Guerre des puces sino-occidentale : Les Pays-Bas s’alignent sur les restrictions américaines

07/09/2024 mis à jour: 08:46
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Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, et le président chinois, Xi Jinping, à Pékin le mercredi 27 mars 2024

La guerre des puces entre l’Occident et la Chine continue. Hier, les Pays-Bas ont annoncé un renforcement des restrictions à l’exportation en dehors de l’Union européenne (UE) de machines produisant des puces électroniques, comme celles de l’équipementier européen pour l’industrie des semi-conducteurs ASML, selon l’AFP. 

En conséquence, ce groupe, acteur-clé du secteur des puces, sujet de tensions entre la Chine et les Etats-Unis, devra désormais demander une autorisation à La Haye plutôt qu’à Washington pour pouvoir exporter davantage de machines.


L’Europe et les Etats-Unis disent craindre que la Chine n’utilise les machines produisant des puces à des fins militaires ou d’espionnage économique. «Je prends cette décision pour notre sécurité», a déclaré dans un communiqué la ministre néerlandaise du Commerce extérieur, Reinette Klever. «Nous constatons que les évolutions technologiques impliquent davantage de risques pour la sécurité lors de l’exportation de ces équipements de production spécifiques», a poursuivi la ministre. Et d’ajouter : «Surtout dans le contexte géopolitique actuel», sans directement mentionner la Chine.


Ainsi, La Haye renforce des mesures déjà en vigueur depuis un an pour s’aligner sur celles en place aux Etats-Unis. De son côté, ASML a souten dans un communiqué que «cette exigence harmonisera l’approche de délivrance des licences d’exportation».

Auparavant, l’entreprise devait demander à Washington une autorisation d’exportation de certaines de ses machines jusqu’ici non concernées par les mesures en vigueur aux Pays-Bas. Désormais, ASML pourra directement passer par La Haye, a expliqué le groupe. «Comme il s’agit d’un changement technique, cette annonce ne devrait pas avoir d’impact sur nos perspectives financières pour 2024 ou sur nos scénarios à plus long terme», a-t-il souligné.

Interrogé en la circonstance, le ministère chinois des Affaires étrangères a déploré vendredi la décision des autorités néerlandaises. «La Chine a toujours été opposée à cette pratique qui consiste à politiser les relations économiques et commerciales normales et à les lier de façon abusive à des questions de sécurité nationale», a-t-il indiqué dans un communiqué. 

«Essayer de mettre en place un blocus technologique contre la Chine et de perturber artificiellement la stabilité des chaînes mondiales de production et d’approvisionnement ne conduira qu’à porter atteinte à ses propres intérêts», a souligné le ministère. «La Chine suivra de près l’évolution de la situation et est déterminée à protéger ses droits et intérêts légitimes», a-t-il averti.

Les restrictions ciblent des systèmes DUV (deep ultraviolet) de pointe, qui impriment les minuscules éléments composant unemicropuce. Les machines EUV (extreme ultraviolet) d’ASML, permettant de fabriquer les puces les plus avancées, étaient déjà soumises à des contrôles d’exportation.


A partir de samedi (aujourd’hui :ndlr), «l’exportation d’un plus grand nombre de types d’équipements de production avancés sera soumise à obligation d’obtenir une licence nationale», a indiqué le gouvernement néerlandais dans un communiqué.

 «La mesure vise une technologie spécifique dans le cycle de production des semi-conducteurs, ce que l’on appelle les équipements de lithographie aux ultraviolets profonds», a-t-il précisé. Si ASML souhaite exporter une des machines concernées vers la Chine, le gouvernement néerlandais prendra une décision sur l’autorisation d’exportation. «Il n’est donc pas question d’une interdiction d’exportation», a souligné le gouvernement.

Durcissement commun

Jeudi, les Etats-Unis ont annoncé  un durcissement du contrôle sur les exportations de technologies de pointe, telles que les composants pour ordinateurs quantiques, en les étendant à l’ensemble du monde, dans une approche qui se veut commune avec ses alliés. 


En effet, le département du Commerce contrôlera les exportations de ces technologies, qui concernent également par exemple les machines permettant de fabriquer des semi-conducteurs de pointe, et pourra avoir un droit de veto, s’il estime qu’un tel mouvement aurait des conséquences sur la sécurité nationale américaine.

Une telle décision entre dans le cadre d’un durcissement commun dans «plusieurs pays aux vues similaires», qui pourraient être rejoints par d’autres pays, a précisé le ministère américain dans un communiqué. «Il s’agit de nous assurer que nos outils de contrôle s’adaptent à l’évolution rapide de la technologie et qu’ils sont plus efficaces lorsque nous travaillons de concert avec nos partenaires internationaux», a affirmé le sous-secrétaire américain en charge du Bureau de l’industrie et de la sécurité,

Alan Estevez, cité dans le communiqué. «L’approche la plus efficace consiste à coordonner et renforcer nos actions avec nos partenaires aux vues similaires», a de son côté ajouté la secrétaire adjointe en charge des Exportations, Thea Rozman Kendler.

