à l’ONU dans un message posté trois heures après le début de son opération, selon des propos recueillis par l’AFP. Mais, a-t-elle prévenu, «si le régime israélien commettait une nouvelle erreur, la réponse de l’Iran serait considérablement plus sévère». «L’action militaire de l’Iran a été une réponse à l’agression du régime sioniste contre nos locaux diplomatiques à Damas», a justifié ladite mission. Elle a été «menée sur la base de l’article 51 de la Charte des Nations unies relatif à la légitime défense». 


De son côté, le président iranien, Ebrahim Raïssi, a prévenu que la réaction de son pays serait «bien plus forte» en cas de «comportement imprudent» d’Israël ou ses partenaires après l’attaque iranienne. «La punition de l’agresseur s’est réalisée», a-t-il observé dans un communiqué, ajoutant que «si le régime sioniste ou ses partisans» faisaient «preuve d’un comportement imprudent, ils recevraient une réponse décisive et bien plus forte». 


Le chef des forces armées iraniennes, le général Mohammad Bagheri, a déclaré que l’attaque a «atteint tous ses objectifs» en mettant «hors service» un centre de renseignement et une base aérienne. Il a précisé qu’aucun centre urbain ou économique n’a été visé par les drones et missiles iraniens. Ces deux centres ont été spécifiquement visés par les drones et missiles car ils ont servi à mener la frappe qui a détruit, le 1er avril, le consulat iranien en Syrie, provoquant la mort de sept Gardiens de la révolution, dont deux généraux de la Force Al Qods, qui intervient hors d’Iran. 


Parallèlement à l’attaque iranienne, le Hezbollah libanais et les Yéménites houthis ont mené des attaques anti-israéliennes : le premier a tiré deux salves de roquettes sur le Golan occupé par Israël, et les seconds ont lancé des drones en direction du territoire israélien. 


En Israël, le porte-parole de l’armée, Daniel Hagari, a indiqué que la base aérienne de Nevatim a été «légèrement touchée» par des missiles balistiques iraniens. Il a estimé à «plus de 300» le nombre de projectiles lancés par l’Iran et ses affidés. Dans le détail, figureraient «170 drones», «110 missiles balistiques» et «30 missiles de croisière». Tel-Aviv a affirmé avoir «déjoué» l’attaque iranienne contre son territoire, en interceptant «99% des tirs», selon le porte-parole de l’armée. Aucun drone ni missile «n’a pénétré le territoire d’Israël». Seuls quelques missiles balistiques «sont entrés et ont touché légèrement la base de Nevatim», située dans le désert du Néguev, au sud du pays, a-t-il poursuivi. 

«La base est toujours en activité et les pistes sont utilisées pour des atterrissages et des décollages». Seuls quelques dégâts ont été enregistrés, notamment du fait de la chute de débris d’engins abattus en vol. Pour le bilan humain, la Croix-Rouge israélienne n’a jusque-là recensé qu’une enfant de 7 ans blessée. 

Pour contrer cette attaque, outre son système de défense aérienne «le Dôme de fer», Israël a eu recours à l’aide de ses alliés. Les forces américaines britanniques et françaises notamment ont abattu de nombreux engins. «Avec les Etats-Unis et d’autres partenaires, nous avons réussi à défendre le territoire de l’Etat d’Israël», a déclaré le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant. 

Israël n’est pas reconnu par l’Iran depuis la révolution de Khomeini en 1979. Mais, jusqu’à présent, Téhéran s’est gardé de l’attaquer frontalement, préférant soutenir les actions menées par les autres membres de l’«axe de la résistance», dont le Hezbollah libanais et les Houthis du Yémen depuis le début de la guerre dans la bande de Ghaza entre Israël et le mouvement Hamas palestinien le 7 octobre. Dimanche, le ministère iranien des Affaires étrangères a indiqué avoir convoqué les ambassadeurs du Royaume-Uni, de France et d’Allemagne pour protester «suite aux positions irresponsables de certains responsables de ces pays concernant la réponse de l’Iran à la série d’actions du régime sioniste contre les ressortissants et les intérêts de notre pays». 

Quelques heures avant les frappes, l’Iran a saisi samedi un porte-conteneurs accusé d’être «lié» à Israël avec 25 membres d’équipage à bord dans les eaux du Golfe. «Un acte de piraterie» pour Washington. Dans la nuit, Téhéran a mis en garde Washington, l’exhortant à «rester à l’écart» de son conflit avec Israël. 

Le général Bagheri a précisé qu’un «message» a été «envoyé aux Etats-Unis pour les avertir que s’ils coopéraient avec Israël pour leurs prochaines actions éventuelles, leurs bases ne seront pas sûres». Les Etats-Unis possèdent plusieurs bases militaires dans la région, notamment en Irak. 

De son côté, le ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a déclaré que Téhéran a informé les pays voisins avant le lancement de l’opération militaire, soulignant que son objectif consiste à «punir le régime israélien». «Nous ne cherchons pas à cibler le peuple ou les bases américains dans la région», a-t-il relevé, tout en prévenant que son pays pourrait cibler les positions militaires américaines impliquées dans «la défense et le soutien» d’Israël.


