L’Algérie dispose de 200 systèmes épuratoires constitués de stations d’épuration (Step), dont la gestion de 159 relève de l’Office national de l’assainissement (ONA) avec une capacité globale installée près de 1,6 million de m3/j. 31 stations sont gérées par les Assemblées populaires et 10 autres font partie de la gestion délégataire des services publics de l’eau d’Alger (SEAAL), Oran (SEOR) et Constantine (SEACO).
Sachant que 39 du parc des Step sont implantées au niveau du littoral et 27 à l’amont des barrages. La capacité de traitement des eaux épurées de l’ensemble des Step a atteint respectivement un volume de 243 millions m3 en 2020 et 253 millions m3 en 2019. Malheureusement, certaines régions du pays, le rejet des eaux usées non traitées est devenu une source de pollution et une menace pour nos ressources superficielles mobilisées au niveau des retenues de barrages.
Durant ces dernières années, plusieurs stations d’épuration (STEP), situées en amont des barrages, sont à l’arrêt ou partiellement en panne, ce qui induit le rejet des eaux directement sans aucun traitement préalable dans les effluents qui alimentent par écoulement les barrages, une telle situation pouvant avoir des répercussions néfastes sur la qualité des eaux brutes et même un risque d’entraîner l’eutrophisation des eaux de barrages.
Cela doit inciter les gestionnaires de l’ONA à agir et prendre en charge le problème en urgence par des actions palpables de réhabilitation d’au moins neuf (07) stations (STEP) qui sont toujours à l’arrêt présentant des risques préjudiciables sur la qualité des eaux brutes et l’environnement.
L’Etat algérien a investi des montants colossaux pour la réalisation des stations d’épuration dans le but de protéger l’environnement contre toute pollution causée par les eaux usées et préserver la santé publique contre la propagation des maladies à transmission hydrique en milieu urbain et suburbain et aussi pour irriguer des terres agricoles par les procédés de traitement tertiaire.
Pour des carences de gestion, on observe que plusieurs stations d’épuration sont considérées comme des investissements gâchés du fait qu’ils n’ont pas atteints les objectifs assignés en raison de la réalisation inachevée des projets ou de la mauvaise planification. A ce titre, on cite les exemples concrets illustrant ces manquements de gestion :
• La STEP de Chlef a été réalisée en 2006 avec un débit nominal de 36 000 m3/j pour l’épuration des eaux usées de la ville de Chlef. Néanmoins, cette station n’a jamais dépassé 30% de son débit nominal en raison du manque de collecteurs raccordés à la station. Les eaux usées sont rejetées directement en milieu naturel. En plus l’arrêt de la station de pompage principale de Carméla, depuis les inondations de 2018, ce qui a aggravé la situation par une réduction de la capacité de production à 14% de son débit nominal.
• La station d’épuration de Skikda, mise en service en 2014 pour un débit nominal de 46 000 m3/j, pour l’épuration des eaux usées de ville de Skikda et des localités de Hammadi Krouma, Hamrouche Hamoudi, El Hadaik. Depuis sa réalisation, la station n’a jamais dépassé 20% de sa capacité de traitement à cause du faible taux de raccordement.
• La station d’épuration de Djanet, mise en service en 2014 avec un débit nominal de 2 500 m3/j, elle a été réalisée pour traiter les eaux usées de la ville de Djanet par un procédé naturel de lagunage avec un objectif de valoriser les eaux épurées en agriculture du futur périmètre situé en aval de la station. Depuis sa réalisation, la station n’a pas donné les rendements escomptés avec des eaux épurées non conformes aux normes algériennes.
• La station d’épuration d’El Bayadh, réalisée en 2014 avec un débit nominal de 19 000 m3/j afin de traiter les eaux usées de la ville d’El Bayadh. Les eaux épurées issues de cette station devaient être réutilisées dans l’irrigation en agriculture. Malheureusement, depuis sa mise en service en 2014, elle n’a jamais fonctionné correctement et elle a connu des pannes d’équipements et des arrêts récurrents sachant, que la STEP nécessite des travaux de réhabilitation et renouvellement d’équipements.
• L’unique station d’épuration de Mascara, mise en service en 1996 pour un débit de 13 000 m3/, se trouve dans un état dégradé avec capacité dépassée depuis plus d’une dizaine d’années. Les eaux usées partiellement épurées par cette station sont mélangées au niveau de Oued El Kouair avec le surplus des eaux usées brutes by-passées entraînant un réel danger de pollution pour la ville par le débordement des eaux usées et par leurs réutilisations dans l’irrigation des terres agricoles.
