Abdelkrim Bahloul. Scénariste et réalisateur : «Il n’y a pas que l’attente des deniers publics pour produire un film, aussi importante est la liberté de filmer» 

24/09/2023 mis à jour: 02:34
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Scénariste et réalisateur autant que comédien, auteur d’une dizaine de films, on lui doit Le thé à la menthe (1984), La nuit du destin (1997), Le soleil assassiné (2004) et Jennia (2019). Bien qu’ayant réalisé plusieurs films français, il est sélectionné pour l’aide au cinéma en Algérie et va bientôt entamer son nouveau long métrage, Jawhara, qu’il va tourner à Saïda, sa ville natale.

 

 

Propos recueillis par Chawki Amari

 

 

-Est-il plus facile d’obtenir un fonds d’aide en Algérie qu’en France ?

Je ne peux absolument pas vous répondre à cette question. Je n’aime pas trop les comparaisons, car les deux pays ont chacun leur trajectoire historique et démographique. En France, on peut produire et distribuer un film, de façon totalement privée, ne passer par aucune aide de l’état, et les autorisations de tournage sont une formalité départementale. Pour la cinématographie française, l’avantage est aussi et surtout que les règles ne changent pas, qu’elles sont connues, et que l’industrie du cinéma a intérêt à aider les cinéastes français à toutes les étapes de la vie d’un film : de son écriture à sa distribution tant en France que dans le monde. Le cinéma en France ne dépend que de quelques règles très simples du Centre national du cinéma français. 

Diversité et talent. C’est ainsi qu’il a conquis son public. Il y a 6200 salles de cinéma environ en France pour 65 millions d’habitants, soit une salle pour 10 000 habitants. Nous n’avons, hélas, en Algérie, qu’une centaine d’écran pour 45 millions d’habitants. Le cinéma est une industrie en France, une industrie protégée et dynamique… L’Etat français en a toujours fait une spécificité culturelle à défendre et une nécessité nationale. Cela a été le cas chez nous dans les années 70. Ça ne me semble plus le cas depuis les deux dernières décennies. Soyons positifs toutefois, et il faut remercier notre ministre de la Culture d’avoir relancé la production du cinéma, même si 12 projets de retenus pour être aidés, après tant d’années de disette et de forclusion, ce n’est, bien sûr, pas assez pour rattraper le temps perdu. Il n’y a pas que l’attente des deniers publics pour produire un film ; aussi important est la liberté de filmer avec ou sans aide de l’État ; et la liberté d’entreprendre - pour les producteurs, les distributeurs et les propriétaires des salles - serait une disposition administrative encourageante. Tant de beaux projets attendent le regard du public algérien sevré depuis si longtemps de films en salle. 
 

-Quand on vit en France et qu’on est un réalisateur algérien se sent-on obligé de faire des films sur l’Algérie ?

Aucun cinéaste n’est obligé à quoi que ce soit, sinon de suivre sa propre inspiration. Un cinéaste ajuste son tir en fonction des films qui ont déjà été produits dans les dix dernières années et cherche à intéresser le public le plus large possible. Un film sur l’Algérie est d’autant plus le bienvenu quand il intéresse le public du monde entier. Un nationalisme bien compris ne peut que déboucher sur l’internationalisme. Par ailleurs et plus précisément, il n’y a pas que des réalisateurs algériens qui se sentent obligés de faire des films sur l’Algérie, il y a aussi des cinéastes français qui participent à cette mémoire collective commune entre l’Algérie et la France. Le cinéma est une patrie.

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