L’Algérie est le principal pays médiateur pour le retour de la paix dans le nord du Mali, à la suite d’un accord signé en 2015 entre le gouvernement malien et des groupes armés à dominante touareg. Alger et Bamako entretiennent des relations intenses et ancestrales, en plus de partager une longue frontière.
L’Algérie et le Mali sont en phase de reprendre le cours normal de leurs relations, après la brouille de décembre 2023 marquée par le rappel, pour consultation, de leurs ambassadeurs respectifs. La crise, inédite dans l’histoire des deux pays, a pris fin vendredi dernier avec le retour des représentants diplomatiques à leurs postes à Bamako et Alger. Des signes de rapprochement se multiplient.
Selon des médias maliens, une délégation du gouvernement de transition au Mali est attendue dans les jours à venir à Alger pour clarifier sa position concernant la mise en œuvre de l’Accord de paix d’Alger, conclu par toutes les parties maliennes en 2015. C’est cet accord, d’ailleurs, qui a été en partie à l’origine de cette tension.
Le pouvoir malien, conduit par le colonel Assimi Goïta, a reproché à l’Algérie le fait de recevoir des opposants, «sans consultation du gouvernement malien». La junte militaire au pouvoir dans ce pays a, par exemple, exprimé son irritation concernant la visite à Alger de l’imam malien Mahmoud Dicko qui a été reçu en audience par le président Abdelmadjid Tebboune.
Ne partageant pas la démarche des autorités de la transition, le religieux est considéré par ces dernières comme un «ennemi».
En réponse, le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf, avait convoqué, le 21 décembre dernier, l’ambassadeur du Mali en Algérie, Mahamane Amadou Maiga, pour rappeler que «les contributions historiques de l’Algérie au renforcement de la paix, de la sécurité et de la stabilité en République du Mali ont de tout temps été fondées sur trois principes fondamentaux auxquels notre pays demeurera intrinsèquement lié».
Il s’agit, d’abord, de «l’attachement ferme de l’Algérie à la souveraineté de la République du Mali, à son unité nationale et à son intégrité territoriale». M. Attaf a souligné, à l’occasion, «la conviction profonde de l’Algérie que seules les voies pacifiques sont à même de garantir la paix, la sécurité et la stabilité en République du Mali de manière constante, durable et pérenne».
De ces principes émanent, a poursuivi le ministre, un troisième fondement qui n’est autre que «la réconciliation nationale, loin des divisions et des discordes récurrentes entre les enfants du même pays», et qui demeure, selon lui, «le moyen idoine permettant à l’Etat malien de s’engager dans un processus inclusif et fédérateur sans discrimination, ni favoritisme ou exclusion».
Seul ce processus, a soutenu M. Attaf, «est de nature à garantir, tout compte fait, la consécration de la souveraineté de la République du Mali, son unité nationale et son intégrité territoriale».
En outre, il a été rappelé au diplomate malien «le communiqué du MAE en date du 13 décembre 2023, lorsque l’Algérie avait exhorté l’ensemble des parties maliennes à réaffirmer leur engagement à exécuter l’Accord de paix et de réconciliation issu du Processus d’Alger, en réponse aux aspirations légitimes de toutes les composantes du peuple malien frère à la paix et à la stabilité de manière permanente et durable».
C’est dans cette optique que «l’Algérie continue de concevoir, mais également d’assumer son rôle de président du Comité de suivi de l’Accord de paix et de réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger», a conclu le communiqué. Il ne s’agit donc nullement d’une ingérence dans les affaires internes du Mali.
Quoi qu’il en soit, la situation semble rentrer aujourd’hui dans l’ordre. Hier, le correspondant de la presse française au Mali, Serge Daniel, a annoncé sur le réseau X la préparation d’une visite d’Assimi Goïta en Algérie, en citant une source diplomatique malienne.
«Le contact est renoué entre Bamako et Alger. Nous travaillons sur l’organisation d’une visite en Algérie du président de la transition du Mali, le colonel Assimi Goïta», affirme la source citée par le journaliste. Ces développements augurent effectivement d’un retour à la normale. Mais quid de l’application de l’Accord d’Alger ?
Le communiqué du Conseil de sécurité de l’ONU, publié samedi dernier, poussera-t-il le pouvoir malien à changer de position ?
Les membres du Conseil de sécurité de l’ONU, rappelons-le, ont réaffirmé le caractère central de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali de 2015, issu du processus d’Alger. Ils exhortent ainsi «toutes les parties signataires à reprendre le dialogue et à s’engager dans la mise en œuvre de l’accord pour garantir la paix et la stabilité au Mali».
Le conflit s’exacerbe au nord du Mali
Pour l’instant, les autorités de transition malienne se montrent toujours hostiles à cet accord. Dans son discours à l’occasion du Nouvel an 2024, Assimi Goïta a annoncé le lancement d’un nouveau dialogue, au nom de «l’appropriation nationale du processus de paix, en donnant toutes les chances à un dialogue direct inter-malien pour la paix et la réconciliation, pour éliminer les racines des conflits communautaires et intercommunautaires».
Il annonce, à cet effet, «la mise en place, dans un délai d’un mois, d’un comité chargé de piloter ce dialogue, avec pour mission de présenter son rapport au plus tard en février».
Assimi Goïta fixe aussi le cadre du dialogue souhaité qui ne devrait pas concerner «l’unicité et que la laïcité de l’État et l’intégrité du territoire ne feront pas partie des sujets de discussion».
Le président de la transition malienne ne cache pas, cependant, son intention de poursuivre sa guerre actuelle contre les mouvements de l’Azawad qu’il qualifie «de terroristes». Une guerre qu’il mène avec l’appui des mercenaires de Wagner, commettant sur le terrain, selon les mouvements du Nord, «de graves crimes contre les civils».
«La lutte contre les groupes armés terroristes se poursuivra jusqu’à la pacification totale du pays. Sur aucune portion du territoire national, il ne devrait y avoir de la place pour ceux qui ont décidé d’atteindre à nos terres et à la vie de nos populations», lance-t-il.
En décodé, le colonel n’a pas l’intention de considérer à l’avenir les mouvements signataires de l’Accord d’Alger comme des partenaires politiques avec qui il doit négocier à nouveau les termes de la future réconciliation…