L’artiste Assia Belhocine expose jusqu’au 28 janvier à la galerie Ezzou’Art à Alger. A l’aide de galets trouvés sur le bord de mer, elle les customise en de beaux tableaux iconiques plus vrais que nature. Dans cet entretien, elle revient sur cette passion naissante pour le galet en ne manquant pas de nous expliquer comment ces galets uniques prennent vie entre ses mains.
- Vous exposez à la galerie Ezzou’Art avec une exposition originale intitulée «Galets aux honneurs», riche de 35 œuvres...
J’ai décidé de baptiser mon exposition «Galets aux honneurs», car jusqu’à présent, je n’ai pas rencontré des gens qui puissent faire honneur aux galets. Je connais plusieurs artistes peintres qui partent en bord de mer pour se promener mais qui n’ont jamais eu l’idée de peindre les galets. Ainsi, j’ai choisi ce titre pour faire honneur aux galets , le faire découvrir et le présenter au monde à l’œil nu, à la main. C’est comme présenter quelque chose que les gens ne connaissent pas. Je pense que le galet n’est pas connu sous cette forme. En fait, c’est un invité d’honneur.
- Concrètement, comment a commencé votre aventure avec le galet ?
Il y a trois ans exactement. Après 22 ans de carrière professionnelle, j’ai fait ma mission d’avocate pendant presque trois ans. Ensuite, j’ai assumé des responsabilités pendant 18 années dans cinq différentes entreprises de renom où sans prétention aucune, j’ai occupé des postes assez supérieurs. J’étais entre autres adjointe aux ressources humaines et conseillère en recrutement. Cependant, je n’ai pas pour autant abandonné ma passion pour la peinture et pour l’écriture. J’ai, ainsi, quitté le milieu professionnel pour m’adonner, entièrement, à ma passion.
Il faut savoir que j’ai commencé à faire de la peinture à l’âge de 15 ans. J’ai de petites toiles que j’ai réalisées quand j’avais 15 ans. J’ai même des cadres que j’ai réalisés quand j’avais 18 ans. Je les garde soigneusement dans une grande valise. Ce sont des toiles, faites à base de fleurs séchées et un mélange de peinture. Je suis passée de la fleur séchée au galet et la peinture et le floral. Les deux m’attirent mais la peinture est un peu spéciale, car il y a ce jeu de couleurs. C’est la combinaison entre l’acrylique et la gouache. C’est tout une histoire.
Pour revenir au déclic avec le galet, j’étais en bord de mer. J’ai ramassé quelques beaux galets avec de belles couleurs que j’ai ramenés à la maison. Je les avais placés un peu partout. Le lendemain, je me suis dit pourquoi pas ne pas peindre quelque choses dessus. Cela a commencé avec des contes pour enfants, des bateaux avec des visages très naïfs. Cela a donné quelque chose de très joli. J’ai montré mon travail à mon entourage qui a été séduit. Par la suite, j’ai fait évolué la chose et je me suis dit pourquoi ne pas aller plus loin. Progressivement, mes dessins et mes thèmes ont évolué. Il fait reconnaître que le galet transmet, aujourd’hui, un message qui a beaucoup évolué. Sans vouloir être dans la fiction, le galet fait parler la personne. Cela le ramène à son enfance, à sa relation avec sa grand-mère qui n’est plus ou encore une époque estudiantine, révolue à jamais. Les galets racontent l’histoire de chacun. Cela revêt un côté nostalgique. Par ailleurs, à travers le floral, j’ai repris des fleurs dont on n’en parle plus, à l’image de la lavande, le coquelicot. Vous avez aussi le thème de l’Afrique où le tour du monde a commencé par ce continent. Il y a aussi les références à l’animal avec par exemple la magie du flamand rose ou encore l’éléphant à travers sa douceur. En fait, j’ai repris les thèmes liés au monde entier, car je pense que tout le monde est frappé par cette nostalgie.
- Quel est votre thème préféré dans le galet ?
Je dirai que mon thème préféré est l’antagonisme. Vous trouvez l’antagonisme dans toutes mes expositions. Cela résume la vie du monde entier. Vous avez envie de dire oui, vous dites non. Vous avez envie de dire oui et vous dites non. C’est un éternel questionnement. Pour la confidence, le premier cadre qui a été vendu, à la galerie Ezzou’Art à Alger, c’est celui de l’antagonisme. Je ne m’y attendais pas. Il y a, certes, l’omniprésence de l’antagonisme mais il y a un protagoniste en moi, comme dans le monde entier d’ailleurs. J’ai beaucoup d’antagonisme dans mes cadres, notamment avec les couleurs et les thèmes différents. Ce sont des cadres qui parlent à tout le monde parce que les galets sont porteurs de messages.
- Concrètement, quelle est la particularité de vos galets ?
