Dans un monde marqué par des tensions géopolitiques exacerbées depuis au moins deux années, et l’apparition de lignes de fractures nouvelles y compris en Afrique, Pékin veut se poser au moins comme une puissance refuge, en misant à terme sur des dividendes certains en matière d’influences diplomatique et économique.
Le Forum sur la coopération sino-africaine, grand moment où se matérialise la stratégie de déploiement chinois sur le continent, s’est clôturé hier à Pékin, avec les promesses d’une relance plus massive des financements et des investissements.
Plus de 50 milliards de dollars sont annoncés par les dirigeants de la deuxième puissance économique mondiale, à débloquer sur les trois prochaines années, pour répondre aux demandes de financements colossaux qui émanent des pays africains.
Une enveloppe dont l’importance a surpris des observateurs, tout en indiquant à d’autres que la concurrence que représentent les ambitions américaines, européennes et, depuis peu, turques sur le continent, inspirent au géant asiatique de miser plus gros.
L’année dernière, les «aides» chinoises – en fait des prêts combinés –, étaient beaucoup moins ambitieux (un peu moins de 5 milliards de dollars) et la modestie des apports a été justifiées par la persistance de la phase de ralentissement de l’économie chinoise après la crise de Covid-19.
Mais la reprise semble se dessiner, puisque on renoue avec des seuils de financements proches de ceux consentis il y a une dizaine d’années, au plus fort de l’offensive de charme chinoise en Afrique. Autre indicateur, selon des médias locaux, les échanges commerciaux entre les deux parties se sont élevés à près de 168 milliards de dollars durant le premier semestre de l’année en cours.
Xi Jinping, le président chinois, affirme euphorique que les relations connaissent en ce moment «la meilleure période de leur histoire» avec le continent. Les quelques jours qui ont précédé le sommet, il a vu défiler à son palais plus d’une dizaine de dirigeants africains, ramenant chacun avec des attentes et des propositions de partenariats spécifiques, sans doute pas seulement sur le plan économique et commercial.
En tout, Pékin a vu atterrir les avions d’une cinquantaine de chefs d’Etat et dirigeants africains durant la semaine. «La Chine est prête à approfondir sa coopération avec les pays africains dans l’industrie, l’agriculture, les infrastructures, le commerce et les investissements», a ajouté le chef de l’Etat chinois, en tablant sur une contribution à créer près de 1 million de postes d’emploi en Afrique sur la période.
Dans un monde marqué par des tensions géopolitiques exacerbées depuis au moins deux années, et l’apparition de lignes de fractures nouvelles y compris sur le continent africain, Pékin veut se poser au moins comme une puissance refuge, en misant à terme sur des dividendes certains en matière d’influences diplomatique et économique.
L’implication chinoise dans la réalisation de grands projets d’infrastructures (axes routiers, réseaux ferroviaires...) suit généralement les itinéraires menant aux gisements de matières premières minières. La vorace économie chinoise est structurellement, et sans cesse, en quête de matières à transformer pour maintenir un exigeant plateau de croissance.
Ces investissements sont en règle générale bonifiés par un intérêt affiché pour le développement des énergies du futur et ceci fait dire au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, invité d’honneur du sommet de Pékin, que la Chine et l’Afrique avaient, ensemble, le potentiel de mener une «véritable révolution» dans le domaine des énergies renouvelables.
L’Algérie tient au projet «la ceinture et la route»
Représentant le président de la République à l’occasion de cette rencontre, Ahmed Attaf, ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, dans une allocution devant le sommet jeudi dernier, a souligné un des atouts décisifs distinguant le partenariat chinois.
«Les relations sino-africaines (sont) fondées sur un legs historique commun d’amitié, de solidarité et d’entente, enraciné dans le soutien de la Chine aux luttes des peuples africains pour la libération et l’affranchissement de la domination et de la colonisation, ainsi que dans les positions des pays africains, qui, à leur tour, ont soutenu le retour légitime de la Chine au sein de l’Organisation des Nations unies et appuyé le principe d’une Chine unifiée».
Le représentant algérien estime, par ailleurs que l’initiative «La ceinture et la route» (gigantesque plan d’infrastructures majeures devant relier l’Asie, l’Europe et l’Afrique, en partie suivant les anciens tracés de la Route de la soie) est l’une des illustrations des principes de «partenariat équilibré, des intérêts partagés, du respect mutuel et de l’égalité souveraine entre les Etats, loin des surenchères politiques et des marchandages provocateurs pour bénéficier de l’aide au développement et s’attirer les bonnes grâces».
Sur le plan stratégique, l’Algérie voit en l’instrument du plan «La ceinture et la route» l’opportunité de consolider l’interconnexion continentale, au-delà de ses prolongements en dehors de l’Afrique et milite pour que la coopération «s’étende à l’appui aux efforts algériens en faveur du renforcement de l’intégration régionale, en tissant des réseaux d’interconnexion, d’échange et d’interaction à tous les niveaux dans nos espaces d’appartenance régionaux (…)».
Aussi, le ministre plaide pour le maintien de la «cadence positive», dans la construction conjointe de l’initiative, dont le but et les objectifs croisent opportunément «l’essence de la politique prônée par l’Algérie à travers plusieurs projets structurants de dimension régionale, visant l’interconnexion des infrastructures nationales avec les pays de notre voisinage et notre profondeur africaine : routes, chemins de fer, réseaux d’électricité et de gaz, fibre optique et plateformes logistiques des zones de libre-échange».
M. Attaf souligne, d’autre part, que «le financement reste le plus grand défi à relever, d’autant que la construction des infrastructures nécessaires en Afrique demeure estimée à entre 130 et 170 milliards de dollars par an». L’Algérie préconise «davantage de complémentarité entre les institutions financières africaines et les instances chinoises concernées par les projets de La ceinture et la route», pour réduire la profondeur du gouffre.