Alors que l’armée israélienne annonce une nouvelle «grande offensive sur l’enclave Ghazaouie» : De plus en plus de voix de militaires s’élèvent contre la guerre à Ghaza

13/04/2025 mis à jour: 20:33
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1000 réservistes et anciens réservistes de l’armée de l’air ont publié une lettre appelant au «retour de tous les otages israéliens détenus à Ghaza, même au prix de la fin de la guerre, qui dure depuis plus d’un an et demi»

Environ 100 médecins militaires de réserve ont signé, vendredi dernier, une pétition appelant à «la fin de la guerre à Ghaza pour permettre le retour des otages». 

C’est ce qu’a annoncé la radio de l’armée israélienne, alors que la chaîne Channel 12 a affirmé que l’initiative des médecins militaires a été soutenue par 2 000 universitaires israéliens, à travers la signature d’une autre pétition, dans laquelle ils ont exprimé leur «opposition» à la poursuite de la guerre, qui «ne sert que des intérêts politiques». 

D’autres médias hébreux ont rapporté que des centaines de soldats de l’unité de renseignement 8200 ont mis en garde, dans une pétition rendue publique, contre «la poursuite de la guerre qui provoque la mort de soldats et des otages», tout en exprimant leur «inquiétude» devant le «nombre croissant de réservistes refusant de servir». Vendredi dernier, 1000 réservistes et anciens réservistes de l’armée de l’air ont publié une lettre appelant au «retour de tous les otages israéliens détenus à Ghaza, même au prix de la fin de la guerre qui dure depuis plus d’un an et demi». 

Parmi les signataires de la lettre, figurent l’ancien chef d’état-major, le lieutenant-général (réserviste) Dan Halutz, l’ancien commandant de l’armée de l’air, le major-général (réserviste) Nimrod Sheffer, et l’ancien chef de l’Autorité de l’aviation civile, le colonel (retraité) Neri Yarkoni. L’état-major de l’armée n’a pas tardé à réagir, considérant la pétition de «tentative de saper la légitimité de la guerre». 

Il a tout de suite ordonné la révocation des signataires, alors que le bureau du Premier ministre a qualifié la pétition de «coup d’Etat contre la légitimité de la guerre». Mais, la large diffusion de la pétition a délié les langues et encouragé  d’autres militaires dans les rangs des blindés, des médecins, des services de renseignement mais aussi les universitaires à s’exprimer contre la guerre, malgré les contraintes imposées par les autorités contre la publication des lettres de protestation.  

Dans leur lettre, les réservistes ont écrit : «Nous, les membres de l’équipage de réserve et retraités, exigeons le retour des personnes enlevées dans leurs foyers sans délai, même si cela signifie une cessation immédiate des hostilités (…) Pour l’instant, la guerre sert principalement des intérêts politiques et personnels, et non des intérêts sécuritaires. La poursuite de la guerre ne contribue à aucun de ses objectifs déclarés et entraînera la mort d’otages, de soldats israéliens et de civils innocents, et épuisera les forces de réserve. Comme cela a été prouvé par le passé, seul un accord peut ramener les otages sains et saufs, alors que la pression militaire conduit souvent à la mort des otages et met en danger nos soldats.» Les réservistes ont exhorté «tous les citoyens d’Israël à se mobiliser et à exiger partout et par tous les moyens l’arrêt des combats, le retour de tous les otages, maintenant ! Chaque jour qui passe met leur vie en danger. Chaque instant d’hésitation supplémentaire est une honte».  

«La poursuite de la guerre motivée par des raisons politiques»

Selon les médias israéliens, les chefs de l’état-major de l’armée et de l’armée de l’air ont pesé de tout leur poids pour tenter de bloquer la diffusion de cette pétition et d’autres lettres similaires, mais en vain. Pour le commandement de l’armée, la lettre «était motivée par des raisons politiques» et que «quiconque la signerait ne pourrait pas continuer à servir activement dans l’armée, s’asseoir dans le cockpit ou la salle de contrôle et remettre en question la légitimité des cibles». L’armée a également a également déclaré que la lettre des réservistes «sape la légitimité des combats continus à Ghaza» et que sa publication «remet en cause la légitimité du leadership du commandant de l’armée de l’air et des autres commandants de l’armée de terre et de l’armée de mer».  

Elle a tenté de minimiser son importance et ses organisateurs, en affirmant que «seul un petit nombre de signataires étaient des membres actifs de la force de réserve et que la plupart n’étaient plus actifs en raison de leur âge avancé», alors que selon les médias, environ de 90 signataires étaient actifs dans la réserve de l’armée de l’air. La chaîne 12 israélienne a affirmé que «quiconque connaît la force de l’armée de l’air sait que cette décision est un coup dur pour ses forces et ses unités, même si nous parlons de moins de 100 soldats et officiers réels. Ces chiffres ne sont pas négligeables et la formation de ces personnes prend des années et représente un investissement considérable». 

