Forum de sécurité «dialogue de Shangri-La» à singapour : Pékin réitère son opposition à l’indépendance de Taïwan

13/06/2022 mis à jour: 17:57
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Photo : D. R.

Le 16 janvier 2016, la candidate de l’opposition Tsai Ing-wen, issue d’un parti favorable à l’indépendance, remporte l’élection présidentielle taïwanaise. Dès le jour de son investiture, le 20 mai, la Chine la met en garde contre toute tentative d’aller vers l’indépendance, assurant que la paix sera alors «impossible».

La Chine va se «battre jusqu’au bout» pour empêcher Taïwan de déclarer son indépendance. C’est ce qu’a déclaré hier le ministre chinois de la Défense, selon des propos recueillis par l’AFP, illustrant encore une fois les tensions entre Pékin et Washington au sujet du sort de l’île. «Nous allons nous battre à tout prix et nous allons nous battre jusqu’au bout. C’est le seul choix possible pour la Chine», a affirmé Wei Fenghe, lors du forum de sécurité «Dialogue de Shangri-La», tenu à Singapour du 10 au 12 juin.

«Ceux qui poursuivent l’indépendance de Taïwan dans le but de diviser la Chine n’arriveront certainement pas à leurs fins», a-t-il ajouté. «Personne ne devrait jamais sous-estimer la détermination et la capacité des forces armées de la Chine à sauvegarder son intégrité territoriale.» Il a exhorté Washington à «cesser de dénigrer et de contenir la Chine (...), à cesser de s’ingérer dans les affaires intérieures de la Chine et à cesser de nuire aux intérêts de la Chine». Mais il a appelé à une relation sino-américaine «stable», qui est «vitale pour la paix mondiale».

Cette déclaration intervient après les propos tenus la veille par le secrétaire à la Défense américain, Lloyd Austin, évoquant l’activité militaire «provocatrice et déstabilisante» de Pékin près de Taïwan. «Nous constatons une coercition croissante de la part de Pékin. Nous avons assisté à une augmentation continue de l’activité militaire provocatrice et déstabilisante près de Taïwan», a déclaré le chef du Pentagone. Cependant, il a relevé l’importance de maintenir les «lignes de communication ouvertes avec les responsables de la défense de la Chine» pour éviter les erreurs de calcul.

Les deux responsables ont eu leur premier entretien en tête-à-tête en marge du sommet de Singapour vendredi, au cours duquel ils se sont affrontés au sujet de Taïwan. La Chine a estimé que cette île autonome constitue une de ses provinces historiques qu’elle entend reprendre par la force si nécessaire.

Selon un porte-parole du ministère chinois de la Défense, Wei Fenghe a affirmé vendredi lors d’une rencontre avec L. Austin en marge de ce forum : «Si quiconque osait séparer Taïwan de la Chine, l’armée chinoise n’hésiterait pas un instant à déclencher une guerre, quel qu’en soit le prix.» Pékin «briserait en mille morceaux» toute tentative d’indépendance, a averti le ministère de la Défense chinois. De son côté, L. Austin a dit à son homologue chinois que Pékin devait «s’abstenir» de toute nouvelle action déstabilisatrice dans cette région, selon le Pentagone.

Le ministère des Affaires étrangères de Taïwan a réagi samedi en disant rejeter les «affirmations absurdes» de Pékin. Le président américain, Joe Biden, lors d’une visite au Japon le mois dernier, a déclaré que Washington défendrait militairement Taïwan si elle est attaquée par la Chine. Il a cependant précisé depuis que «l’ambiguïté stratégique» de Washington, consistant à ne reconnaître diplomatiquement que la Chine continentale tout en s’engageant à donner à l’île autonome les moyens militaires pour se défendre en cas d’invasion, reste inchangée.

Le 1er octobre 1949, Mao Zedong proclame l’avènement de la République populaire de Chine à Pékin. Réfugiés sur l’île de Taïwan (ex-Formose), les nationalistes du Kuomintang emmenés par Tchang Kaï-chek forment un gouvernement et interdisent tout lien avec la Chine communiste. La même année, est menée la première d’une série de tentatives de l’Armée populaire chinoise de s’emparer des îlots de Quemoy et Matsu, appartenant à Taïwan.

