Hcen Agrane. Interprète, auteur, compositeur et leader du groupe «Caméléon» : «Notre musique découle d’un style alternatif»

05/01/2025 mis à jour: 20:08
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Rencontré lors d’un concert à Alger, le musicien, auteur et compositeur algérien Hcen Agrane revient
sur la genèse de son groupe musical «Caméléon». Ce jeune artiste timide, mais talentueux, reste fidèle à sa vision d’une musique sans équivalent qui brasse tous les styles musicaux. Entretien.

 

Propos recueillis par Nacima Chabani
 
 

Comment le groupe musical Caméléon a-t-il émergé au parfum du jour ?

Le départ du groupe musical Caméléon a commencé avec les deux frères jumeaux Hcen et Hocine Agrane. A l’époque, nous avions commencé l’enregistrement des titres, alors que personne ne connaissait le groupe Caméléon. Il est vrai aussi qu’à cette époque, nous n’avions fait aucune scène artistique. Ce n’est qu’à partir de 2009 et qu’avec les réseaux sociaux, notamment Facebook, nous avons décidé de mettre nos titres via le Net. Le titre Lillah a fait un buzz terrible sur les réseaux sociaux. C’est de là que les organisateurs ont commencé à nous contacter pour des concerts. Nous avons été sollicités par la radio, la télé et la presse écrite. C’est ainsi que l’aventure de Caméléon a commencé.


Comment expliquez-vous cette absence de plus d’une décennie sur la scène artistique algérienne ?

Je dirais qu’après un tel succès, puisque nous avons fait des tournées internationales. Nous avons fait le Festival du monde arabe à Montréal et au Québec, au Canada. Nous avons effectué une tournée à travers certains pays, dont entre autres les Pays-Bas, la France, la Tunisie et la Serbie. A chaque fois, nous avions des répétitions pour nous préparer aux scènes. C’est ce qui fait que nous n’avions pas le temps de créer. Nous nous sommes plutôt concentrés sur les clips. Je dirais que nous avons  reculé pour mieux avancer. Il faut dire que nous avons commencé dans une période où l’album existait. On l’avait sorti à l’époque de la cassette magnétique et où les gens écoutaient l’album complet. Notre album a été découvert de bouche-à-oreille et surtout sur Facebook. Par la suite, nous avions opté pour une chanson uniquement et non pas un album. Il s’agissait, plus exactement, d’un single. Notre album est sorti dans les bacs des bons disquaires en 2013.  Deux ans plus tard, nous avons sorti le single El Lila, suivi  de Win yamchi Zine en 2016, Kilini en 2018 et Matebkich en 2020. Nous sommes passés d’un album à succès de huit titres pour passer après de six à un tube. On sentait que la production était un peu lente. 


Dans quel genre pourrait-on classer votre musique ?

Je dirais que notre musique est une musique algérienne qui s’imprègne de beaucoup de styles musicaux. Notre oreille a été éduquée avec la musique algérienne et nous avons beaucoup appris d’elle. Nous avons aussi beaucoup appris d’autres sons musicaux occidentaux et orientaux, et j’en passe. Notre musique est une fusion. C’est plus exactement un style alternatif.

Pourquoi avoir choisi de baptiser le groupe  «Caméléon» ?

Le choix du nom du groupe Caméléon, c’est par rapport au changement des nuances qui existent entre une chanson et une autre. Par exemple, dans le titre El sghir, les paroles d’amour renferment de la poésie. Quand je dis parole, c’est-à-dire des propos simples. Par exemple, dans la chanson Tu étais et j’étais jeune, y a rit oula on n’a pas grandi. C’est un mix entre une chanson simple comme El adyen, une chanson avec son contraire. C’est cela qui a fait le choix du groupe Caméléon. On passe du chaâbi au rock, du rock au blues et au flamenco. 


Peut-on affirmer que c’est le grand retour du groupe Caméléon ?

Nous nous sommes produits l’année dernière au théâtre de verdure Laâdi Flici, à Alger, et à Constantine. Nous travaillons selon le rythme. Nous avons fait quelques scènes au cours de l’année écoulée. Je dirais que pour un artiste, ce n’est toujours pas suffisant. Mais bien sûr qu’il faudrait faire plus de scènes à l’avenir.

Sinon, pouvez-vous vivre de votre musique ?

Sans prétention aucune, je peux dire que je vis de ma musique. En Algérie, pour vivre de sa musique, c’est difficile, mais il faut un grand succès pour vivre et perdurer dans le temps. Normalement, celui qui aime la musique et qui l’exerce dans les règles de l’art, il ne lui faut pas un grand succès pour qu’il vive de son art. Un musicien, c’est son métier, comme tous les autres métiers. Je vis à 100%  de la musique.


