Entamées depuis le 19 février courant, les audiences de la CIJ, sur les conséquences de l’occupation israélienne de la Palestine se sont achevées hier.
Les audiences de la Cour internationale de justice (CIJ) consacrées aux conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël, dans le territoire palestinien y compris Jérusalem-Est, se sont achevées hier après-midi avec les plaidoiries des représentants de trois organisations internationales : la Ligue arabe, l’OCI (Organisation de la conférence islamique) et l’Union africaine (UA), ainsi que ceux de la Turquie, la Zambie, l’Espagne, les Maldives et des Iles Fidji.
La réponse de la Cour à cette demande prendra du temps, probablement 5 à 6 mois, estiment des experts du droit. Depuis l’ouverture de ces audiences le 19 février dernier, sur les 52 Etats qui ont exprimé leur intention de prendre part à la procédure orale devant cette haute juridiction onusienne, seul le Canada s’est désisté de sa plaidoirie.
Les six jours d’audience, trois Etats seulement (Etats-Unis, Royaume-Uni, Hongrie) se sont déclarés contre la procédure de demande de l’avis consultatif, et demandé à la juridiction de la rejeter afin, soulignent-ils, de laisser «les parties au conflit négocier une solution politique». Les Européens, qui dénoncent toutes les violations du droit international par l’occupation israélienne, divergent, néanmoins, quant aux conséquences précises de ces violations, leurs implications concrètes, notamment lorsqu’il s’agit des obligations des Etats tiers.
Cependant, les pays latino-américains, arabo-musulmans, asiatiques, africains et quelques Etats de l’Europe, comme la Belgique, l’Irlande, la Norvège, l’Espagne, n’ont pas mis de gants pour dénoncer fermement la politique coloniale d’Israël, en évoquant des actes d’apartheid et de génocide.
Allié indéfectible d’Israël, auquel ils apportent aide et soutien, militaires et politiques, les USA, par la voix du conseiller juridique du département d’Etat, Richard Visek, appelle la Cour à ne pas conclure qu’Israël «est légalement obligé de se retirer immédiatement et sans conditions du territoire occupé».
Pour lui, «tout mouvement vers le retrait d’Israël de la Cisjordanie et de Ghaza nécessite la prise en compte des besoins de sécurité très réels d’Israël». L’intervenant s’attarde sur les circonstances de l’attaque du 7 octobre dernier, menée par la résistance palestinienne qu’il présente comme un exemple de menace qui pèse sur Israël, puis réclame le rejet de cette procédure.
Visek se livre à une défense en règle du contrôle par Israël des territoires palestiniens de Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de Ghaza, avant que le représentant du Royaume-Uni, Dan Sarooshi, abonde dans le même sens. Pour ce dernier, «le conflit entre Israël et la Palestine ne devrait pas être réglé dans le cadre de la fonction consultative de la CIJ».
Ce professeur de droit international à l’université d’Oxford précise que «la fonction consultative des tribunaux est de fournir des conseils juridiques aux organes de l’ONU qui demandent un avis. L’état actuel des questions soulevées dans l’avis de la Cour créerait une situation défavorable à Israël». Et d’ajouter dans ce cas là : «Il faudra obtenir l’approbation d’Israël.»
«La solution à deux états est la seule solution»
Lui emboîtant le pas, sa consœur, Sally Langrish, directrice des affaires juridiques du ministère britannique des Affaires étrangères, rappelle la position de son pays sur le conflit qui, dit-elle, «est connue depuis longtemps, car la solution à deux Etats est la seule solution qui garantira l’autodétermination des Palestiniens et protégerait l’identité et la sécurité d’Israël».
Selon elle, «le droit existant, notamment les résolutions du Conseil de sécurité, est déjà suffisamment clair pour exiger le retrait d’Israël, lorsque les conditions de sécurité seront réunies». Elle termine sa plaidoirie en demandant à la Cour de «ne pas se prononcer sur les questions de l’Assemblée générale de l’Onu».
Le représentant de la Hongrie commence par s’attaquer au Hamas qui, selon lui, «ne reconnaît pas le droit d’exister à Israël, refuse de renoncer à la violence des positions qui ont provoqué des divisions intra-palestiniennes».
Il défend les accords d’Abraham, «qui jettent de nouvelles pistes de relation entre des pays arabes et Israël, dans un environnement plus propice et sur des bases solides de sécurité et de stabilité, qui d’après lui, ont été mis en danger par «des attaques barbares et des violences sexuelles plus barbares».
Les bombardements massifs des écoles et des hôpitaux sont justifiés, à en croire le représentant hongrois, par le fait que le Hamas «utilise ces infrastructures et les civils comme bouclier».
Lui aussi demande le rejet de la procédure par la CIJ, arguant du fait qu’elle «pourrait contribuer à l’escalade du conflit tout comme cette autre procédure introduite par l’Afrique du Sud contre Israël». La Hongrie trouve que la plainte sud-africaine peut être considérée comme une provocation qui ne joue pas en faveur d’une désescalade et pourrait renforcer «les lignes de division».
L’intervenant reconnaît à la Cour sa compétence à statuer sur des demandes d’avis, mais il lui demande «de refuser cette fois-ci, du fait que les questions soumises évoquent la politique israélienne qui comprend un vaste champ de sens», ajoutant : «C’est le Conseil de sécurité qui a la responsabilité du maintien de la sécurité et la paix.
