Alors que le roi Abdallah voit en Trump la personne qui mènera la région vers la paix : Al Sissi menace de ne pas aller aux Etats-Unis

13/02/2025 mis à jour: 06:33
5578
Le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi a menacé hier de ne pas répondre à l’invitation du président américain Donald Trump, si l’ordre du jour de la visite comprend son plan de déportation des Palestiniens de Ghaza

Alors que le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi menace de ne pas se rendre à Washington pour des entretiens avec le président américain Donal Trump, «si l’ordre du jour comprend son plan de déportation des Palestiniens de Ghaza», le roi Abdallah de Jordanie, premier chef d’Etat arabe reçu par Trump, a été soumis à de fortes pressions, visiblement très mal à l’aise à cette conférence conjointe, durant laquelle il ne s’est pas exprimé explicitement contre le plan d’expulsion des Ghazaouis de leur terre, pour s’en accaparer. 

Lors de son apparition sur les chaînes américaines dans la soirée de mardi dernier, il avait le visage crispé et est resté tantôt très évasif dans ses réponses aux questions des journalistes, tantôt s’est compromis avec ses déclarations. Interrogé sur son avis à propos de la décision américaine de prendre Ghaza, il a répondu : «En tant qu’Arabe, c’est une question que nous viendrons discuter avec les Etats-Unis. Nous parlerons des options.» Le journaliste a voulu aller plus loin en lui demandant : «Sous quelle autorité ? C’est un territoire souverain.» Visiblement intimidé par Trump assis à côté de lui, il a marqué un temps de réflexion, duquel le président américain a profité pour répondre à sa place. «Sous l’autorité des Etats-Unis», a-t-il lancé, mettant mal à l’aise son invité. Très intimidé par Trump, le roi Abdallah ne s’est pas empêché d’aller dans le sens du poil : «Je vois enfin une personne qui pourrait nous mener vers la stabilité, la paix et la prospérité. Je pense que notre responsabilité collective, à nous tous au Moyen-Orient, est celle de continuer à travailler avec vous.» 

Le Roi a profité pour annoncer qu’il accueillerait «2000 enfants gravement malades, atteints de cancer, aussi rapidement que possible», avant de préciser qu’il «ferait ce qui est le mieux pour son pays». Acculé par des questions persistantes, il a fini par lâcher : «Nous attendons la réaction de l’Egypte et de la Ligue arabe (…). L’important est de savoir comment faire en sorte que cela fonctionne d’une manière qui soit bonne pour tout le monde.» 

Après cette prestation, le roi de Jordanie a diffusé sur son compte X une déclaration qui tranche avec tous ses propos tenus devant les médias américains : «J’ai réaffirmé la position ferme de la Jordanie contre le déplacement des Palestiniens de Ghaza et de la Cisjordanie occupée et souligné que les intérêts de la Jordanie, sa stabilité et la protection de la Jordanie et des Jordaniens sont au-dessus de toute considération. Pour moi, telle est la proposition arabe unifiée. 

La priorité de chacun doit être la reconstruction de Ghaza sans déplacer sa population. Une paix juste fondée sur la solution à deux Etats est le seul moyen de parvenir à la stabilité dans la région. Une paix juste nécessite le leadership des Etats-Unis et le président Trump est un homme de paix.» 

Mardi soir, le secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, a continué à défendre le plan de Trump. «Si les gens n’aiment pas le plan Trump pour Ghaza, c’est le seul plan qui existe pour le moment. Il incombe désormais aux pays arabes de le faire… s’ils pensent avoir un meilleur plan, nous devons l’entendre», en réponse aux pays arabes qui s’opposent à la déportation des Palestiniens. Mieux encore. Rubio a donné à l’armée israélienne le quitus pour reprendre la guerre, en déclarant qu’il «ne pouvait permettre au Hamas d’utiliser un cessez-le-feu à Ghaza pour se réarmer». 

Dans ses propos aux médias américains, il a menacé le Hamas, en avertissant qu’il ferait face «à de lourdes conséquences si les otages n’étaient pas libérés comme prévu samedi», avant de l’accuser d’avoir violé l’accord, alors que tous les experts de sécurité cités par les médias américains et même israéliens  sont unanimes à pointer du doigt Israël, qui n’a pas permis d’entrer les quantités nécessaires d’aide humanitaire à Ghaza, n’a pas envoyé en temps opportun sa délégation à Doha pour entamer les pourparlers sur la 2e étape et dépêché bien en retard ses représentants, sans aucune prérogative à Doha. 

