Alors que l’envoyé spécial pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rejoindrait demain les médiateurs qataris et égyptiens ainsi que les délégations israéliennes et du Hamas, qui sont à Doha, pour la reprise des négociations sur le cessez-le-feu à Ghaza, le conseiller de Trump pour les otages, Adam Boehler, affirmait qu’il «est possible que nous assistions à une sorte de trêve à long terme où les prisonniers seraient libérés et le Hamas renoncerait à ses armes».
Tout porte à croire que les pourparlers directs entre Washington et le Hamas, à Doha, ont pesé lourdement sur la reprise des négociations pour le maintien du cessez-le-feu, extrêmement fragile, à Ghaza, après un gel des pourparlers et les menaces israéliennes de reprise de la guerre.
Alors que les délégations des deux parties, Israël et Hamas, arrivent à Doha durant ces dernières 24 heures, l’envoyé spécial américain, Steve Witkoff, les rejoindra demain pour entamer les négociations qui, selon les médias israéliens, porteront sur le plan américain qui vise la libération de la moitié des otages le 1er jour et la prolongation de la trêve. Et selon le Hamas, elles concerneront la 2e phase de l’accord de cessez-le feu, qui prévoit la libération des otages israélien en échange de prisonniers palestiniens, le retrait total et définitif des forces israéliennes de Ghaza et la fin de la guerre.
Samedi dernier, les médiateurs qataris et égyptiens avaient mis l’accent, à partir du Caire, «sur la nécessité de respecter tous les termes de l’accord d’entamer directement les négociations pour la 2e phase et de l’entrée de matériel de secours sans restriction ni conditions» à Ghaza. La délégation du Hamas, après s’être entretenue avec le patron des services de renseignement égyptiens sur l’accord de cessez-le-feu à Ghaza, a, dans un communiqué, exhorté «toutes les parties à respecter leurs engagements envers l’accord initial et à entamer immédiatement des négociations sur sa 2e phase».
Elle a également déclaré «avoir fait savoir aux responsables égyptiens être prêt à former un comité de ‘‘personnalités nationales indépendantes’’ pour gouverner Ghaza jusqu’à la tenue d’élections». Hier, Mahmoud Mardawi, haut responsable du Hamas, a réitéré, lui aussi, l’«engagement» du mouvement de résistance, «à mettre en œuvre tous les termes de l’accord» et souligné «la nécessité d’obliger l’occupant israélien à mettre en œuvre l’accord et à entamer immédiatement la 2e phase des négociations selon les paramètres convenus». Porte-parole du Hamas, Abdelatif Al Qanou, a indiqué, pour sa part, que les efforts égyptiens et qataris «se poursuivent» en évoquant des «signaux positifs».
Du côté israélien, l’autorité de radiodiffusion a annoncé la tenue d’une réunion du cabinet restreint durant l’après-midi d’hier, pour «déterminer l’étendue du mandat accordé à l’équipe de négociations dépêchée à Doha», du fait qu’elle soit purement «technique» et «n’a pas de mandat» pour prendre une quelconque décision, jusqu’à l’arrivée de son chef, (prévue aujourd’hui), le ministre des Affaires stratégiques, Ron Dermer, un des plus proches collaborateurs du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu.
«Les échanges et la rencontre avec le Hamas ont été utiles»
La même source a précisé en outre que les discussions de Doha «porteront uniquement sur le cadre général des négociations». Le journal hébreu Maariv a rapporté, pour sa part, les propos d’un «haut responsable israélien» sans le nommer, qui a apporté un peu plus de précisions. «Nous avons envoyé une délégation pour donner à Washington et aux médiateurs une chance de prolonger temporairement le cessez-le-feu. Hamas a refusé toutes les propositions y compris celle de Witkoff ainsi que la négociation de la 2e phase de l’accord selon nos conditions. Le Hamas insiste pour rester à Ghaza et exige que nous nous retirions de l’enclave et que nous ne retournions pas à la guerre.
Cela n’arrivera jamais», a confié le responsable israélien, sous le couvert de l’anonymat au journal hébreu. Selon la même source, la délégation israélienne «va essayer de combler les divergences, nous continuerons à adhérer à la proposition de Witkoff et le cabinet envisage de continuer à exercer une pression sur le Hamas notamment en bloquant l’approvisionnement en eau et en électricité à Ghaza». Diffusé hier, un communiqué du bureau du Premier ministre a annoncé l’envoi ce lundi, «d’une délégation à Doha pour faire avancer les négociations», après avoir «accepté l’invitation des médiateurs soutenus par les Etats-Unis».
En fait, les pourparlers directs et inédits à Doha, d’il y a une semaine, entre une délégation de haut rang du Hamas, dirigée par Khallil Haya, et l’envoyé du président Trump pour les otages, Adam Boehler, pour la libération des otages israélo-américains semblent avoir fait bouger les lignes et poussé Israël à accepter de revenir à la table des négociations. Très contrarié par ces pourparlers dans son dos, l’Etat hébreu a évité de s’en prendre publiquement à l’administration Trump. Il s’est contenté d’un communiqué dans lequel on peut lire : «Israël a fait part aux Etats-Unis de sa position concernant les pourparlers directs avec le Hamas.»
A en croire le site Axios, l’administration Trump «fait pression pour un accord qui mènerait à la libération de tous les otages restants, dont les cinq Israélo-Américains, la prolongation de la trêve, jusqu’après le mois sacré musulman du Ramadhan et la fête juive de Pessah et conduirait éventuellement à une trêve à long terme qui mettrait fin à la guerre». Adam Boehler, faut-il le rappeler, s’est entretenu à plusieurs reprises avec le Hamas et sa dernière rencontre a été celle de mardi dernier, révélée par Axios.