Les nouvelles règles concernent les composants permettant le développement de l’ordinateur quantique et les équipements industriels afin de produire des semi-conducteurs de dernière génération et d’autres types d’équipements industriels ou des technologies liées aux transistors à effet de champ, qui sont utiles pour les super ordinateurs. Elles constituent un pas supplémentaire de Washington pour limiter l’accès aux équipements de technologie de pointe, notamment pour la Chine, l’Iran et la Russie, tous trois d’ores et déjà concernés par des limitations en la matière.

Les nouvelles règles pourraient notamment permettre de mieux contrôler et limiter le risque de contournement de sanctions ou d’interdiction d’exportation, des circuits détournés qui impliquent souvent des entreprises installées dans d’autres pays et faisant l’acquisition d’équipements interdits à l’exportation vers la Chine ou la Russie pour ensuite les revendre dans ces pays.


Ces derniers mois, les Etats-Unis ont annoncé une série de sanctions visant des entreprises, principalement installées en Turquie ou aux Emirats arabes unis et en Europe, accusées d’avoir participé au contournement de ces interdictions ou de sanctions mises en place, notamment après l’intervention russe en Ukraine.
 

Sécurité nationale

Au nom de la «sécurité nationale», les Etats-Unis ont mis en place ces dernières années plusieurs mesures pour restreindre l’accès des entreprises chinoises à certaines technologies américaines ou compliquer leur fabrication de semi-conducteurs de pointe. Lors de sa visite en juin en Chine 2023, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a indiqué que Washington ne cherche pas à «enrayer» le développement économique chinois. «Nous voulons de la croissance. Nous voulons voir le succès dans toutes les parties du monde, y compris, bien sûr, dans les grandes économies comme la Chine», a-t-il ajouté. «Mais en même temps», il n’est «pas dans notre intérêt de fournir à la Chine des technologies qui pourraient être utilisées contre nous», a-t-il observé. 

«Alors qu’elle développe de manière très opaque son programme d’armes nucléaires, qu’elle produit des missiles hypersoniques, qu’elle utilise la technologie à des fins répressives, en quoi est-il dans notre intérêt de fournir ces technologies spécifiques à la Chine ?», s’est-il demandé.

 En juillet de la même année, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a indiqué que les Etats-Unis vont continuer de mener «des actions ciblées» pour préserver leur sécurité nationale. Mais «il est important de noter que ces actions sont motivées par de simples considérations de ‘‘sécurité nationale’’. Nous ne les utilisons pas pour obtenir un avantage économique». Elle a affirmé que celles-ci seraient appliquées «de manière transparente». 

La Chine ambitionne de fabriquer d’ici à 2025, l’équivalent de 70% de sa consommation nationale annuelle et, à la fin de la décennie, devenir «le principal centre d’innovation en matière d’intelligence artificielle au monde». Ce qui est loin d’être apprécié des Etats-Unis qui décident d’agir en conséquence. 

En 2018, l’administration Trump a interdit à l’entreprise chinoise de télécommunications ZTE d’acheter des semi-conducteurs conçus aux États-Unis. Le 15 mai 2019, l’administration américaine a décidé de placer Huawei sur la liste noire du Département au commerce. 

De ce fait, les entreprises qui ont des relations commerciales avec le géant chinois des télécoms peuvent faire l’objet de sanctions américaines, si bien qu’un grand nombre d’entre elles ont annoncé les unes après les autres, leur intention de geler leurs relations commerciales avec Huawei. 

Cette mesure est motivée par une accusation de pratiquer un espionnage massif. Le 23 du même mois, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo à l’époque a de nouveau reproché à Huawei de «mentir aux Américains et au monde entier» à propos de sa collaboration avec le gouvernement chinois.

 Le 7 octobre 2022, le département américain du commerce a annoncé des contrôles drastiques à l’exportation sur les circuits intégrés informatiques avancés utilisés pour propulser les missiles guidés. Comme 31 institutions et sociétés chinoises ont été ajoutées à sa liste d’entités avec lesquelles il est interdit de commercer. 

En réaction, la Chine a entre autres imposé en août 2023 des restrictions aux exportations du gallium et du germanium indispensables aux semi-conducteurs. Ainsi, les exportateurs chinois de ces deux métaux  doivent obtenir une licence, fournir des informations sur le destinataire final et en notifier l’utilisation. Pékin a justifié ces mesures par la nécessité de «préserver la sécurité et les intérêts nationaux».

L’Empire du Milieu représente 94% de la production mondiale de gallium, présent notamment dans les circuits intégrés, les LED et les panneaux photovoltaïques, d’après un rapport de l’UE publié en 2023. Quant au germanium, indispensable pour les fibres optiques et l’infrarouge, 83% de la production de cet élément provient également de Chine. 
 

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