Israël rappelle ses réservistes 

Cette déclaration intervient alors qu’en Israël, la question du retour à la guerre alimente le débat, notamment après la houleuse et longue réunion du cabinet de sécurité autour de l’accord de cessez-le-feu. La sortie du secrétaire d’Etat américain a au moins le mérite de montrer que toutes les décisions sont coordonnées à un haut niveau entre l’administration de Trump et Netanyahu. Depuis son retour de Washington, après une visite de sept jours, le Premier ministre israélien a pris des mesures qui s’apparentent à une préparation au retour de la guerre, tout en montrant parfois de la prudence, en raison de la crise politique interne à laquelle il est confronté. Il a adopté l’ultimatum donné au Hamas par le président Trump, sans toutefois exiger explicitement la libération de tous les otages encore à Ghaza. Il a menacé de «reprendre la guerre si les otages» devant être libérés samedi prochain «ne rentrent pas à la date prévue par l’accord», avant que ses ministres ne lui emboîtent le pas, tantôt en reprenant à leur compte les menaces de Trump, tantôt en étant plus prudents. «Nous sommes dans une situation où nous ne pouvons pas refuser d’adopter le plan de Trump et, par conséquent, la formulation du Premier ministre était alambiquée», a déclaré, sous le couvert de l’anonymat, un ministre à une chaîne israélienne, et dont les propos ont été repris par de nombreux journaux locaux. 

Sur le terrain, les soldats qui étaient à Ghaza ont été rappelés, après avoir annulé leur congé, puis déployés aux frontières avec Ghaza. Pour les ministres messianiques de l’extrême droite, les propos de Trump et de son secrétaire d’Etat  constituent une aubaine, à laquelle ils ne s’attendaient pas. Ils ont multiplié les déclarations appelant à rompre le cessez-le-feu, installer de nouvelles colonies à Ghaza et à annexer la Cisjordanie occupée, en menaçant Netanyahu de faire tomber son gouvernement dans le cas où il poursuivrait les pourparlers.

 Après la réunion du cabinet du Premier ministre, très tard mardi dernier, Netanyahu a surpris ses opposants en publiant une déclaration visant à préserver ce qui avait été convenu dans l’accord, en exprimant le soutien du cabinet à la demande de Trump de libérer les otages d’ici samedi, sans toutefois préciser qu’il s’agit de tous les otages. Il a même demandé à ses ministres de s’interdire d’évoquer avec les médias le déroulé de la réunion, qui a duré plus de 4 heures. Il a même dépêché une délégation à Doha pour entamer les pourparlers avec les médiateurs, sans pour autant lui donner mandat de négocier la 2e étape de l’accord, ni la poursuite de la 1re. 

La veille devant le Parlement, Netanyahu avait déclaré : «Le président Trump a présenté une vision nouvelle et révolutionnaire pour l’après Hamas, afin qu’un Etat de Hamas ne soit plus établi à Ghaza. Et j’ajoute, pas seulement à Ghaza, mais partout à nos frontières.» Et d’ajouter : «Vous avez dit que le Hamas ne peut être vaincu s’il n’y a pas de vision pour le lendemain. Vous avez dit qu’il n’y a pas d’autre choix que de rétablir l’Autorité palestinienne (…). Je reviens des Etats-Unis avec une vision différente, sans le Hamas et sans l’Autorité palestinienne. La vision de Trump est nouvelle, créative, révolutionnaire et il est déterminé à la mettre en œuvre. Vous avez parlé du ‘‘jour d’après’’, un plan pour Ghaza, vous avez donc eu votre ‘‘jour d’après’’ ! Seulement, cela ne correspond pas à la vision d’Oslo. Car nous ne répéterons pas cette erreur encore et encore, comme vous.» 

Il a indiqué que ses rencontres avec les responsables de l’administration Trump «offriraient à Israël des opportunités dont nous n’avons jamais rêvé». Si publiquement Netanyahu s’est abstenu de parler de ses intentions cachées, pour ne pas paraître devant ses opposants comme celui qui a fait avorter l’accord, il a cependant instruit son ministre de la Défense, Israël Katz, d’ordonner à l’armée de préparer un plan qui permettra aux Palestiniens de Ghaza de «volontairement» quitter leurs terres, ont révélé les journaux israéliens, et à mobiliser les réservistes en prévision d’une éventuelle reprise de la guerre à Ghaza «si le Hamas ne parvient pas à libérer de nouveaux otages israéliens à la date butoir fixée à samedi et si le cessez-le-feu en vigueur depuis près d’un mois est rompu». 

Des décisions prises dès son retour de Washington, alors que le Hamas annonçait qu’il suspendait jusqu’à «une date ultérieure» la libération des trois otages, prévue dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu, en réaction aux nombreuses violations des termes de ce dernier par Israël. 

Hier, en fin de journée, l’envoyé du président Trump au Moyen-Orient a réitéré les menaces à l’égard du Hamas, en exigeant la libération de tous les otages samedi prochain avant 12h et a averti que s’il n’obtempère pas, «il y aura un grand problème». 

Il est relayé par le ministre de la Défense israélien, Israel Katz : «Si le Hamas ne libère pas les kidnappés samedi, les portes de l’enfer s’ouvriront, comme l’a promis le président Trump.» Et d’avertir que «la nouvelle guerre contre Ghaza sera différente dans sa force et ne se terminera pas sans la défaite du Hamas et la libération de tous les otages». 

Trump et Netanyahu semblent avoir préparé le scénario idéal pour faire voler en éclats l’accord pour éviter d’aller vers la 2e étape. Mais ne savent-ils pas que pour les Palestiniens, il n’y a pas pire enfer que celui qu’ils ont vécu durant les 15 mois de bombardements intensifs et ininterrompus ? 

 

Copyright 2025 . All Rights Reserved.