Rares sont les hommes politiques qui font l’unanimité pour recevoir les éloges. Mikhaïl Gorbatchev en fait partie indiscutablement. L’ancien président de l’URSS, secrétaire général du puissant PCUS, est mort hier, et le monde entier s’est incliné à l’annonce de cette nouvelle.
Le personnage ne laisse pas indifférent, malgré son retrait de la scène politique au début des années 1990. Il était encore jeune et fraîchement distingué par le Nobel de la paix. Mais le poids de l’échec sur le front national est trop lourd pour cet homme qui, à ce moment de sa carrière, vient d’ouvrir une page de la paix dans le monde, mais en même temps d’enterrer l’URSS, celle des bolcheviques, de Lénine et Staline.
Celle au destin grand comme son territoire ; l’URSS qui guidait la moitié du monde et les peuples luttant contre l’impérialisme. Il n’était guère un perfide fossoyeur, mais au contraire un Président qui a su mettre fin à un système devenu dangereux pour la nation. Même Poutine le reconnaît, déclarant que Gorbatchev avait guidé le pays à travers une période de changements complexes et dramatiques, et de grands défis de politique étrangère, économiques et sociaux.
Unanimement, les chefs d’Etat ont décrit, dans leurs hommages hier, un homme d’Etat qui a eu une grande influence sur l’évolution de l’histoire du monde, pour avoir su fermer la parenthèse longue et dangereuse de la guerre froide.
Son échec se résume à la politique des réformes qu’il a enclenchées pour sauver son pays : restructurer et relancer l’économie (perestroïka) et démocratiser le régime en libérant l’expression, la presse et l’activité politique (glasnost). Il avait compris que le géant de l’Est ne pouvait plus tenir, ruiné qu’il était par le budget militaire (environ 20% du PIB) et une gestion totalement administrée de l’économie. Mais c’était trop tard, la déliquescence de l’Union, aux plans économique, social et politique, étant arrivée à un stade avancé, conjuguée à la volonté des Républiques de se détacher. La dislocation fut périlleuse pour les peuples de l’Union.
La Russie notamment, la plus grande des Républiques, boira le calice jusqu’à la lie, et sera obligée de revenir de loin, très loin. A-t-il été un visionnaire pour cela ? En tout cas, Mikhaïl Gorbatchev est mort avant-hier à un moment où sa nation, la Russie, revient sur la scène internationale pour jouer les premiers rôles et défier l’ennemi d’hier, l’Occident emmené par les Etats-Unis.
L’homme de paix qu’il était ne souhaitait peut-être pas revoir son pays s’impliquer en première ligne dans un conflit global aux conséquences délicates, mais pragmatique comme il était, pouvait-il s’y opposer, considérant tout le mal engendré par trente ans de domination totale des Etats-Unis, et son lot d’injustices et de guerres destructrices ? Le monde a besoin d’hommes politiques comme Gorbatchev, le sage. Sa disparition devrait rappeler aux va-t-en-guerre que rien ne remplace la paix.