Quels sont les musiciens qui vous accompagnent habituellement sur scène ?

Je suis toujours accompagné sur scène par les mêmes musiciens. On ne change pas une équipe qui gagne (rires). Il y a Reda Saïb à la guitare basse, Yanis Chakib Aïdja à la guitare électrique, Hocine Agrane à la batterie et moi à la guitare et chante.


Êtes-vous exigeant dans le choix des instruments musicaux ? Avez-vous une préférence pour un instrument musical par rapport à un autre ?

Dans mon orchestre, il y a des instruments rock, guitare électrique, basse et batterie. C’est des instruments que j’aime, mais il y a d’autres sons dans notre album en studio. En studio, on peut faire ce qu’on veut en matière de sons. Quand on a des idées, il nous faut un orchestre symphonique. Dans les instruments, j’aime bien le violon et le violoncelle. Il est vrai que c’est difficile de les faire monter sur scène. Dans un grand festival, il y a tout le matériel nécessaire dont dispose un artiste donné. Quand on fait rentrer des instruments occidentaux ou asiatiques, il y a des nuances sur la scène. Par exemple, la dynamique du djembé est puissante et large à la fois. 


Quelles sont les musiques qui vous ont bercé dans votre enfance et jeunesse ? 

Bien sûr qu’il y a eu des influences, à commencer par mes grands frères. Chacun d’entre eux écoutait un genre musical. Il y avait un qui n’écoutait que la musique raï. Un autre, le chaâbi. Un autre, le flamenco, et un autre, le rock et le blues. J’écoutais malgré moi tous ces styles musicaux. Je n’ai pas de barrière. J’aime écouter tous les styles et genres musicaux. Je me force à écouter des styles, même ceux que je n’apprécie pas. Quand on est jeune, l’oreille découvre. Pour la petite histoire, quand j’étais jeune, je n’aimais pas le reggae. Je ne comprenais pas les paroles. Le ton est faible. Il y a une décadence dans le rythme. Nous ne sommes pas habitués à ce genre musical. Je me suis forcé à écouter, car Bob Marley ne s’est pas trompé. Je l’ai écouté plusieurs fois jusqu’à ce que je comprenne la portée de ses paroles. Aujourd’hui, j’adore le reggae. Preuve en est dans mes arrangements, je m’inspire beaucoup de ce style musical, même dans la production.


 Pourriez-vous nous dévoiler les grandes lignes de votre prochain projet musical ? 

Nous avons, certes, un projet artistique en préparation. Nous avons deux duos que nous comptons faire avec le groupe musical  «Tikabaouine»  de Tamanrasset. Pour le deuxième duo, je préfère ne point en parler pour le moment. Cependant, je peux vous dire que c’est un rappeur. Il y a d’autres chansons que nous avons déjà faites que nous allons intégrer dans l’album. Il s’agit d’un album sous forme numérique. Il est clair qu’il y aura un album en version CD, mais c’est la plateforme numérique qui prendra le dessus.


Qu’en est-il de votre prochain clip ? 

Nous avons fait, récemment, un clip avec l’artiste algérien Mohamed Milano. Je dirais que ce clip n’est pas sorti pour des raisons techniques. Nous avons terminé la chanson. Il manque le mixage et le montage. On préfère lancer sa sortie au courant de cette année 2025. Pour information, nous avons tourné ce clip en hiver alors qu’il neigeait.

Que vous apportent ces collaborations et cocréation entre artistes ?

Les duos sont des expériences enrichissantes. Nous nous rencontrons entre artistes pour échanger nos musiques et mesurer nos talents. Quand vous faites un duo, vous êtes obligés de rentrer dans le bain de l’artiste avec qui vous collaborez. Il faut un petit mix entre les deux artistes. J’ai fait plusieurs duos, avec entre autres Ayoub Hatab, Moh Milano,  «Tikabaouine»...


Quel regard portez-vous sur la nouvelle génération de musiciens algériens ?

Il y a beaucoup de talents qui émergent. Il y a beaucoup de potentiels. Il faut reconnaître qu’il n’y a pas beaucoup de prise en charge, mais nous nous sommes habitués. J’aime aider ou être le promoteur de certains artistes talentueux. Ceux qui ont une belle musique peuvent aller très loin. 

Vos projets à court et à long terme ?

Nous avons des dates privées. Je ne sens pas l’absence, car je travaille dans les hôtels.
 

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