Invité par l’association Fadaet cirta ethakafia (Espaces culturels de Cirta), pour animer une conférence sur son livre La wilaya II historique – l’ombre de Constantine, samedi à l’Office des établissements des jeunes (ODEJ) de la ville des ponts, Abdelaziz Khalfallah, plus connu à Constantine par Mostefa Boutemira, a montré toute l’étendue de ses qualités d’écrivain-témoin d’une époque importante de l’histoire de la Guerre de libération dans la région de Constantine, à travers son ouvrage qui demeure une référence pour tous ceux qui s’intéressent à ce sujet, qu’ils soient spécialistes, universitaires, journalistes ou même simples citoyens.
Le livre paru en 2021 aux éditions Chihab est un précieux document écrit d’une manière simple, méthodique et surtout pédagogique et objective aidant à mieux comprendre des faits longtemps occultés, sachant que son auteur avait été un témoin actif. Il faut rappeler, pour l’histoire que Mostefa Boutemira avait été le dernier chef de la zone 5 de la wilaya II historique dont il avait pris le commandement après la mort de Messaoud Boudjeriou.
Il avait connu et côtoyé tous les responsables de la wilaya II historique dont le dernier était le défunt Salah Boubnider. «L’objectif de ce livre est de montrer la voie aux jeunes qui doivent s’intéresser à l’histoire de la révolution, car à un certain moment et en l’absence de cet intérêt à l’école et au sein de la famille, on commençait à se douter même de cette révolution.
À travers cet ouvrage, j’ai voulu montrer aux lecteurs c’est quoi un maquis et comment on y menait notre combat, et que ce ne sont pas seulement 22 personnes qui se sont soulevées contre l’armée française, mais c’était tout un peuple; il s’agissait bien d’un mouvement populaire révolutionnaire qui est resté structuré et organisé», a-t-il déclaré en introduction.
Revenant longuement sur la révolution dans la wilaya II historique, Boutemira dira: «Dans notre wilaya, on ne pensait pas à gagner la guerre, mais on avait à mener une guerre d’usure ; on était sur le terrain pour harceler l’ennemi jusqu’à l’usure totale ; c’est pour cela que le général de Gaulle a tenté de mettre à l’écart les autres wilayas pour s’occuper de la wilaya II».
Lors de son intervention, il a soutenu que cette wilaya était la seule à avoir son plan structurel, mené par des combattants au passé militant au sein du PPA-MTLD. «La silaya II a été la seule à ne pas être touchée par le plan de la Bleuite mené par l’armée française, car on se connaissait bien avant le 1er novembre ; durant toute la guerre de libération, la wilaya II était la mieux structurée, la mieux organisée et surtout la plus disciplinée dans l’histoire de la révolution ; on avait même des archives qui ont été saisies par l’État major général après l’indépendance», a-t-il précisé.
Contrer le plan génocidaire de Challe
Relatant les faits importants qui ont marqué cette région avant et pendant la révolution, Boutemira reviendra longuement sur le différend survenu lors de la réunion du groupe des 22, et la non-convocation par Boudiaf de Guerras Abderrahmene, leader influent du groupe de Constantine, ce qui a mené ce dernier à émettre des réserves sur l’action armée. S’ensuivra la mise à l’écart de ce groupe des préparatifs de la Révolution dont les éléments apprendront le déclenchement dans les journaux. Ils finiront par prendre le train en marche.
La ville de Constantine, qui a raté l’évènement du 1er Novembre, ne connaitra ses premières actions armées qu’au mois d’avril 1955. Détaillant les principaux axes de son livre, Mostefa Boutemira a révélé l’empreinte de Zighoud Youcef dans l’organisation du maquis et sa réussite à impliquer la population dans les attaques du 20 aout 1955, puis la relève assurée par Lakhdar Bentobal après le Congrès de la Soummam, ce qui avait permis de mieux organiser la wilaya sur les plans politique et idéologique, puis l’arrivée d’Ali Kafi à une époque marquée par une bonne organisation armée, ensuite les moments difficiles traversés durant le commandement de Salah Boubnider, dernier chef de la wilaya II et le déclenchement du plan génocidaire de Challe dans l’objectif de liquider la révolution. «Nous avons pu contrer le plan Challe et la France s’est retrouvée isolée sur le plan international», a-t-il noté.
Dans son livre, Mostefa Boutemira a consacré une bonne partie à la crise de l’été 1962, conséquence de ce qui s’est passé au Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) tenu à Tripoli et tout ce qui s’ensuivra avec le conflit entre le GPRA et l’État major général (EMG) dirigé par le Colonel Boumediène, puis la lutte au pouvoir, l’infiltration de la wilaya II dont les responsables avaient pris position avec le GPRA, la prise de Constantine le 24 juillet 1962, les arrestations arbitraires et les assassinats qui ont marqué l’été le plus dur dans l’histoire de la ville du Vieux rocher, puis les circonstances de la création par Mohamed Boudiaf du Parti de la Révolution socialiste (PRS), dont Abdelaziz Khalfallah avait été l’un des membres fondateurs.