Hors champ : Filmer avec un téléphone

14/07/2024 mis à jour: 23:33
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Extrait du film Iftar, de Razane Adel Ali Othmane, sélectionné au mobile film festival, rythmé par la musique de l’horloge et celle des instruments de cuisine, juste avant la rupture du jeûne du ramadan - Photo : D. R.

Sans crédit, ni abonnement, ni unités, sans budget ni commission d’attribution, on peut aujourd’hui faire un film avec un smartphone. Si cette pratique n’est pas encore bien installée en Algérie malgré un récent essai à la Cinémathèque d’Alger où un minifestival s’est déroulé, inaperçu, dans le monde, il y a de nombreux festivals du genre auxquels les Algérien(ne)s peuvent participer.

Même si tout le monde n’a pas de crédit sur son téléphone, tout le monde possède un téléphone, ce qui est un peu comme avoir une voiture mais pas d’argent pour l’essence. Sauf que l’on peut quand même s’installer dans sa voiture, y dormir, y manger ou y organiser des rendez-vous, tout comme avec un téléphone, on peut faire un film, même sans flexy.

Ce genre, plus ou moins récent, a ses adeptes et ses stars, avec les Iraniens comme souvent dans le cinéma expérimental, Ashgar Besharati, Ali Pourahmadian, Artin Salahvarzi ou Kiarash Ardeshirpour, récipiendaires de prix à l’international, comme par exemple Hidden beauty de Reza Jafarzadeh qui a obtenu le prix du Mobile film festival en 2007, l’un des plus connus du domaine.

Car il y a bien de nombreux festivals pour ce genre de films, citons les plus connus, le Mobile Motion Film en Suisse, le Cinephone International Short Film Festival en Espagne, le Smartphone Flick Fest d’Australie, le Toronto Smartphone film festival au Canada, le Alicante smartphone film festival, l’International Mobile Film festival du festival de San Diego, USA, le Dublin Smartphone Film Festival et le Dhaka International Mobile Film Festival, oui, au Bangladesh.

L’Afrique restait un peu en retard, jusqu’à ce que le Mobile film festival créé en 2005 sur l’idée de 1 mobile, 1 minute, 1 film, avec un premier prix de 20 000 dollars et originellement ouvert sur le monde, s’est recentré sur un festival exclusivement africain depuis sa session 2020, s’appuyant sur le boom des smartphones dans le continent et l’accès très limité aux caméras professionnelles.

C’est ainsi que l’Algérienne Razane Adel Ali Othmane a pu y diffuser son film, Iftar, en attendant d’autres compatriotes intéressés par ce genre de cinéma que les Sénégalais, Nigérians ou Marocains commencent à sérieusement investir. Mais est-ce du cinéma ? Pour les puristes ou les errants des salles d’attente du ministère, non, pour les cinéastes ouverts à tous les genres, films VR 360, en 3D ou films super 8, oui, s’il y a un cadre image et une histoire qui tourne, c’est du cinéma.

Algérie, votre correspondant est injoignable

Films cinéma mais sans salles de cinéma ou séries TV mais uniquement le ramadan, le cadre cinématographique algérien est resté un peu figé, coincée entre ses ambitions plus ou moins démesurées et une obligation de retrofinancement par la télévision et la publicité. Il n’y a pas de films en VR, pas de films d’horreur et peu ou pas de films d’animation à part le récent Khamsa (voir El Watan du 07/07/2024), premier long du genre.

Heureusement, pour combler le retard, en mars dernier, la Cinémathèque d’Alger, souvent à la pointe dans le domaine, lançait des Journées cinématographiques du téléphone portable, passées complètement inaperçues mais qui ont vu du monde affluer, attiré par l’annonce. Pendant trois jours, deux master-class et une trentaine de projections ont ainsi eu lieu, et quelques petits films ont conquis le public, comme Halaqa moufragha (Cercle vicieux), Tafrett ou I am here.

C’est tout pour le moment et on ne sait pas si ses journées organisées sous l’égide du ministère de la Culture et des Arts avec le sponsoring de Sonatrach, Euromagh et le Centre algérien de la cinématographie (la Cinémathèque) seront reconduites l’année prochaine, mais il semble évident que ce format soit bien adapté aux jeunes Algérien(ne)s qui ont de l’imagination mais pas les moyens de financer un film, le 7e art étant le plus coûteux de tous.

Tout n’est pas pour autant perdu, jusqu’au 27 juillet, le Lagos International Smartphone Film Festival au Nigeria accepte les films qui seront diffusés à partir du 1er août, soumission gratuite pour toute œuvre tournée avec un smartphone, dans n’importe quelle langue mais avec des sous-titres en anglais.

Vous avez un téléphone, une idée, un peu de talent et du temps ? Tentez votre chance, c’est plus facile que d’attendre les réunions de la commission de lecture dont on ne sait jamais à l’avance quand elle va se tenir, où, avec qui et pourquoi. Lien : Lagos International Smartphone Film Festival. 
 

 

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