Messahel Mekki
Tableau : Etat des STEP à l’arrêt ou partiellement en panne.
Step | année de mise en service | débit de traitement (m3/j) | Observations : barrage impacté / affluent du rejet |
- Sétif - Mascara - Beni Amrane - Batna - Chlef - Tiaret - Tissemsilt - Souk-Ahras - Djanet - El Bayadh | 1996 1996 2001 2005 2006 2008 2013 2003 2014 2014 | 66 000 13 000 9 000 20 000 36 000 38 000 27 000 30 000 2500 19 000 | Ain-Zada/ Oued Bousellam Taht / Oued El Kouair Beni Amrane/ Oued Isser Koudiet Lemdaouer /Oued Gourzi ----- Barrage Dahmouni Barrage Bougara Ain Dalia/ Oued Medjerda ----- ----- |
Les eaux usées peuvent constituer un moyen de valorisation en ressources non conventionnelles afin de pallier les besoins de l’irrigation en cette conjoncture de déficit du stress hydrique que traverse le pays. L’Algérie dispose d’une capacité de production de 500 millions de m3 et la production des STEP devrait atteindre 01 milliard de mètres cubes à l’horizon 2032 que le secteur s’emploi à réutiliser les eaux épurées pour l’irrigation de 24 000 hectares de terres agricoles d’ici 2024 et atteindre à l’horizon 2030 quelque 400 000 hectares dont 16 000 hectares dans les eaux plateaux (articles de la presse parus le 12/03/2022 et 23/03/2023). Il est à noter que d’après les comptes rendus officiels de l’ONA, la capacité maximale de production ne dépasse pas 365 millions m3/ an. Afin d’atteindre cet objectif ambitieux, des efforts sont indispensables à la mise à niveau des systèmes aux procédés de traitement tertiaire des eaux épurées afin d’atteindre un nombre supplémentaire de 33 Step afin d’atteindre une capacité de production de 650 m3/j et une réutilisation de 149 hm3/an d’eau épurée pour irriguer plus de 7200 ha supplémentaire. Actuellement, seules quelques stations disposent du traitement tertiaire pour la réutilisation des eaux épurées en irrigation. Parmi, les grands périmètres d’irrigation, on trouve celui de M’leta, alimenté à partir de la STEP El Kerma pour l’irrigation de près de 6000 ha et celui d’Ain El Turck pour une superficie de 315 ha, le périmètre d’Ain Houtz -Hennaya pour 1000 ha desservie à partir de la Step de Tlemcen. Une augmentation des volumes des eaux épurées à réutiliser en irrigation par stockage dans les barrages s’avère une solution prometteuse,c’est le cas du barrage de Barek d’une capacité de 28 millions de m3 dont l’étude est en cours. Cet ouvrage hydraulique est situé à une vingtaine de km au sud-est d’Alger, sur l’Oued Zerouela à Barek au niveau de la wilaya de Blida,destiné à stocker une partie des eaux épurées de la Step de Baraki, permettant ainsi de mobiliser un volume de 10 à 15% d’eau de plus que l’irrigation au fil de l’eau. Aussi, il est intéressant d’envisager d’autres sites potentiels de stockage des eaux épurées au voisinage des STEP en exploitation.
Tableau : état des stations d’épuration en exploitation à traitement tertiaire
N° | Station / Procédés | Wilaya | Volume épuré(Hm3/an) | Surface irriguée(ha) |
01 | Ain El Houtz/ Boue activée | Tlemcen | 8,47 | 800 |
02 | Ain El Turk / Boue activée | Oran | 2,92 | 315 |
03 | Guo EL Kerma / Boue activée | Oran | 8,00 | 439 |
04 | Ain EL Hadjar | Saïda | 0,23 | 58 |
05 | Boumerdes / Boue activée | Boumerdès | 3,44 | 62 |
06 | Souk Ahras / Boue activée | Souk Ahras | 2,16 | A l’arrêt |
Total | 23,06 | 1674 | ||
Cet état de situation non reluisant impose aux responsables du secteur des ressources en eau de dégager un diagnostic exhaustif au parc national des systèmes de traitement des eaux épurées afin d’établir un programme de réhabilitation des Step défaillantes et de procéder à la mise à niveau par priorité au traitement tertiaire en fonction des usagers. C’est une fois que ces actions seront concrétisées que les objectifs que vise le secteur de l’hydraulique seront indubitablement réalisables.