A travers la journée d’étude et d’information sur «Les répercussions sanitaires et économiques du modèle nutritionnel actuel», la Fédération algérienne des consommateurs tire la sonnette d’alarme sur un sujet qui inquiète autant la société que les autorités dont, en premier lieu, les responsables du secteur sanitaire.
La rencontre a eu lieu avant-hier mardi 29 mars à l’hôtel Rodina avec au programme une série d’interventions sur les divers aspects liés à la consommation mais aussi la signature d’un mémorandum d’entente entre la Fédération des consommateurs et l’association des laboratoires d’analyse de la qualité.
Pour Zaki Hariz, président de la Fédération, il s’agit de «sauver ce qui reste à sauver» face à la recrudescence des maladies liées à la malnutrition. Il cite principalement les 5 millions de diabétiques recensés officiellement en Algérie et les 60 000 cas de cancers dépistés chaque année pour montrer l’ampleur du phénomène et la nécessité d’agir pour freiner sa croissance.
«Ce genre de maladies ne touchent désormais pas seulement les personnes d’un certain âge mais aussi des enfants», s’inquiète-t-il privilégiant ainsi le principe de précaution qui reviendrait beaucoup moins cher que les dépenses en soins. «Il y a toujours des moyens d’action qui permettraient de réduire ou de substituer aux produits dangereux entrant dans la transformation, comme le sucre blanc ou les graisses saturées et d’autres aditifs chimiques, des produits moins nocifs.»
L’argument avancé est que même les pays les plus développés sont en train de revenir à une alimentation plus saine, donc moins transformée et contenant moins d’additifs quitte à perdre en saveur. A ce sujet, il n’est pas inutile de rappeler que des études ont déjà montré qu’à cause justement du modèle nutritionnel dominant dans un pays développé comme les Etats-Unis d’Amérique, l’espérance de vie a commencé à baisser. «En Algérie, nous sommes dans une phase de transition», explique Djilali el Mestari, chercheur et ancien directeur du Crasc.
Pour lui, le modèle nutritionnel de type méditerranéen et traditionnel qui a prévalu en Algérie a changé. Partisan de l’Etat social, il considère néanmoins en introduction que «la politique des subventions en vigueur en Algérie doit être non pas remise en cause, mais révisée dans le sens de la préservation de la santé de la population en réfléchissant à mettre en place des mécanismes alternatifs.»
Pour illustrer ses propos sur la transition qui caractérise les habitudes alimentaires des Algériens, il se base sur une étude menée à l’ouest du pays auprès d’une population de jeunes (étudiants notamment) pour sortir avec quatre catégories de consommateurs.
La catégorie des consommateurs classiques (alimentation dominée par les plats traditionnels, les légumes, etc.) représente 21% de l’échantillon pris en compte. En face, la catégorie des jeunes (moins de 25 ans, en majorité des femmes résidant dans les chefs-lieux des wilayas) qui privilégient presque exclusivement un modèle d’alimentation dit «moderne» (sandwichs, fritures et autres menus des fast-foods, etc.) représente 37% de l’échantillon.
Entre les deux, on retrouve les jeunes des agglomérations suburbaines à cheval entre les deux modèles (18,5%) et, enfin, une population légèrement plus âgée, consciente des enjeux et soucieuse de sa santé, qui fait attention à ce qu’elle mange (22,83%).
Pour l’universitaire, l’étude n’est pas exhaustive mais donne déjà un aperçu des changements d’habitudes qui s’opèrent au sein de la population. Dans son intervention, le représentant du ministère du Commerce a mis en avant les efforts de l’Etat pour subventionner les produits de large consommation afin d’aider les couches les moins favorisées de la société, les aides accordées à l’instar de la prise en charge des dépenses liées au transport vers le Sud du pays, mais aussi la lutte contre la spéculation, le contrôle du marché et la lutte contre le gaspillage alimentaire. La rencontre est d’autant plus pertinente qu’elle est organisée la veille du mois de Ramadhan où on enregistre habituellement une surconsommation.
Paradoxalement, c’est le mois où, relève un participant, «les repas sont équilibrés et complets mais c’est également le mois où la cherté des fruits (notamment cette année) pousse les gens à consommer plus de produits de substitution comme les jus, les boissons gazeuses et autres produits à forte teneur en sucres, etc.»
La question du pouvoir d’achat a été évoquée lors de cette journée. Sinon, pour une meilleure sensibilisation sur le sujet, beaucoup d’interventions au programme devaient porter sur les facteurs de risques et les maladies causées par l’adoption de modèles alimentaires non respectueux de la prévention sanitaire.
Les organisateurs ont également trouvé utile d’associer à cette rencontre des professionnels du domaine de l’agroalimentaire.