Ghaza : Après la complicité, l’indifférence

06/07/2024 mis à jour: 08:07
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Chronique quotidienne des massacres, de plus en plus lacunaire, déclarations de moins en moins audibles des humanitaires de l’ONU sur le désastre sur place, images chocs émoussées désormais par la boucle de la routine, palabres fastidieux et  sans lendemain  sur un cessez-le-feu…

La guerre contre Ghaza, pour inédite et dépassant toutes les limites de l’horreur, ne risque vraisemblablement pas moins de basculer dans l’oubli. «La guerre devient supportable dès qu’elle devient ennuyeuse.» Ce credo des médias...

Le conflit, après avoir à juste raison accaparé les yeux du monde, ses médias et ses diplomaties durant des mois, est depuis plusieurs semaines éclipsé par des «actualités» et des agendas qui recentrent l’intérêt vers les Etats-Unis, l’Europe, la Russie…

L’implacable loi, ou arbitraire, de la normalisation du crime, quand celui-ci se perpétue dans la durée, et la vague de renoncements qui souvent en constitue l’effet, ont par le passé relégué les conflits en Syrie, Soudan, Yémen... au statut peu dérangeant de tensions endémiques, ne se signalant que comme bruits de fond sporadiques et appelant à peine un intérêt ponctuel de la communauté internationale.

Sur le plan médiatique semble s’appliquer une impitoyable sentence selon laquelle «la guerre devient supportable dès qu’elle devient ennuyeuse». Al Jazeera, en raison de la nature de son public, reste le seul network mondial à consacrer l’essentiel de ses couvertures au sinistre factuel ghazaoui et aux implications d’un conflit de plus en plus éligible pourtant à des débordements régionaux.

Même l’évocation insistante d’un fort probable embrasement du front libanais au nord par le gouvernement résolument belliqueux de Tel-Aviv participe à détourner le regard sur ces près de deux millions de déplacés palestiniens, pour la plupart définitivement privés de domicile et de possibilité de relancer un semblant de vie après une hypothétique cessation des hostilités.

Durant toute la semaine dernière, les retombées du duel Donald Trump-Joe Biden et la montée de l’extrême droite en Europe, en France en particulier, ont accaparé les grands JT et les «une» de la planète, augurant d’un contexte médiatique qui laissera de moins en moins de marges au calvaire palestinien.

Au plan diplomatique, l’horloge reste bloquée depuis plus d’un mois sur la dernière proposition américano-israélienne d’une base de négociations pour un cessez-le-feu ; le Joe Biden qui en avait fait la présentation et s’est posé en parrain du processus est désormais entièrement happé par les impératifs d’une campagne présidentielle qui s’annonce pour le moins incertaine et chaotique pour son camp.

Les médiateurs égyptiens et qataris, pour leur part, donnent à peine des signes de vie après avoir fait du surplace durant des semaines, alors que les instances centrales de l’ONU, à leur tête le Conseil de sécurité, semblent avoir épuisé leurs possibilités d’action malgré le forcing permanent de pays comme l’Algérie.

Dans l’opinion mondiale, l’amorce de l’été aidant, la tendance est au tassement des mouvements de protestation et de solidarité, alors que les bilans de morts, de disparus, de prisonniers torturés et de populations affamées ne cessent de battre d’effroyables records dans l’enclave palestinienne.

A ce tableau, s’ajoutent également ces dédales judiciaires où tendent à se perdre les espoirs d’une justice rendue aux dizaines de milliers de victimes par des juridictions internationales qui avaient fait miroiter, en mai dernier, la possibilité de rompre pour une fois avec l’arbitraire des doubles standards. 
 

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