Importations céréalières : Les ambitions russes risquent d’être compromises

29/01/2022 mis à jour: 07:14
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Notre pays représente en Afrique le 2e consommateur de blé derrière l’Egypte et le 5e importateur mondial de grain, sous toutes ses formes (Photo :D.R)

Tel un «serpent de mer» à la peau dure, la transition vers un marché céréalier plus diversifié semble être laborieuse pour l’Algérie, ce gros client que tout le monde cherche à séduire.

Notre pays représentant en Afrique le 2e consommateur de blé derrière l’Egypte et le 5e importateur mondial de grain, sous toutes ses formes, après l’Egypte, la Chine, l’Indonésie et la Turquie. Voir le témoin passer des négociants européens, français surtout, à leurs concurrents russes ou autres ne serait, en effet, pas très évident, du moins à court et moyen termes. 

C’est ce que laissent comprendre nombre d’experts analystes de la filière lorsque, s’appuyant sur les toutes dernières données – 24 janvier 2022 – du Département américain de l’agriculture (USDA), faisant état de l’expédition, en 2020/2021, par les pays de la zone économique européenne de près de 6 millions de tonnes de blé tendre vers l’Algérie, soit plus de 90% des cargaisons, ils noteront que l’approvisionnement du marché algérien est, jusqu’à l’heure, essentiellement sous le contrôle des céréaliers de l’Union européenne (UE), et ce, bien que les exportateurs russes soient parvenus à ravir à ces derniers quelques parts de marché avec l’expédition, en juin 2021, d’une première cargaison de 28 500 tonnes, suivies de deux autres ; 60 000 tonnes en octobre et 250 000 tonnes en décembre de la même année.
 

Un retour, certes timide, sur la scène céréalière algérienne, après une éclipse de 5 ans, que Moscou doit à ses lobbyistes dont les efforts ont conduit l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) à revoir le taux de grains punaisés, le ramenant à 0,5% contre 0,1% de mise jusqu’en octobre 2020.
 

Toutefois, cet adoucissement des normes requises a ouvert la voie à un nouveau concurrent européen de la Russie qui a, à son actif, pas moins de 20% du négoce céréalier mondial.
 

UN DUO
 

En effet, l’industrie allemande et ses lobbyistes n’ont pas tardé à braquer leurs projecteurs sur l’Algérie, une cible commerciale de premier choix ; boostés par une croissance continue de la consommation, blé tendre en particulier, les achats algériens ayant dépassé le seuil de 1,6 milliard de dollars en 2020, soit 20% de la facture alimentaire globale.
«L’Allemagne s’est aussi affirmée sur ce marché et a même profité des problèmes de qualité de la céréale française pour devenir le premier fournisseur européen de l’Algérie en 2020/2021. Pour l’industrie russe, c’est donc à ce duo qu’il faudra s’attaquer pour étendre des parts de marché en Algérie dans les prochaines années», soutiennent les experts analystes.
La bataille s’annonce très rude d’autant que depuis juin 2021, les autorités moscovites ont instauré «un système de taxe flottante fonctionnant sur une base hebdomadaire, qui a rendu la céréale plus coûteuse. Le prélèvement des autorités est ainsi passé de 28 dollars par tonne durant sa première semaine d’application à 98 dollars par tonne entre le 12 et le 18 janvier dernier». Ce qui est susceptible de compromettre ses ambitions ; un million de tonnes de blé à placer sur le marché national d’ici juin 2022.
 

Plus largement, quasi-inexistant sur le marché de l’Afrique subsaharienne au début des années 2000, le blé russe y a vu sa cote se hisser à environ 40% alors que celle du blé français s’est sensiblement contractée, passant de 33 à 10% actuellement.
 

