Après une période de léthargie, nombre de projets de restauration au niveau de la citadelle ou Dar Essoltane et de l’ancienne médina commencent à voir le jour au moment où d’autres édifices historiques sont en cours de restauration ou font l’objet d’étude.
Dans le cadre du Plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé de La Casbah d’Alger (PPSMVS), le ministère de la Culture avait arrêté en 2013 un plan d’action visant à prendre en charge la restauration des palais, mosquées et autres maisons historiques, une opération inscrite sur le budget de l’Etat et dont l’enveloppe allouée à cet effet était de 24 milliards de dinars. Les travaux allaient à pas comptés.
Très peu d’édifices ont été réceptionnés par le ministère de la Culture, il y a une quinzaine d’années, à l’image de Dar Mustapha Pacha, devenu musée de la miniature, de l’enluminure et de la calligraphie, Dar El Cadi, palais qui abrite la l’Agence nationale des secteurs sauvegardés (ANSS), ou Dar Essouf, un lieu affecté à des services administratifs.
En 2016, «l’opération de restauration change de main, et la mise en œuvre fut transférée à la wilaya d’Alger qui approuva le plan d’attaque en accordant une rallonge financière de 5 milliards de dinars sur l’ensemble des secteurs sauvegardés de La Casbah qui se résument dans la typologie mixte (type traditionnel et type colonial) dont la superficie globale est de 105 ha», selon l’inspecteur en charge du dossier Casbah au niveau de la wilaya, Saïd Guellal.
Ce dernier fait savoir que «la wilaya a lancé depuis 2017 un certain nombre d’opérations de restauration», au niveau de la citadelle et de l’ancienne médina. «Nous avons réceptionné, lors des années 2021 et 2022, le complexe religieux et culturel Sidi Abderrahmane, la mosquée du dey et la poudrière de la citadelle. Le premier module est géré par le ministère des Affaires religieuses et des Waqfs ; quant aux deux autres, situés dans la citadelle, ils sont remis aux mains du ministère de la Culture et des Arts», explique-t-il, avant d’ajouter que ces sites «sont déjà ouverts au public».
Aussi, outre l’opération de réhabilitation de 143 ensembles de type colonial, soit 1515 logements, situés dans les secteurs sauvegardés, M. Guellal tient à indiquer que «la demeure historique de la famille Bouhired M’barek dans La Casbah d’Alger, un haut lieu historique qui a servi de refuge à des figures emblématiques de la guerre de Libération nationale, situé au 3, impasse ex-Lavoisier» au même titre que trois autres bâtisses, qui lui sont attenantes (ndlr, situées aux no 2, 4 et 6 impasse Silène) ainsi que la maison dite Dar Bachtarzi sise rue des Frères Ouslimani (ex-rue Lézard), laquelle demeure va abriter une trentaine d’artisans, ont été réceptionnées.
Des édifices réceptionnés, d’autres en cours de remise en état
Les travaux de restauration concernant les autres modules de la citadelle, appelée à devenir, une fois entièrement réhabilitée, un pôle culturel de la capitale. Le maître d’œuvre, l’entreprise Mesmoudi, se donne du cœur à l’ouvrage en mobilisant des équipes spécialisées en matière de restauration. Actuellement, l’entreprise s’attelle à la réhabilitation du palais du dey ainsi que le grand bâtiment qu’est le palais des beys, en respectant l’emploi des matériaux appropriés (liant, crépi, revêtement, etc.).
S’agissant du quartier et du hammam des janissaires, ils ont été déjà réhabilités dans un passé pas lointain par le ministère de la Culture. Quant à la mosquée des janissaires, sa réhabilitation n’est pas encore programmée, selon M. Guellal qui, par ailleurs, annonce que la mosquée El Barani, dont les travaux de réhabilitation ont été repris par l’entreprise Mesmoudi, «ne tardera pas à ouvrir ses portes aux fidèles».
