Affaire du complexe GNL d’Arzew : Vingt ans de prison requis contre Chakib Khelil avec confiscation de ses biens

02/02/2022 mis à jour: 07:59
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Photo : D. R.

Une peine maximale de  20 ans de prison ferme assortie d’une amende de 2 millions de dinars a été requise hier par défaut,  contre l’ancien ministre de l’Energie,  Chakib Khelil, en fuite aux Etats-Unis, avec confiscation de tous ses biens immobiliers et financiers et ceux des membres de sa famille, et confirmation du mandat d’arrêt international.

Le procès de l’affaire liée au contrat de réalisation du complexe gazier, GNL3 à Arzew, obtenu par la société italienne Saipem, a repris hier avec un lourd réquisitoire contre l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, en fuite aux Etats-Unis, les cadres dirigeants de Sonatrach et de Saipem.

Ainsi, une peine maximale de 20 ans de prison ferme assortie d’une amende de 2 millions de dinars a été réclamée contre Chakib Khelil, avec confiscation de tous ses biens immobiliers et financiers et ceux de son épouse et ses deux enfants, aussi bien en Algérie qu’à l’étranger, et la confirmation du mandat d’arrêt international, lancé contre lui.

Le procureur a également réclamé une condamnation de 10 ans de prison ferme et une amende d’un million de dinars contre l’ex-PDG de Sonatrach, Mohamed Meziane, son vice-président, Abdelhafid Feghouli, et trois anciens responsables de Saipem, considérés comme étant en fuite, Massimo Chiyoda, Gilberto Bolato et Toufik Ferhat.

En outre, le procureur a requis une peine de 4 ans de prison ferme et un million de dinars contre Abbès Boumedienne, juriste au niveau de l’activité Amont, à Arzew, et une autre de 5 ans avec un million de dinars contre Elene Zucchelli, agent administrative de Saipem, alors que pour le reste des prévenus, notamment les douaniers et les transitaires, le magistrat a demandé une peine de 3 ans de prison ferme et 300 000 DA d’amende.

En ce qui concerne les sociétés, Saipem Contracting, Chyoda, Stella Corporation, Snamprogetti, le procureur a requis le paiement d’une amende équivalente à deux fois les montants de 9,967 millions d’euros et de 153 000 dollars et la confiscation de leurs biens.

Durant près d’une heure, le procureur a tenté de justifier ses demandes en présentant le contrat de réalisation du GNL3, octroyé par Sonatrach à Saipem, en 2008, pour un montant de près de 4 milliards de dollars, comme «affaire de corruption, la première d’une série d’autres qui sont entre les mains de la justice».

Selon lui, le contrat GNL3, «signé avec Saipem, par Abdelhafid Feghouli,  avec la dérogation du PDG ,  Meziane Mohamed, est en violation de la loi et du règlement intérieur de Sonatrach, qui est une société économique publique.

Durant, l’audience, nous n’avons pas entendu un seul des nombreux membres de cette assemblée générale de Sonatrach, au nom de laquelle, seul Chakib Khelil agissait, après désistement, par Mohamed Meziane de toutes ses prérogatives».

Parmi les violations enregistrées, le magistrat cite «le recours à la consultation restreinte pour la réalisation d’un projet de 4 milliards de dollars, l’équivalent du budget d’un Etat».

Il se demande : «Ont-ils conscience de ce qu’ils ont fait ? Au lieu de passer par une consultation internationale ouverte, ils ont opté pour cette procédure arguant du fait que c’était sur instruction du ministre.» Il ajoute : «A travers les dossiers de Sonatrach entre les mains de la justice, la même société, Saipem, bénéficiait de tous les contrats dans les mêmes conditions.

Ces faits ont causé de lourds préjudices au Trésor public. Saipem a recouru à des contrats avec 4 sociétés pour importation des équipements, en surfacturant, notamment, le transport aérien et maritime. Cela démontre que le choix de ces sociétés, qui sont poursuivies, été délibéré.»

«La issaba était avec Petrofac»

Selon le magistrat, Petrofac a été «éliminée alors qu’elle avait fait l’offre pour la réalisation d’une usine de 4,3 millions de tonnes par an», il a rappelé, à ce titre, le courrier de Feghouli adressé à Chakib Khelil, dans lequel, «il fait état de l’élimination de Petrofac et l’octroi du marché à Saipem, pour réaliser le projet dans 48 mois. Mais cette réalisation a enregistré un retard de 29 mois, engendrant des pertes énormes au Trésor public. Les raisons d’une telle décision sont liées au fait que Saipem avait, comme sous-traitant, une société appartenant à l’épouse de Chakib Khelil».