Ma collection comporte 35 tableaux encadrés. C’est justement la particularité qu’a mon galet. J’ai, certes, encadré le galet. Le cadre, maintenant, ne sert plus à décorer vos bibliothèques, vos escaliers ou encore vos cuisines, car quand j’ai démarré l’aventure avec le galet, c’était des galets avec support. Les gens me le demandent pour décorer leur cuisine avec des thèmes différents. Décorer des salles de bain. D’autres un peu plus lourd, dans les deux et trois kilos pour décorer une rampe d’escalier. J’ai dit, bon d’accord le galet, on peut le déplacer d’un endroit à l’autre, alors pourquoi ne pas habiller un mur. J’ai tenté l’expérience avec trois galets. Et depuis, je n’arrive pas à m’arrêter. Cela a donné un beau rendu. Les gens ont superbement aimé, mon travail, lors du vernissage de samedi dernier à la galerie Ezzou-Art. Le galet encadré non vitré se retrouve avec une allure sobre et rustique une fois. Je ne mets pas de verre dans mes cadres pour laisser la possibilité à la personne de le toucher. Avec cet aspect vernis, je lui donne un éclat très luisant, brillant à la fois. L’autre particularité du galet actuellement, c’est que j’ai osé mélanger des couleurs qui ne sont pas censées être mélangées. Vous avez le bleu électrique et le rouge, le turquoise avec le jaune. Cela a donné un bel arc-en-ciel au niveau de la galerie Ezzou’Art d’Alger.
- Quelles sont les étapes qui mènent à la réalisation de l’œuvre finale ?
Je dirai que j’ai un mélange secret mais mon enveloppe n’est pas secrète. J’utilise de la résine pour donner un aspect vitré du galet. Vous avez l’impression qu’il est habillé par un voile vitré. Ce sont trois couches de résine que je laisse reposer pendant quatre jours. C’est ce qui lui donne cet aspect vitré. C’est très beau à tenir entre les mains et c’est encore mieux accroché au mur quand vous allumez la lumière.
- La création ne s’est point interrompue, pour vous, en temps de confinement, puisque vous avez réalisé cette présente collection, dédié aux galets...
Effectivement, j’ai réalisé ma collection durant le confinement. Il faut avouer que ce n’était pas évident parce qu’à un certain moment, j’ai baissé les bras. Au moment où j’avais commencé les choses, on a reconfiné. Et puis au moment où l’on a rouvert, je me suis retrouvée avec un travail qui s’est étalé sur une bonne année.
- D’où puisez-vous votre inspiration ?
Je puise mon inspiration de la télévision, de ma tête, de mes émotions, des livres, d’une revue que je lis, de mon humeur, d’un échec, d’une situation… d’absolument de tout.
- Est-ce que vous avez déjà exposé par le passé ?
J’ai exposé trois fois, notamment dans deux galeries et au niveau de la ferme pédagogique de Zéralda. Mais je considère que ma présente exposition de galets à la galerie Ezzou’Art marque mon baptême de feu.
- En parallèle du galet, vous êtes également dans le bijou rustique...
Il est vrai qu’avant de me lancer dans le galet, j’étais dans le bijou rustique. Ce bijou est destiné, essentiellement à des femmes d’un certain âge. Il s’agit d’un bijou rustique dans un modèle très sobre avec beaucoup de satin. Un travail particulier avec un style baroque. Quand j’ai commencé mes expositions, je démarrais le bijou en parallèle. J’ai exposé tout à fait au départ, un peu de collier et un peu de galet. Mais en allant de l’avant, je me suis beaucoup penchée sur le galet, parce qu’entre le galet et les perles, ce sont deux mondes différents. Aujourd’hui, entre les deux mondes mon cœur balance. Pourquoi ? Le collier, c’est la femme. J’ai beaucoup de respect pour elle. J’aime habiller la femme depuis toujours. J’aime voir les femmes élégantes. J’aime voir une femme bien habillée qui parle bien. Pour la petite confidence, on m’appelait la demoiselle à l’écharpe. Je ne sortais jamais sans écharpe, à l’âge de vingt ans. J’aime la féminité. J’aime retrouver chez la femme la féminité. Par contre, le galet a une communication plus vaste. C’est un objet qui parle à tout le monde, au jeune et au vieux. Par contre le collier s’adresse uniquement à la femme.
- Vous avez plus d’une corde à votre arc puisque l’écriture n’a pas de secret pour vous…
Reconnaissant que je suis dans l’écriture. Je suis en train d’écrire un livre depuis quatre ans. J’espère que je ne mourrai pas avant de l’éditer. C’est un livre qui raconte l’histoire de la vie de chacun. Pour rappel, je suis passée à la radio lors de mes 19 ans. On avait initié, à l’époque, un concours de prose. J’avais reçu un courrier m’annonçant que j’avais été retenue pour ce concours. A minuit j’attendais que mon nom soit cité sur les ondes de la radio. On annonce, ainsi, mon nom et l’animateur avait lu ma poésie dans sa totalité. Je n’oublierai jamais ce jour là. A ce moment-là, je m’étais promis de repasser sur un plateau de radio et de télévision. Aujourd’hui, mon rêve s’est réalisé puisque je suis invité occasionnellement sur les plateaux pour faire la promotion de mon travail.
- Sinon, quels sont les artistes qui vous inspirent ?
J’ai une préférence pour l’artiste peintre algérienne Louise Achab. Elle fait dans le semi-figuratif. J’adore, également, les représentations du miniaturiste algérien Mohamed Racim. Il y a d’autres artistes européens que j’apprécie, tels qu’Etienne Dinet, Von Gogh, Claude Monet. J’aime tout ce qui est délicat et représentatif à la fois.
- Après cette exposition, avez-vous d’autres projets ?
J’ai de beaux projets avec quelques hôtels. Je suis dans le cadre de l’habillage de leurs bureaux et pourquoi pas de leurs chambres. Sinon, j’espère pouvoir continuer à donner des cours de galets pour les enfants. J’ai fait cette démarche cette année. Quand j’ai commencé le galet, je me suis dit qu’il fallait que je fasse aimer le galet à travers l’enfant et non pas l’adulte. C’est là où je suis partie faire une tournée à travers les écoles privées du premier cycle.