Frappes houthies contre un navire américain : Regain de tension en mer Rouge

20/01/2024 mis à jour: 05:06
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Les Houthis ont revendiqué, hier, des frappes contre un navire marchand américain circulant dans le Golfe d’Aden, nouvelle attaque en date de ce groupe, rapporte l’AFP citant un communiqué. «Les forces navales des forces armées yéménites (nom que se donne la branche armée des Houthis, ndlr) ont mené une opération ciblée contre un navire américain, le Chem Ranger, dans le Golfe d’Aden avec plusieurs missiles antinavires dont certains ont touché leur cible», ont-ils affirmé dans un communiqué.

De son côté, le Commandement militaire américain au Moyen-Orient (Centcom) a confirmé que les Houthis ont visé, à l’aide de «deux missiles», le navire marchand Chem Ranger sans toutefois l’atteindre comme le prétendent les Houthis. L’équipage «a vu les missiles toucher l’eau près du navire» et «il n’a pas été fait état de blessés ou de dommages», a ajouté le Centcom. Selon le site spécialisé Marine Traffic, le Chem Ranger est un pétrolier américain battant pavillon des îles Marshall qui se trouvait ces derniers jours au large des côtes du Yémen.

 L’agence de sécurité maritime britannique (UKMTO) a fait état d’un incident à 115 miles nautiques au sud-est de la ville d’Aden avec une explosion à 30 mètres du navire et précisé qu’un drone a volé à proximité. «Une riposte aux attaques américaines et britanniques est inévitable, toute nouvelle agression sera punie», ont fait valoir les Houthis, disant cibler uniquement les navires se rendant en Israël «tant qu’il n’y aura pas de cessez-le-feu et que le siège ne sera pas levé sur Ghaza». La Chine a appelé hier à la fin du «harcèlement» des navires civils sur cette «importante voie de commerce international pour les marchandises et l’énergie», a déclaré Mao Ning, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. 

«Nous appelons à la fin du harcèlement des navires civils ainsi qu’au maintien de chaînes d’approvisionnement mondiales fluides et de l’ordre commercial international», a-t-elle indiqué lors d’un point presse régulier. Jeudi, le ministère chinois du Commerce a appelé à «rétablir et garantir la sécurité des voies navigables en mer Rouge». «Il est à espérer que les parties concernées agiront dans l’intérêt général de la sécurité et de la stabilité régionales ainsi que dans l’intérêt commun de la communauté internationale», a déclaré un porte-parole du ministère, He Yadong, selon l’agence de presse Chine nouvelle. Dans un entretien accordé au quotidien russe Izvestia, publié hier, un membre de la direction politique des Houthis, Mohammed Al Bukhait, a fustigé «la folie et l’idiotie des Etats-Unis et du Royaume-Uni» qui «ont joué contre eux». 

«Désormais, aucun de leurs navires ne pourra franchir une des principales voies commerciales au monde», a-t-il affirmé assurant que les «autres pays, incluant la Chine et la Russie» ne sont eux pas menacés. «Nous sommes même prêts à assurer le passage sécurisé de leurs navires en mer Rouge.» Les Etats-Unis ont frappé jeudi pour la cinquième fois des sites des Houthis au Yémen. Washington a déclaré avoir frappé des missiles houthis. «Nous pensons qu’ils étaient prêts à être lancés de manière imminente en mer Rouge», a expliqué le porte-parole du Conseil de sécurité nationale John Kirby. La porte-parole adjointe du ministère de la Défense, Sabrina Singh, a dit que ces bombardements, entamés en fin de semaine dernière et parfois menés avec le Royaume-Uni, ont pu «détruire une part importante des capacités» des Houthis. 

A Moscou, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a appelé les Etats-Unis à cesser leur «agression» contre le Yémen. «Plus les Américains et les Anglais bombardent, moins les Houthis voudront parlementer», a-t-il observé. Les bombardements américains de jeudi sont les seconds en moins de 24 heures sur des missiles des Houthis, groupe remis mercredi par Washington sur une de ses listes d’«organisations terroristes». Le président américain, Joe Biden, a déclaré cette semaine que ces frappes continueraient tant que les Houthis perturberont le commerce maritime international au large du Yémen.
 

Perturbations

Depuis le début de la guerre entre Israël et les Palestiniens dans la Bande de Ghaza, les Houthis ont attaqué des dizaines de navires présumés «liés à Israël», en mer Rouge et dans le golfe d’Aden. Ces attaques, qu’ils disent mener en «solidarité» avec les Palestiniens à Ghaza, ont contraint de très nombreux armateurs à suspendre le passage de leur flotte en mer Rouge pour la rediriger autour de l’Afrique via le cap de Bonne-Espérance, ce qui augmente le temps et le coût du transport maritime. Le prix du transport d’un conteneur de l’Asie de l’Est vers l’Europe du Nord a augmenté de 199 % au cours des dernières semaines, selon les données de Freightos, une société internationale d’analyse du marché et du fret. 