Le procureur affirme, par ailleurs, qu’il y a eu «surfacturation dans le but de transférer les fonds à l’étranger, au profit de Saipem, avec la complicité des agents de l’administration douanière et des transitaires».

Le collectif de la défense est unanime à clamer la relaxe pour l’ensemble des prévenus. A commencer par Mohamed Meziane, ex-PDG de Sonatrach.

Son avocat, Me Hocine Chiat, revient sur le contexte dans lequel «les portes de l’enfer» se sont ouvertes devant son mandant. «Meziane était PDG de Sonatrach de 2003 à 2010, lorsque la première affaire a été ouverte et qui lui a valu une poursuite judiciaire. Lors de l’instruction, nous avions demandé la présence de Chakib Khelil. Mais qui osait parler de lui, à cette époque ?

En 2013, des mandats d’arrêt ont été lancés contre lui et les membres de sa  famille, dont son épouse qui détenait une société activant en Syrie et travaillait avec Saipem. Ses enfants, Khaldoun et Sina avaient également des sociétés. Quelque temps, après il est accueilli à l’aéroport d’Oran, comme un héros. Il a fait la tournée de toutes les zaouïas du pays sous bonne escorte.»

L’avocat évoque l’incarcération de Meziane à Oran, pour une affaire de surfacturation, pour laquelle, il a été condamné à une peine de deux ans de prison, dont une année ferme, confirmée par la Cour suprême, puis revient sur Chakib Khelil, qui avait selon lui, eu «un comportement humiliant à l’égard de celui qu’on appelait Rab Edzayer (en référence au général Toufik, sans le citer, ndlr), lors de l’inauguration de la piscine de Sonatrach à Hydra», en rappelant qu’il a tenté de faire de même, lors de la visite à une institution, «en compagnie de la présidente de l’Indonésie, à laquelle, il servait d’interprète».

Abordant les faits, Me Chiat explique «qu’en 2008, Petrofac avait offert un prix 55 225 DA la tonne pour une production totale de 4,3 millions de tonnes par an, suivie de Saipem, avec 61 000 DA la tonne, pour 4,6 millions de tonnes par an, puis de Technip, avec 75 000 DA la tonne, pour 4,13 tonnes par an. Petrofac n’avait pas réuni les conditions techniques, elle a été éliminée et c’est Saipem classée 2e qui a obtenu le marché, en s’alignant sur le prix de Petrofac. En quoi Meziane ou les autres cadres sont responsables ?

Mais Habba El Okbi, le secrétaire particulier du Président, donne instruction aux responsables de Sonatrach pour recevoir le patron de Petrofac. Il vient à bord d’un véhicule de la Présidence, escorté par des motards et il est reçu. Ce n’est pas Mohamed Meziane qui l’a éliminé. Tous les cadres vous ont dit que le ministre leur a dit de négocier avec Saipem».

Les avocats de Feghouli, Mes Miloud Brahimi, Monisse Lakhdar, et Bouseliou, vont décortiquer les faits et montrer que le prévenu «n’a absolument rien fait» et que «les instructions sont venues d’en haut».

Me Brahimi explique que la «îssaba était avec Petrofac», mais «la commission commerciale a estimé qu’il n’avait pas les garanties techniques pour obtenir le marché». Abondant dans le même sens, Me Lakhadri revient cependant sur le contexte dans lequel, le marché a été conclu en 2008.

«Il y avait des parties influentes qui en voulaient à Chakib Khelil. Mais, le dossier a été enterré et aujourd’hui on le déterre.» Il s’offusque contre le fait que le procès-verbal de la commission des plis commerciaux «comporte un paragraphe ajouté, selon les aveux de tous les membres, bien après et dans lequel, il est mentionné que Feghouli a déclaré que Petrofac n’était pas éligible en raison de l’absence des garanties techniques».

Il parle également de «l’insistance auprès de Petrofac, par des écrits pour qu’il lève les réserves techniques, mais en vain (…) Après dix ans depuis sa retraite, on rappelle Ferghouli et on le met en prison. Est-ce que Sonatrach s’est constituée partie civile ? Non. Qu’a-t-il fait ?»  Les plaidoiries se poursuivaient encore en fin de journée. 

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