En Afrique du Nord, les céréaliers russes, longtemps laminés par les géants français mais aussi allemands et nord-américains et, fortement fragilisés par la sécheresse historique que connut leur pays en 2010, semblent avoir recouvré la pleine forme. Et tout porte à croire que la diplomatie d’influence menée par Moscou depuis que ses céréaliers compatriotes avaient fait part, à l’automne 2018, de leur ferme volonté de s’y positionner solidement, a commencé à porter ses fruits. Sauf que les pronostics du Département américain de l’agriculture (USDA), pour la saison 2021/2022, risquent de freiner toutes ces ardeurs. Avec près de 36 millions de tonnes que prévoit d’importer le Moyen-Orient, les 28,5 millions devant l’être par l’Afrique du Nord, au cours de la même saison, pourraient lui faire perdre son statut de premier pôle mondial d’importation.
 

Cette reconfiguration de la hiérarchie des principales régions importatrices serait surtout liée à «un important bond de plus de 9 millions de tonnes des achats prévus du côté du Moyen-Orient d’une année sur l’autre. Pendant ce temps, en Afrique du Nord, la progression des acquisitions sera moins dynamique avec un gain de seulement 254 000 tonnes en raison d’une bonne récolte locale. La production est en effet attendue à environ 21,6 millions de tonnes contre 16,6 millions de tonnes un an plus tôt», explique un site professionnel spécialisé.
 

Plus globalement, est-il ajouté, «l’Egypte et l’Algérie connaîtront une hausse de leurs importations à respectivement 13 millions de tonnes et 7,7 millions de tonnes, tandis que le Maroc verra ses achats baisser de près de 700 000 tonnes à 4,5 millions de tonnes. La région devrait consommer, au total, près de 48 millions de tonnes de blé en 2021/2022». Historiquement très diversement présente sur ces marchés, la France y comptait de gros clients comme le Maroc, la Tunisie et l’Algérie. Néanmoins, voilà bien des années que les deux premiers pays s’étaient tournés vers l’Argentine et quelques pays de la mer Noire. Le marché égyptien, demeurant, quant à lui, entièrement dominé par les Russes. 

Et, au même titre que les voisins ukrainiens, ces derniers avaient été longtemps exclus de la liste des fournisseurs de l’Algérie car ne parvenant pas à répondre aux standards du cahier des charges, notamment en ce qui concerne le taux de grains punaisés. Aujourd’hui, la donne a changé puisqu’ils ont réussi à s’y adapter mais les prédictions américaines pour 2021/2022 pourraient fausser tous les calculs.

 

 

 

LES PRIX DU BLÉ EN HAUSSE SUR LE MARCHÉ EUROPÉEN

Les prix du blé étaient en hausse hier à la mi-journée sur le marché européen, soutenus notamment par un repli de l’euro face au dollar. Sur Euronext, le prix du blé tendre gagnait un euro à 278,25 euros la tonne sur l’échéance de mars et un euro sur celle de mai à 276 euros la tonne, pour environ 7000 lots échangés. Le prix du maïs gagnait 1,50 euro sur l’échéance de mars à 256,25 euros la tonne et de 2,25 centimes sur celle de juin à 256 euros la tonne, pour environ 450 lots échangés. Les marchés restaient très volatils, attentifs à l’évolution des tensions entre la Russie et l’Ukraine. Sur la scène internationale, un nouvel appel d’offres de l’Egypte sera suivi de près par les opérateurs «compte tenu du regain de compétitivité» du blé français à la suite du repli des cours ces derniers jours, conjugué à un repli de l’euro face au dollar. A noter également la révision à la hausse en janvier par la Commission européenne de son estimation de stocks de blé, à 13,3 millions de tonnes (contre 12,9 en décembre), «du fait d’une révision à la hausse des importations». Au contraire, les stocks d’orge sont revus en baisse, tout comme ceux du maïs, du fait d’une hausse des exportations européennes. En Amérique du Sud, les nouvelles sont encourageantes pour le maïs, avec des conditions de cultures meilleures en Argentine et une estimation de production en hausse pour les deux récoltes brésiliennes, rapporte Inter-Courtage. R. E.
 

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