D’autres édifices religieux feront l’objet de travaux de restauration, dira notre interlocuteur, à l’image des mosquées Sidi Abdellah, Djamaâ Safir, Sidi Benali, Ben Fares (Djamaâ Lihoud), Sidi M’hamed Cherif.
A propos de l’ancienne mosquée, sinon la première – avant Djamaâ El Kebir (XIe siècle, ère des Almoravides), selon certaines sources –, en l’occurrence Djamaâ Sidi Ramdane, «une étude de restauration sera lancée par un BET qu’on aura à désigner bientôt», tient à affirmer le responsable du dossier.
Toujours concernant les lieux cultuels, il est prévu une extension, soit un complément de travaux liés à la mosquée Ali Bitchine, dont des vestiges ont été mis au jour dans la cour. «L’opération est déjà lancée. Nous envisageons de matérialiser, révèle-t-il, les lieux du vestige et en même temps, nous allons entreprendre dans une aire contiguë à la mosquée des travaux de réalisation d’une salle d’ablutions, une salle de prière pour femmes, une école coranique ainsi qu’une bibliothèque.»
Des opérations de réhabilitation dans un programme futur
Dans cette foulée d’opération de restauration, il est prévu également le lancement de travaux concernant Dar El Hamra ainsi que l’ex-siège de daïra, qui seront confiés à l’entreprise Aït Djoudi, dirigé par le BET Archimed, dont le délai contractuel concernant la livraison est de 30 mois, nous dit-on. Attenant à la mosquée Ketchaoua, le fameux palais Hassan Pacha, dont le quidam s’interroge depuis des lustres sur la date de son ouverture, ne fait pas moins couler beaucoup d’encre et de… salive.
L’opération de restauration avait été lancée en 2017, avant d’être arrêtée. «Les travaux n’ont repris que cette année pour une durée prévue de 24 mois avant la livraison de l’ouvrage», fait savoir M. Guellal qui dresse une autre liste de palais inscrits au programme de restauration. «Il s’agit, note-t-il, d’une prochaine opération. Après que les études seront terminées, nous lancerons un avis d’appel d’offres de travaux de restauration concernant les édifices historiques que sont Dar Essouf, Dar Sadaqa, le palais des arts et traditions populaires (dar Khdaouadj El ‘Amia), dar Ahmed-Bey (siège administratif actuel du TNA).»
D’autres études de restauration seront lancées et concerneront la maison du Millénaire (ex-villa du centenaire) ainsi que trois maisons historiques ainsi que le lancement d’une opération d’aménagement de deux espaces dans La Casbah, à savoir El Koudia et quartier Sidi Ramdane. «Nous réaliserons quelque chose de structurant», dira en guise de conclusion Saïd Guellal.
La question lancinante des douérate murées !
Concernant le dossier lancinant, celui ayant trait aux propriétés murées de La Casbah et dont les pensionnaires ont été relogés, Saïd Guellal dira que concernant la restauration des douérate évacuées, «l’opération est somme toute complexe, du fait qu’il y a une problématique qui se pose, celle ayant trait à la question des héritiers». Selon le cadastre finalisé en 2010, 80% des propriétés dans La Casbah, précise-t-il, sont des biens privés, dont 35% sont des propriétaires inconnus, insistant sur la nécessité de régler le problème d’abord, sur ce plan-là.
Même s’il comprend que la prise en charge de restauration est extrêmement coûteuse pour les propriétaires – elle revient entre deux à trois milliards de centimes, sinon plus pour certaines douérate – il affirme qu’il n’y a pas pour le moment des mesures concrètes de la part des pouvoirs publics qui permettent de financer les travaux de restauration des propriétés endommagées.
A charge, laisse-t-il entendre, aux propriétaires de supporter les charges que requiert la restauration, alors que ces derniers disent ne pas disposer de ressources nécessaires à même de restaurer leurs habitations de type traditionnel qui plus est font partie du patrimoine universel. La question mérite toutefois d’être posée : jusqu’à quand ces douérate – certaines d’entre elles sont confortées depuis plus d’une dizaine d’années – restent-elles livrées à l’usure du temps après avoir été murées ? F. B-H.