Si la Cour donne sa lecture, ce sera des réponses politiques et non pas juridiques. Or, cela ne relève pas des prérogatives d’une juridiction.» Le reste des intervenants tranchent totalement avec ces trois plaidoiries.
Ainsi, la Chine défend foncièrement la Palestine. Intervenant en son nom, Ma Xinmin, conseiller juridique du ministère chinois des Affaires étrangères chinois, réitère «le soutien de Pékin à l’Etat de droit et au droit international et soutient la juste cause des Palestiniens». Il rappelle : «Après la Seconde Guerre mondiale, de nombreux peuples ont lutté contre le colonialisme, y compris par la violence.
Cela ne peut pas être considéré comme du terrorisme», puis souligne : «Israël est un colonisateur. Les Palestiniens ont le droit à la résistance en vertu du droit international, y compris à la lutte armée, qui dans ce contexte se distingue des actes terroristes.»
«Cette agression doit cesser !»
Le Japon rappelle, quant à lui, que «l’occupation de territoires par la force est strictement prohibée par le droit international», puis «rejette catégoriquement l’argument de la légitimité qui donne le droit à Israël d’annexer un territoire par la force». La même position est exprimée par la Jordanie, qui déclare : «Cette agression doit cesser immédiatement.
Ses auteurs doivent être poursuivis. Israël agit en violation du droit international en tout impunité. Israël agit, et a été autorisé à agir, au mépris total du droit international. Cela ne peut pas continuer. La colonisation est la source de tous les maux.» Très poignante, la plaidoirie de l’ambassadeur du Koweït, Ali Al Dafiri, à deux reprises, il s’arrête pour essuyer ses larmes et retenir ses sanglots. «Le droit international n’a jamais été respecté en Palestine.
Pourtant les violations et les crimes internationaux commis par Israël ont été largement documentés par l’ONU.» Le diplomate détaille toutes les violations du droit international, avant d’exhorter la CIJ à mettre fin à «des décennies d’injustice et de déclarer illégale l’occupation sioniste des territoires palestiniens.
Pourquoi la victime continue-t-elle d’être présentée comme le tueur» ? Abondant dans le même sens, le représentant de la Malaisie déclare que «les Palestiniens subissent une punition collective d’une nature extrêmement brutale». Le ministre de la Justice namibien rappelle «le génocide commis par l’Allemagne et l’apartheid» vécus par son pays et fait le parallèle avec l’histoire et la souffrance des Palestiniens.
Le représentant de la Namibie «demande à la Cour de fixer un délai strict au cours duquel Israël doit être invité par l’Assemblée générale à mettre fin à l’occupation sans conditions». De son côté, la Norvège rappelle que «l’annexion d’un pays est prohibée quelle qu’en soit la forme» et que «la colonisation israélienne viole le droit des Palestiniens à l’autodétermination».
Représenté par son ministre de la Justice, Iran Aslam, le Pakistan trouve que «cette procédure a lieu alors qu’un peuple qui a vécu une persécution quotidienne depuis plus d’un demi-siècle, lutte pour sa survie».
Elle est aussi un espoir de liberté pour le peuple palestinien, puis demande à la Cour de constater que «la colonisation israélienne revient à une annexion de fait du territoire palestinien et de ne pas tenir compte des conséquences pratiques de la décolonisation».
Pour lui, «le départ d’un million de colons français de l’Algérie au moment de son indépendance en 1962 a eu des conséquences bien plus importantes de ce point de vue».
L’Egypte qualifie l’occupation israélienne de «violation continue du droit international» et explique que «les conséquences de cette colonisation prolongée sont claires et il ne peut y avoir ni paix, ni stabilité, ni prospérité sans le respect de l’Etat de droit», a déclaré Jasmine Moussa, conseillère juridique au ministère des Affaires étrangères.
France : «Israël doit cesser de violer le droit des palestiniens»
De son côté, la France, estime «qu’Israël doit cesser de violer le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et réparer les dommages causés aux Palestiniens». Par la voix de son directeur des affaires juridiques du Quai d’Orsay, elle évoque les conséquences en disant : «Il en résulte pour tous les Etats une obligation de non-reconnaissance de toute situation créée en violation grave du droit international.
Toute forme d’annexion, y compris partielle, ne saurait ainsi être reconnue au regard du droit international. A cet égard, dans les territoires palestiniens occupés, comme partout ailleurs, la France ne reconnaîtra jamais l’annexion illégale de territoire.» Le responsable réitère le «soutien constant» de son pays «à une solution négociée à deux Etats» et plaidé pour «une relance décisive et crédible» du processus de paix.
Le Qatar : «L’ordre international est en péril»
Représenté par Mutlaq al-Qahtani, le Qatar affirme : «L’ordre international est en péril ! La paix ne peut être garantie que par le respect du droit international, appliqué de manière universelle, sans double standard.» Dénonçant «une occupation illégale et un apartheid», il conclut : «Les atrocités que commet Israël contre les Palestiniens constituent la plus grande menace pour la paix et la sécurité internationales.» Le Qatar rejette par ailleurs, ce qu’il qualifie de « deux poids, deux mesures.
Le droit international doit être respecté en toutes circonstances. Il doit s’appliquer à tous et il doit y avoir une responsabilisation» ajoutant : «Certains enfants sont jugés dignes de protection, tandis que d’autres sont tués par milliers.» Pour Al Qahtani Israël «a mis en place un régime d’apartheid pour maintenir la domination des juifs israéliens sur les Palestiniens», précisant par ailleurs, que «l’occupation illégale viole le droit du peuple palestinien à l’autodétermination».