En 1950, l’île devient un allié des Etats-Unis engagé dans la guerre de Corée (1950-1953). Le 5 octobre 1971, le siège de la Chine à l’ONU, jusque-là occupé par Taïwan, est attribué à Pékin. En mars 1979, Washington rétablit ses relations diplomatiques avec Beijing. Depuis, comme l’ensemble de la communauté internationale, les Etats-Unis s’en tiennent à la politique d’une seule Chine, reconnaissant uniquement Pékin comme gouvernement légitime. Ce qui ne les empêche pas d’entretenir des relations étroites, économiques et militaires, avec Taipei.

Le chaud et le froid

Le 2 novembre 1987, les Taïwanais sont autorisés à se rendre en Chine continentale pour des réunions de famille, ouvrant la voie aux échanges commerciaux. En 1991, Taipei abroge les dispositions instaurant l’état de guerre avec la Chine. Mais en juin 1995, Pékin suspend des négociations vers une normalisation pour protester contre un voyage du président Lee Teng-hui aux Etats-Unis.

En 1996, la Chine procède à des tirs de missiles près des côtes taïwanaises peu avant la première élection présidentielle au suffrage universel, le 23 mars, à Taïwan, remportée par Lee Teng-hui. Le 29 janvier 2005, les premiers vols charter directs relient la Chine et Taïwan, où le Kuomintang a perdu le pouvoir en mars 2000 avec l’élection à la présidence de l’indépendantiste Chen Shui-bian, réélu en 2004. Le 14 mars, Pékin adopte une loi antisécession prévoyant de recourir à des moyens «non pacifiques» si Taïwan déclare l’indépendance.

Le 29 avril, est tenue une rencontre historique à Pékin entre chefs de parti, Lien Chan pour le Kuomintang et le président Hu Jintao pour le Parti communiste chinois (PCC), une première depuis 1949. Le 12 juin 2008, Pékin et Taipei reprennent leur dialogue suspendu en 1995, après la victoire à l’élection présidentielle en mars du candidat du Kuomintang Ma Ying-jeou, partisan d’un rapprochement avec la Chine, qui sera réélu en 2012.

Le 4 novembre, est signée une série d’accords économiques pour mettre en place des liaisons aériennes et promouvoir le tourisme. Le 29 juin 2010, Pékin et Taïwan signent un accord-cadre de coopération économique. Le 11 février 2014, Pékin et Taipei nouent un dialogue entre gouvernements pour la première fois depuis 1949.

Le 7 novembre 2015, les présidents chinois, Xi Jinping, et taïwanais, Ma Ying-jeou, se rencontrent à Singapour, une première depuis 1949. Le 16 janvier 2016, la candidate de l'opposition Tsai Ing-wen, issue d'un parti favorable à l'indépendance, remporte l'élection présidentielle taïwanaise. Dès le jour de son investiture, le 20 mai, la Chine la met en garde contre toute tentative d’aller vers l’indépendance, assurant que la paix sera alors «impossible». Le 25 juin, la Chine déclare que toute communication avec Taïwan est suspendue, le nouveau gouvernement de l’île n’ayant pas reconnu le concept d’«une seule Chine».

Le 2 décembre 2016, le président élu américain, Donald Trump, provoque la colère de la Chine en parlant directement au téléphone avec Tsai Ing-wen. Puis, durant l’été 2017, il autorise une vente d’armes à Taïwan pour 1,3 milliard de dollars. En mars 2018, les Etats-Unis adoptent une loi renforçant leurs liens avec Taïwan, provoquant à nouveau l’ire de Pékin. Le 2 janvier 2019, Xi Jinping affirme que Pékin ne renoncera pas à recourir à la force pour récupérer Taïwan.

Le 30 mai dernier, la Chine a procédé à sa deuxième plus grande incursion de l’année, avec l’entrée, selon Taipei, de 30 avions dans la zone d’identification de défense aérienne (Adiz, selon son acronyme en anglais) de l’île, dont 20 chasseurs. Le 23 janvier, 39 avions ont pénétré dans l’Adiz. Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a vu dans ces incursions le signe «d’une rhétorique et d’une activité de plus en plus provocantes» de la part de Pékin. 

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