Grandes fortunes et abs fiscaux : Les ultra-riches continuent d’imposer leur loi

27/03/2023 mis à jour: 01:46
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Venir à bout des inégalités, démesurément aberrantes, entre riches et pauvres, face à l’impôt demeurent au cœur des priorités majeures mondiales. D’où la mobilisation, accrue ces derniers temps, d’ONG internationales militant pour la justice fiscale, dont, entre autres, Oxfam International, basée au Kenya et l’Icrict (Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des entreprises) au Mexique. 

Nouveau rendez-vous est ainsi donné à Carthagène où, à l’initiative de ces Organisations qui s’attachent à combattre les iniquités fiscales et œuvrent en faveur de solutions fiscales justes, efficaces, durables et favorables au développement, devrait se tenir en juillet 2023 le premier sommet ministériel pour la région Amérique latine et Caraïbes (ALC) «Vers une fiscalité mondiale inclusive, durable et équitable», avons-nous appris auprès de la représentante de l’ICRICT à Paris, Lamia Oualalou. «Cela représente, sans le moindre doute, une étape importante dans la région pour donner naissance à une dynamique commune allant dans le sens de la coordination plutôt que de la concurrence fiscale. 

Sans coordination, il ne sera pas possible de mettre efficacement fin à l’abus des paradis fiscaux, ni de freiner la fraude et l’évasion fiscales», souligne notre interlocutrice. Le choix de Carthagène, ville située sur la côte caribéenne de la Colombie n’est guère fortuit. 

Dans cette région, l’une des plus inégalitaires du monde, rien qu’en 2019, les 20% parmi les plus fortunés de la population disposaient de près de la moitié du revenu total, tandis que les 20% les plus pauvres disposaient de moins de 5% du revenu total. 

Aussi, les 1% les plus riches de la région contrôlent presque un quart du revenu total. Quelque 100 milliardaires d’Amérique latine et des Caraïbes concentrent plus de richesses que 392 millions de personnes, soit 60% de la population de la région. Autre aberration, autre dimension : les 1% les plus riches du Brésil détiennent, désormais, près de la moitié de la richesse du pays, contre seulement 20,3 % entre les mains des 90% les plus pauvres. 

Au Mexique, l’homme le plus riche du pays possède une fortune supérieure à celle de la moitié la plus pauvre de la population, dans un pays de plus de 130 millions d’habitants. A ce titre, la lutte contre le phénomène de l’abus fiscal des grandes fortunes et des multinationales qui s’est développé et exacerbé dans le contexte de mondialisation et de reconfiguration du nouvel ordre mondial, appelle à des solutions mondiales plus sérieuses et urgentes. 

Un petit bout en sera trouvé au terme de plus d’une décennie de négociations ardues sur le système fiscal international, surtout dans une économie beaucoup plus numérisée, menées par l’OCDE et le G20, dans un processus «BEPS», Base d’imposition et le transfert de bénéfices. En octobre 2021, un accord mondial sera signé par 140 pays. Mais, il ne s’agit que «d’un premier petit pas pour en finir avec les stratégies d’évasion et d’optimisation fiscale des grandes multinationales». 

Car en la matière, tel que le rappelle, avec dépit, Oxfam International dans «La loi du plus riche», dernier rapport 2023, toutes ces aberrations ont tendance à devenir de moins en moins tolérables ; un homme comme Elon Musk, l’une des personnes les plus riches de l’histoire, paie 3,3% d’impôts, au moment où Aber Christine, une vendeuse de riz sur les marchés en Ouganda en paie 40%... 

Alors qu’«un impôt taxant jusqu’à 5% de la fortune des multimillionnaires et des milliardaires du monde entier pourrait rapporter 1700 milliards de dollars par an, soit une somme suffisante pour sortir deux milliards de personnes de la pauvreté et financer un plan mondial d’éradication de la faim», tient à souligner, dans une déclaration à notre rédaction, Haythem Benzid, porte-parole d’Oxfam International pour la région MENA (Afrique du Nord, Moyen-Orient). 

Mieux encore : grâce à leur fortune bondissant de 2,7 milliards de dollars par jour, «alors même que les salaires de 1,7 milliard de personnes ne suivent pas le rythme de l’inflation», les ultra-riches ayant réussi à capter, au cours des dix dernières années, près de 50% des nouvelles richesses, ont de loin dépassé ces exploits. Les 1% les plus riches ont accaparé près des deux tiers des 42 000 milliards de dollars de nouvelles richesses créées depuis 2020, soit près de deux fois plus que les 99% restant, rapporte la même source. 

Interrogé sur le nombre des ultra-riches algériens et leurs écarts de conduite financière et frasques fiscaux, dont la mise à nu qui se poursuit toujours n’est que la partie émergée de l’iceberg, ainsi que sur la grande évasion et fraude des multinationales, fortement présentes dans notre pays, M. Benzid précisera que «malheureusement, les données dont dispose Oxfam exposent la situation à l’échelle mondiale et ne concernent pas des pays en particulier». En somme, les grandes fortunes, en Algérie comme un peu partout dans le monde, continuent de se sucrer sur le dos du reste des populations, les plus vulnérables, surtout.

 D’où l’appel, maintes fois réitéré, de l’ICRICT à «l’introduction d’impôts sur les superprofits des multinationales, déjà en marche dans plusieurs pays d’Europe et d’Amérique latine. Car les chiffres donnent le tournis, comme pour les géants du secteur pharmaceutique, qui ont fait fortune en vendant des vaccins Covid-19 qu’ils n’auraient pas pu développer sans subventions publiques. C’est aussi le cas des multinationales du secteur de l’énergie ou de l’alimentation dont les bénéfices ont été multipliés par plus de deux fois et demie (256%) en 2022, par rapport à la moyenne de 2018-2021», insistera, à juste titre, 

Magdalena Sepúlveda, directrice exécutive de l’Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels, membre de l’ICRICT et ex-rapporteur des Nations unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme. 

Oxfam International recommande, pour sa part, d’«imposer la fortune des ultra-riches à des taux suffisamment élevés pour réduire significativement le nombre de milliardaires et leur fortune, et redistribuer les richesses. Cela passe par l’instauration d’impôts sur la succession, le foncier et le patrimoine net», notamment.
 

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