Dans une déclaration à la presse, un des signataires a, quant à  lui, expliqué que «de nombreux pilotes, dont moi-même, ont servi comme pilote de chasse pendant 35 ans, la plupart sous des gouvernements dont je m’opposais aux politiques, aux opinions et aux orientations générales. Face à cette opposition, je ne pense pas qu’il soit jamais venu à l’idée, moi ou mes amis, de ne pas effectuer ces missions».  Selon lui, la pétition «est une   déclaration de position après que les pilotes soient arrivés à la conclusion que la guerre en ce moment sert principalement des intérêts politiques et personnels, et non des intérêts de sécurité». 

Lors d’une conférence de presse, le porte-parole des signataires de la pétition a pour sa part affirmé que «le problème pour lequel la lettre a été écrite – et celui sur lequel nous devrions nous concentrer – est la présence de 59 otages actuellement en détention, qui auraient dû être libérés depuis longtemps. Comme la grande majorité des gens, nous pensons qu’ils doivent être libérés maintenant». Selon lui, «le tournant a eu lieu il y a deux mois, lorsque Netanyahu a violé de manière flagrante un plan qui lui aurait permis de récupérer toutes les personnes enlevées. 

A ce moment crucial, Netanyahu a préféré sa propre survie à celle des personnes enlevées, qu’il a choisi d’abandonner à la mort, rien de moins. Nous avons attendu un an et demi, et nous pensons que c’est largement suffisant. Sans une pression publique massive, rien ne se passera». L’appel est suivi par la pétition de 150 anciens officiers de la marine qui soutient celle de l’armée de l’air, la qualifiant d’«appel moral au retour des soldats enlevés», compte tenu du large consensus public sur la priorité du retour des otages. 

«Nous refusons de nous emparer des terres palestiniennes»

Une autre pétition a été publiée jeudi soir, signée par des dizaines de médecins de réserve du Corps médical, en soutien à la pétition de l’armée de l’air. Il en va de même pour le Corps blindé et les services de renseignement, qui selon les médias israéliens, des centaines de  soldats de réserve de l’unité de renseignement 8200 de l’armée israélienne se joignent à la pétition de protestation contre le retour de la guerre à Ghaza. 

Ce mouvement de protestation au sein de l’armée et parmi les militaires retraités a été également soutenu par 2000 membres du personnel universitaire des établissements d’enseignement supérieur. Ils ont paraphé une pétition appelant à la fin de la guerre à Ghaza et au retour des prisonniers, alors que de nombreuses familles de soldats israéliens, par la voix de leur organisation «Awake Mother» ont affirmé dans une déclaration : «Nous soutenons le droit des soldats à exprimer leur opinion selon laquelle la guerre sert des intérêts politiques et non des intérêts sécuritaires.» L’Ong a averti que «la révocation des soldats signataires de la pétition porterait atteinte à la confiance des forces en leurs dirigeants». « Les soldats refusent de reprendre le service après le retour à la guerre,» a écrit l’Ong. Et d’ajouter : «Nous refusons de nous emparer des terres palestiniennes.» 

Avant cette cascade de pétitions contre la guerre à Ghaza, l’Autorité de radiodiffusion israélienne a révélé que «des dizaines de soldats de réserve du Corps médical ont déclaré qu’ils ne seraient pas prêts à retourner au combat à Ghaza». 

Dans leur déclaration, les réservistes protestataires, parmi lesquels des médecins, des ambulanciers et des médecins de combat, ont expliqué que leur «refus de servir était motivé par des appels à saisir les terres palestiniennes à Ghaza et à les coloniser». Pour les soldats, cela «constitue une violation du droit international». Hier encore, 150 soldats de la brigade des parachutistes, de l’état-major général des commandos navals de Shaldag et de Moran, ont signé une pétition dans laquelle eux aussi exigent le retour des otages et la fin de la guerre à Ghaza, alors que l’Autorité israélienne de radiodiffusion annonçait que «le département renseignement militaire rédige une pétition contre la guerre qui retarde la libération des otages et met en danger les soldats». 

Durant ces dernières 48 heures, la protestation contre la guerre semble gagner de plus en plus les rangs de l’armée. Après les centaines d’anciens soldats du corps des blindés et de la marine, c’est au tour de 150 officiers de la marine d’exprimer à leur gouvernement leur sentiment de «s’écarter de leur engagement à restituer les otages» et d’exiger «la fin de la guerre et une révision de la politique du gouvernement, car c’est nous qui portons le fardeau et la responsabilité vous incombe».  

Cette lettre avait été précédée, jeudi dernier, de celle de 1000 vétérans de l’armée de l’air israélienne, dont la grande majorité sont à la retraite, appelant au retour des otages «même si cela doit se faire, ont-ils affirmé, au prix de la fin totale de la guerre contre le Hamas». Juste après, le Premier ministre Netanyahu a pris la décision de «licencier tous les réservistes en service actif signataires» arguant du fait que les soldats n’avaient pas le droit d’utiliser la «marque de l’armée de l’air israélienne» pour «protester contre des questions politiques».  Salima Tlemçani

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