L’envoyé spécial de Trump avait discuté de la possibilité de libérer cinq otages israélo-américains, dont quatre décédés, comme moyen de lancer un accord pour la libération de tous les otages restants et une trêve à long terme. Rien n’a filtré sur la visite de Witkoff, s’il défendra le plan qui porte son nom et dont il n’a jamais nié ou reconnu l’existence, mais aussi sur le fait qu’il rencontrera les représentants du Hamas ou seulement les médiateurs.
Hier, l’envoyé de Donald Trump pour les otages, Adam Boehler, a expliqué sur la chaîne de télévision américaine CNN, que «négocier avec des gens bons ou mauvais faisait partie de son travail», puis a affirmé : «Il est possible que nous assistions à une sorte de trêve à long terme où les prisonniers seraient libérés et le Hamas renoncerait à ses armes.» Pour lui, «la rencontre avec le Hamas a été très utile. Je pense que nous pourrons libérer tous les otages, pas seulement les Américains» (voire encadré). Selon Axios, qui cite un «haut responsable israélien», Witkoff a exprimé son souhait de «réunir toutes les parties au même endroit pour plusieurs jours de négociations intenses afin de parvenir à un accord».
Y parvenir exigerait qu’Israël se retire complètement de Ghaza et accepte une fin permanente de la guerre en échange des otages encore en vie. Mais, à ce jour, Israël veut juste prolonger la première phase de l’accord de cessez-le-feu pour permettre la libération d’autres otages sans s’engager à se retirer de Ghaza, et encore moins de mettre fin à la guerre. Selon le Wall Street Journal, l’Etat hébreu «envisageait une campagne d’escalade contre le Hamas, si Netanyahu décidait finalement que les négociations sur les otages avec le Hamas étaient infructueuses ou que ses exigences étaient trop élevées».
Pour le journal américain, Israël «pourrait, dans un deuxième temps, couper l’électricité et l’eau, après avoir interrompu les livraisons d’aide humanitaire à la bande de Ghaza», ajoutant plus loin, qu’il pourrait aussi «recourir à des frappes aériennes et à des raids» avant «d’aller vers l’étape suivante qui pourrait être l’expulsion des Palestiniens du nord de Ghaza par les forces militaires».
Un scénario qu’Israël veut à tout prix anticiper sur le terrain, pour créer une situation de fait accompli. Hier, le ministre extrémiste des Politiques stratégiques israélien, Bezalel Smotrich, a déclaré que «le gouvernement travaille à la création d’un département de l’immigration dans le but de mettre en œuvre le plan d’expulsion des Palestiniens de Ghaza», ajoutant : «Nous travaillons avec les USA pour choisir les pays vers où les Palestiniens vont migrer. Avec 5000 Palestiniens concernés par l’exode volontaire par jour, l’opération prendra un an.»
«Nous ne sommes pas l’agent d’Israël»
Dans un entretien accordé à la chaîne américaine CNN, l’envoyé américain pour les otages, Adam Boehler, a défendu ses pourparlers directs avec les dirigeants du Hamas et s’est défendu de travailler pour Israël. «Nous sommes les États-Unis. Nous ne sommes pas un agent d’Israël », a-t-il lancé en affirmant qu’il comprenait la colère d’Israël. «Je comprends pourquoi Israël est contrarié. J’ai parlé avec Ron Dermer (ministre des Affaires stratégiques) et je suis compréhensif. Il a quelqu’un qu’il ne connaît pas bien qui est en contact direct avec le Hamas. Peut-être que je les verrais et je dirais : «Regardez, ils n’ont pas de cornes qui leur poussent sur la tête.
Ce sont en fait des types comme nous. Ce sont des types plutôt sympas», dit Boehler, en parlant des dirigeants de Hamas. «Il ne me connaît pas, et les enjeux sont importants. Mais Israël ne pense pas que son interaction avec le Hamas puisse faire pencher la balance en sa défaveur. Israël sait qu’en sortant de là, ce n’est pas comme si le Hamas avait conquis le monde, parce que je pensais qu’ils étaient une bande de gentils». L’envoyé spécial de Donald Trump a exprimé sa compassion envers Israël en disant : «Je comprends la consternation et l’inquiétude. Je n’étais pas contrarié.
En même temps, nous sommes les États-Unis. Nous ne sommes pas un agent d’Israël. Nous avons des intérêts spécifiques en jeu. Nous avons communiqué dans les deux sens. Nous avons des paramètres très précis que nous suivons». Interrogé sur les éventuelles issues de ses pourparlers avec le Hamas, il a répondu : «Quelque chose pourrait se produire dans les semaines à venir.
Il y a suffisamment de choses pour parvenir à un accord entre ce que le Hamas veut et ce qu’il a accepté, et ce qu’Israël veut et c’est accepté. Je pense qu’il y a un accord qui permettrait de libérer tous les prisonniers, pas seulement les Américains». Interrogé sur la situation du Hamas, le responsable américain a répondu : «Je pense qu’il y a de l’espoir.
Je pense qu’Israël a fait un travail formidable et magistral en éliminant le Hamas, le Hezbollah et un certain nombre d’autres ennemis, ce qui rend possibles des choses qui n’étaient pas possibles auparavant. On pourrait voir une sorte de trêve à long terme dans laquelle nous pardonnerions aux prisonniers, dans laquelle le Hamas déposerait les armes, dans laquelle les Palestiniens accepteraient de ne plus faire partie du parti politique. Je pense que c’est une réalité qui est vraiment proche». S. T.