Depuis plusieurs décennies

L’Iran a reconnu l’Etat hébreu en 1950. En 1979, avec la proclamation de la République islamique, Téhéran rompt ses relations avec l’Etat hébreu. En 1982, Israël envahit le Liban. Les Gardiens de la révolution aident à la création du Hezbollah, mouvement qui s’implante dans le sud du pays du Cèdre et mène une lutte armée contre Israël. L’Iran et le Hezbollah sont accusés par Israël d’implication dans plusieurs attentats contre ses intérêts à l’étranger. En 1998, l’Iran affirme avoir testé pour la première fois le missile sol-sol Chahab-3 d’une portée de 1300 km, capable d’atteindre Israël. Avec l’élection en 2005 de Mahmoud Ahmadinejad, les tensions s’exacerbent. La même année, l’Iran reprend ses activités d’enrichissement d’uranium. 

En juillet 2015, il conclut avec le Groupe 5+1 (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne) un accord encadrant son programme nucléaire. «Israël n’est pas lié par cet accord (...) car l’Iran continue à vouloir notre destruction», prévient le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu. Par ailleurs, Israël voit d’un mauvais œil le soutien militaire du Hezbollah et de l’Iran au régime de Damas et mène des centaines de frappes en Syrie puis accuse Téhéran d’attaquer de navires. 

Pour schématiser, le 25 février 2021, le MV Helios Ray, un bateau israélien transportant des véhicules et qui effectuait le trajet entre la ville saoudienne de Dammam et Singapour, est touché par une explosion au large du sultanat d’Oman, selon la société Dryad Global spécialisée dans la sécurité maritime. Le 1er mars, Benyamin Netanyahu accuse l’Iran d’être à l’origine de l’explosion. Téhéran rejette ces accusations et adresse une mise en garde à Israël. Le 10 mars, un cargo de la compagnie de transport maritime publique iranienne IRISL, l’Iran Shahr-e-Kord, est touché à la coque par un engin explosif alors qu’il naviguait en Méditerranée, selon plusieurs médias iraniens. 

Le lendemain, le Wall Street Journal, citant des responsables américains et du Moyen-Orient, rapporte qu’Israël a ciblé depuis fin 2019, notamment à l’aide de mines sous-marines, au moins une dizaine de navires faisant route vers la Syrie et transportant, dans la plupart des cas, du pétrole iranien. Le 15, le porte-parole des Affaires étrangères, Saïd Khatibzadeh, déclare que Téhéran «envisage toutes les options». «Compte tenu du lieu du sabotage, tout laisse penser que le régime d’occupation de Jérusalem est derrière cette opération.» 

Le 6 avril, un «navire commercial iranien» est «légèrement endommagé en mer Rouge près des côtes de Djibouti (...) par une explosion dont l’origine fait l’objet d’une enquête», selon le porte-parole des Affaires étrangères. Plus tôt, l’agence iranienne Tasnim a rapporté que le Saviz est un navire utilisé par les forces armées iraniennes et qu’il a été endommagé par des «mines magnétiques». Le New York Times rapporte que le Saviz a été la cible d’une attaque de «représailles» israélienne après «des frappes de l’Iran contre des navires israéliens». 

Le 13 avril, des médias israéliens rapportent qu’un navire appartenant à une société israélienne a été la cible d’une attaque près des côtes des Emirats arabes unis, au large de l’Iran. Citant des sources sécuritaires israéliennes ayant requis l’anonymat, la chaîne israélienne 12 indique que le navire Hyperion Ray a été «légèrement endommagé» par des tirs, probablement iraniens, près du port émirati de Fujairah. 

Ces informations interviennent après la publication par la chaîne libanaise Al Mayadeen de données faisant état d’une attaque contre le navire Hyperion Ray, battant pavillon des Bahamas mais exploité par la société israélienne Ray Shipping, qui a été la cible en février d’une attaque similaire.

 Le 29 juillet, le pétrolier Mercer Street, géré par la société d’un milliardaire israélien, est la cible d’une attaque au drone en mer d’Oman, selon l’armée américaine qui dispose de navires dans la région. L’attaque fait deux morts. Israël, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne accusent l’Iran, qui nie toute implication. La société Dryad Global évoque de nouvelles «représailles dans la guerre de l’ombre» que se livrent l’Iran et Israël. L’Iran avertit qu’il ripostera à tout «aventurisme» après les menaces d’Israël et des Etats-Unis de répliquer à l’attaque. De son côté, la République islamique accuse Israël d’avoir assassiné plusieurs de ses scientifiques et ses alliés. 

Pour ne citer qu’un exemple, le 27 novembre 2020, le physicien nucléaire Mohsen Fakhrizadeh est tué près de Téhéran dans une attaque contre son convoi. Il est présenté après sa mort comme un vice-ministre de la Défense et le chef de l’Organisation de la recherche et de l’innovation en matière de défense (Sépand), ayant notamment contribué à la «défense antiatomique» du pays. L’Iran a accusé Israël d’avoir commandité l’attentat perpétré, selon Téhéran, au moyen, entre autres, d’une mitrailleuse commandée par satellite.


 

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