Fédération algérienne de football : Quelle place pour la formation ?

02/10/2023 mis à jour: 23:16
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La Fédération algérienne de football (FAF) vient de connaître son troisième président, pour un même mandat olympique. Le nouveau responsable est élu pour une période de 18 mois, l’obligeant à des solutions d’urgence, pour permettre essentiellement à notre EN de préparer les prochaines joutes qualificatives, dans la sérénité et avec les moyens nécessaires, pour renforcer les chances d’une participation honorable, correspondant au statut de l’équipe. Dans son programme annoncé, le nouveau président de la FAF a rappelé que la formation était du ressort des clubs et non de l’instance fédérale. 
 

C’est son avis qui peut être respecté lorsqu’il est argumenté, bien que certains de ses prédécesseurs avaient un avis différent, puisqu’ils avaient fait de la formation un des principaux axes de leurs politiques. Le nouveau patron de la FAF a le droit de penser que la formation relève des prérogatives des clubs, mais il ne faut pas qu’il oublie que la responsabilité du développement du football national incombe à la fédération qui n’a pas pour mission unique de «préparer» et servir l’Equipe nationale. 

Cette dernière doit normalement être l’émanation du football national, bien qu’il soit légitime de la renforcer par des joueurs performants issus de l’émigration. J’ai eu le privilège d’encadrer médicalement les sélections nationales juniors puis seniors des années 70-80, et je peux témoigner que ces équipes traduisaient parfaitement l’état de notre sport-roi national, dont la performance (qualifications pour le mondial juniors de Tokyo 1979, d’Espagne 1982 et du Mexique 1986) était le résultat d’une politique sportive entreprise intelligemment par les responsables du secteur de l’époque. Les joueurs professionnels, en ces temps, ne cherchaient pas une plus-value à travers leurs sélections en EN, mais s’engageaient pour l’amour de leur patrie d’origine, parfois même avec des risques pour leurs carrières. 

Des joueurs comme Mustapha Dahleb et Abdel Djadaoui, capitaines respectifs de leurs équipes (PSG et Sochaux) ont même été confrontés à des sanctions financières, pour avoir rejoint la sélection nationale sans l’accord de leurs dirigeants, acceptant de payer les amendes, sans exiger de la FAF le remboursement des frais engagés. Il est vrai que les temps ont changé et la notion d’engagement patriotique n’a plus la même importance, mais la logique sportive voudrait que l’EN soit le chapeau représentatif du football national. 

Dans ce cadre, la formation devient une priorité absolue, pour toute équipe dirigeante tutélaire. L’organisation de ce volet important de la politique sportive relève des prérogatives et missions de la FAF. Cette dernière doit définir les modalités de prise en charge des établissements de formation, que ce soit à la fédération même ou au niveau des clubs, avec un cahier des charges et une grille d’évaluation. J’ai suivi un récent débat sur la radio Chaîne III, entre le journaliste Maâmar Djebour et le technicien Toufik Korichi,et je rejoins parfaitement la conception défendue par le journaliste (pourtant, ça n’a pas été toujours le cas) qui avait rappelé que l’organisation du football relevait des missions de la FAF. La santé de notre sport-roi n’est pas représentée par la seule sélection nationale des seniors composée presqu’exclusivement de joueurs issus de la formation étrangère. Faut-il rappeler que le niveau atteint par le football français est essentiellement le résultat de la politique de formation entreprise sous la conduite de l’instance fédérale du pays. 

L’excès de politisation du sport, en général, et du football, en particulier, a poussé certains dirigeants sportifs à ne rechercher que le résultat immédiat, même si cela doit coûter une fortune, en monnaies étrangères (paiement des acteurs sélectionnés). Notre football est malade de l’absence d’une politique réfléchie et rationnelle. 

Le professionnalisme a été entrepris de façon précipitée et anarchique, sans cahier des charges définissant les critères ni un système d’évaluation pour permettre d’apporter les corrections nécessaires. J’ai eu le privilège de faire partie de la première instance chargée d’étudier les modalités d’accès au statut de professionnel mise en place par Mouldi Aissaoui, ministre de la Jeunesse et des Sports, groupe de réflexion composé de personnalités expérimentées, qui n’a malheureusement pas pu poursuivre son travail, après le changement opéré à la tête du secteur de tutelle. C’est ainsi que le professionnalisme a été décidé de façon précipitée, occasionnant des pertes financières énormes, sans aucun signe de promotion palpable de notre discipline reine. 

Le PAC d’Hydra, créé et dirigé par une famille d’entrepreneurs privée, est le seul club qui a mené une politique de formation rationnelle, lui accordant le privilège d’exporter des joueurs talentueux, tout en évoluant honorablement parmi l’élite nationale à moindre coût, par rapport à d’autres clubs.

 Le professionnalisme débridé, qu’un choix précipité et irréfléchi a imposé, occasionne des dépenses faramineuses, sans résultat satisfaisant sur la qualité de notre football. L’équipe dirigeante nouvellement élue doit avoir, comme priorité, la révision de ce statut de professionnel en fixant les critères normatifs et en établissant un cahier des charges, comme exigence de satisfaction pour les clubs candidats. 

La contribution financière de l’Etat et de ses institutions ne doit pas servir à verser des salaires irrationnels. Un plafonnement des rétributions financières à offrir aux acteurs sportifs doit être imposé, pour ce qui concerne les apports étatiques. Les clubs doivent apprendre à s’autofinancer s’ils veulent répondre aux normes du professionnalisme.
 

Je voudrais également m’exprimer sur le déficit en matière de diplomatie sportive, lequel est largement à l’origine du retrait des candidatures algériennes, pour l’organisation des deux prochaines éditions de la CAN. 
 

Les pays concurrents ont une représentation plus forte au niveau des instances internationales, grâce à une organisation et une implication plus ample et plus performante. Lors du mandat olympique 2009-2013, au cours duquel j’ai eu l’honneur de présider le COA, nous avions initié, avec le concours du ministère des Affaires étrangères, une journée d’étude, avec la contribution d’experts nationaux et internationaux, pour définir une politique en matière de représentation sportive internationale. 

Des critères de candidatures à différents niveaux (international, continental, régional) et sur les commissions spécialisées, devaient être déterminés, ainsi qu’une commission d’étude des candidatures, mixte (secteur des sports, affaires étrangères). 

Malheureusement, le projet a été neutralisé par les responsables du ministère de la Jeunesse et des Sports, au prétexte que cette mission ne relevait pas des prérogatives du Comité olympique, tout en refusant qu’elle se concrétise sous l’autorité du MJS. L’Algérie, dans le domaine de la présence internationale, est largement en retard, par rapport à ses possibilités matérielles et humaines. Elle est victime, à la fois, de la léthargie des responsables du secteur et de l’égoïsme des prétendants à la représentation internationale. Le cas de Aziz Derouaz, empêché par les siens de concourir au poste de président de la Fédération internationale de handball, malgré le soutien initial du COA sous ma présidence, est édifiant. Il a été victime d’un choix égoïste de la part de ses propres compatriotes. 

L’absence d’une politique de diplomatie sportive, d’une part, et d’une politique de formation sérieuse, d’autre part, constitue l’obstacle majeur du développement de notre sport en général et de notre football, en particulier. Les prestations de notre EN grâce à l’apport de la formation étrangère ne doivent pas être le tamis qui cache le soleil. Une nouvelle réforme est peut-être nécessaire.


Par Pr. Rachid Hanifi 

Ex. membre du Bureau fédéral et de l’Assemblée générale de la FAF
Ex. médecin des équipes nationales juniors et seniors de football
Ex. président du Comité olympique algérien
 

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