Hakim Traïdia . Assistant réalisateur et directeur de casting : «L'humour est une arme qui ne tue pas, mais qui désarme»

25/08/2024 mis à jour: 08:35
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Photo : D. R.

Patron de la première agence de casting créée en 2008 avec son épouse pour les professionnels du cinéma, l’une des rares dans le pays, il est aussi dans le cinéma, assistant réalisateur et directeur de casting. A la tête de woojooh et ses têtes d’affiche, Lyes Salem, Adila Bendimered, Khaled Benaïssa et la nouvelle génération d’acteurs, Ali Namous, Idir Benaïbouche, Imène Noël, Rym Takoucht ou encore Lydia Larini qui vient d’obtenir deux distinctions internationales.  Lien : agence-woojooh.com

  • Comment on vous présente ? Comique, animateur et cinéaste ?

Honnêtement, je ne sais pas exactement qui je suis. Sur le plan professionnel, je suis tantôt dessinateur, tantôt écrivain, parfois aspirant musicien. Je suis également acteur, réalisateur, clown et mime. Certains jours, je me sens comme si je n'étais rien du tout.

Dans ma vie privée, je suis un rêveur. Je suis toujours cet enfant algérien, les poches vides mais l'esprit rempli de fantaisie, un caillou, un soleil, une montagne, un chemin, une école, un horizon, une rose, le Petit Prince.

Je suis cet enfant rêveur, un survivant, car nombreux sont ceux qui meurent chaque jour en devenant adultes. L'enfant est le berceau de l'innocence et l'adulte, le tombeau de l'enfance. Je dois tout à la culture et à l'art ; ils m'ont sauvé, épanoui et fait de moi ce que je suis aujourd'hui.

  • Pourquoi avoir choisi l'Inspecteur Tahar ?

Nous essayons de faire revivre sa mémoire et de la perpétuer à travers le temps. Il restera incontestable mais il nous appartient à tous.

Nous sommes tous l'inspecteur Tahar et l'apprenti. Ce film vise à rafraîchir sa mémoire pour les nouvelles générations, tout en adaptant son histoire au cinéma moderne. J'espère ainsi raconter une histoire unique qui résonnera en Algérie et pourra être partagée à travers l'Europe.

  • Vous avez écrit le scénario. Sur quelle base ? Comment se négocient les droits d'auteur ?

Le scénario, entièrement fictif, ne cherche pas à reproduire ni à imiter l'inspecteur Tahar, car jusqu'à présent, toutes les tentatives ont échoué. Il est inimitable, unique en son genre, tout comme personne ne pourrait m'imiter. En Algérie, nous avons tendance à sacraliser nos héros culturels et historiques.

Toutefois, il est aussi important d'exploiter cette richesse du patrimoine pour en faire des livres ou des remakes. Ce n'est pas tabou, des personnages comme James Bond, Arsène Lupin et Zorro ont été interprétés par plusieurs acteurs, chacun apportant sa touche personnelle.

Mais dans mon scénario, les personnages principaux ne sont pas l'inspecteur lui-même, mais deux imitateurs, Dahman et Yahya qui se sont brouillés par le passé. Ils interprétaient l'inspecteur Tahar et son apprenti, le fils de Dahman, ayant grandi uniquement avec ces imitateurs, tente de les réconcilier pour recréer le bonheur de son enfance. Malgré ses échecs dans la réalité, il parvient à les réunir virtuellement grâce à un logiciel.

Je garde une partie de l'intrigue secrète pour éviter de tout spolier. Concernant les droits de l'œuvre de l'Inspecteur Tahar, s’il y a des droits à payer, oui il faut le faire, j’ai toujours pensé à sa famille et attribuer une part des revenus, même en absence de revendications formelles. Si le film connaît un succès commercial, ce sera un bonus, et les bénéfices seront partagés équitablement.

Difficile aujourd'hui de jouer un inspecteur comme Tahar en Algérie. Satirique, plus ou moins incompétent et qui joue avec le droit et les règles comme il veut.  Jouer un personnage comme l'Inspecteur Tahar en Algérie aujourd'hui, qui mélange satire et incompétence pour critiquer la société, peut être délicat.

Le contexte actuel complique la production de tels contenus, toutefois, avec une approche prudente, il est possible de capturer l'esprit du personnage tout en respectant les normes sociales et légales, car le public algérien reste réceptif à l'humour et à la satire qui reflètent les réalités quotidiennes.

C’est la réponse officielle, la réponse standard, mais je crois que tout est réalisable, en adoptant un esprit enfantin et clownesque pour rester invulnérable, comme l’a si bien fait Hadj Aberrahmane. Avec l'humour et la dérision, on peut presque tout aborder.

Notre scénario n'attaque ni normes, ni institutions, ni religion, ni société, mais il les touche tous subtilement. L'humour est une arme qui ne tue pas, mais qui désarme. Les Algériens ont besoin de rire, de rêver, de voyager, offrons-leur cela.
 

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