Entre-temps, de nombreuses grandes compagnies pétrolières (BP, Shell, Qatar Energy) et de transport maritime (MSC, Maersk, Hapag-Lloyd, CMA CGM...) ont déjà décidé ces dernières semaines d’éviter la mer Rouge jusqu’à nouvel ordre. Peu avant Noël, Ocean Network Express (ONE), une co-entreprise de transport par porte-conteneurs réunissant Nippon Yusen, Mitsui OSK Lines et Kawasaki Kisen, a aussi fait le même choix. Directeur général du poids lourd du commerce maritime Maersk, Vincent Clerc a déclaré mercredi à Davos que la situation en mer Rouge «perturbera les chaînes d’approvisionnement pendant au moins quelques mois au moins, avec un peu de chance plus courts, mais cela pourrait aussi être plus long parce que l’évolution de la situation est tellement imprévisible». 

Plusieurs entreprises ont déjà annoncé des délais, comme le géant suédois du meuble Ikea. 
La production d’automobiles est également perturbée. Tesla a ainsi précisé que sa production serait suspendue pendant deux semaines dans son usine européenne, entre le 29 janvier et le 11 février. L’usine de Volvo à Gand (Belgique) devait également être fermée trois jours mi-janvier, faute de boîtes de vitesses, dont la livraison a pris du retard pour cause de «réajustements dans les voies maritimes ». 

En Espagne, l’Association des entreprises de fabrications et de distribution (Aecoc) a annoncé que plusieurs secteurs ont lancé des commandes anticipées pour certaines matières premières et marchandises, comme les meubles ou le textile, pour lesquelles ils rencontrent des difficultés d’approvisionnement. De leur côté, des compagnies maritimes telles que Maersk, Hapag-Lloyd et Mediterranean Shipping Company (MSC) ont emprunté d’autres itinéraires pour transporter leurs conteneurs. 

Mardi dernier, le Premier ministre du Qatar, Mohammed ben Abdulrahmane Al-Thani, a déclaré que le transport de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) «sera affecté» par l’escalade en mer Rouge, estimant que les frappes américano-britanniques n’arrêteraient pas les attaques des Houthis du Yémen. «Le GNL est (...) comme toutes les autres cargaisons marchandes, il sera affecté» par la «dangereuse escalade» dans cette zone maritime essentielle pour le commerce mondial, a-t-il soutenu lors du Forum économique mondial à Davos (est de la Suisse). «Il existe des itinéraires alternatifs, mais ces itinéraires (...) sont moins efficaces que l’itinéraire actuel», a observé le Premier ministre qatari.
 

Escalade

Face à ces attaques, les Etats-Unis ont mis sur pied une coalition pour patrouiller au large du Yémen et protéger le trafic maritime. Tous les pays de cette coalition ne participent pas aux frappes mais le Danemark a annoncé, jeudi dernier, qu’il compte s’y joindre. Une telle option n’a pas empêché la tension d’augmenter dans la région, notamment cette semaine. Le 12 janvier, les forces américaines et britanniques frappent avant l’aube 60 cibles sur une quinzaine de sites tenus par les Houthis au Yémen, en utilisant des avions de combat et des missiles, selon le Centcom. En réaction, les Houthis tirent en réponse «au moins un» missile sans atteindre aucune cible. 

Après ces frappes, les rebelles proclament les intérêts américains et britanniques comme des «cibles légitimes». Le lendemain, une nouvelle frappe américaine touche la base aérienne d’Al Dailami, située dans la capitale Sanaa contrôlée par les Houthis, selon l’armée américaine, à la suite des avertissements des Houthis sur une poursuite de leurs attaques contre les navires en mer Rouge. Dimanche, les forces américaines abattent un missile de croisière tiré par les Houthis en direction du destroyer américain USS Laboon, depuis le Yémen. La journée d’après, un missile tiré par les Houthis atteint le cargo américain Gibraltar Eagle au large de la ville d’Aden, dans le sud du Yémen, provoquant un incendie à bord mais sans faire de victimes. 

Mardi, les Etats-Unis détruisent quatre missiles balistiques antinavires prêts à être lancés depuis le Yémen, selon l’armée américaine. Plus tard, un missile touche un vraquier grec battant pavillon maltais et naviguant en mer Rouge, causant des dégâts limités. 

Mercredi, un drone lancé par les Houthis frappe le vraquier américain Genco Picardy, sans faire de blessés mais provoquant de légers dommages, selon le Centcom. Les forces américaines neutralisent ensuite 14 missiles «chargés pour être tirés» depuis le Yémen, d’après Washington.

 

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