Exportations d'armes vers Israël : Des experts de l’ONU appellent à un embargo

25/02/2024 mis à jour: 06:56
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Israël a tué près de 30 000 Palestiniens avec les armes livrées par les Occidentaux - Photo : D. R.

«Tout transfert d'armes ou de munitions vers Israël, qui seraient utilisées à Ghaza, est susceptible de violer le droit international humanitaire  et doit cesser immédiatement» ont averti vendredi dernier, à partir de Genève, une vingtaine d’experts onusiens, et mis en garde tous les Etats, qui selon eux, «ne doivent pas se rendre complices de crimes internationaux par le biais de transferts d'armes».

Une vingtaine d’experts onusiens des droits de l’homme ont appelé vendredi dernier, à partir de Genève, les Etats à «arrêter immédiatement les exportations d'armes vers Israël» et averti que «tout transfert d'armes ou de munitions vers Israël, qui seraient utilisées à Ghaza, est susceptible de violer le droit international humanitaire et doit cesser immédiatement».

Dans un communiqué commun, ils ont rappelé que «tous les Etats doivent assurer le respect du droit international humanitaire par les parties à un conflit armé, comme l'exigent les Conventions de Genève de 1949 et le droit international coutumier». Pour eux, «les Etats doivent donc s’abstenir de transférer des armes ou des munitions – ou des pièces détachées – si l’on s’attend, compte tenu des faits ou des comportements passés, à ce qu’elles soient utilisées pour violer le droit international».

Ils ont noté que «ces transferts sont interdits, même si l’Etat exportateur n’a pas l’intention que les armes soient utilisées en violation de la loi – ou ne sait pas avec certitude qu’elles seraient utilisées de cette manière – à condition qu’il existe un risque évident». Les signataires ont salué la décision de la Cour d'appel néerlandaise du 12 février 2024, ordonnant aux Pays-Bas de suspendre l'exportation de pièces détachées d'avions de combat F-35 vers Israël.

Le tribunal a avancé l’existence d’un «risque évident» que les pièces soient utilisées pour commettre ou faciliter de graves violations du droit international humanitaire, car, dit-il, «il existe de nombreuses indications selon lesquelles Israël a violé le droit humanitaire de la guerre dans un nombre non négligeable de cas».

Le tribunal a argumenté sa décision en se basant sur le bilan chaotique de la guerre menée par l’entité sioniste à Ghaza, et les preuves de l’utilisation prolifique de «bombes stupides et imprécises», des attaques «délibérées, disproportionnées et aveugles, l’incapacité à avertir les civils des attaques ; et des déclarations incriminantes de la part de commandants et de soldats israéliens. Un constat qui fait dire aux experts onusiens, qu’Israël a manqué à plusieurs reprises de se conformer au droit international».

De ce fait, ils ont souligné que «les Etats parties au Traité sur le commerce des armes ont des obligations supplémentaires de refuser les exportations d’armes s’ils savent que les armes seraient utilisées pour commettre des crimes internationaux, ou s’il existe un risque majeur que les armes transférées puissent être utilisées pour commettre de graves violations du droit international humanitaire». Les Etats membres de l’Union européenne sont en outre «liés par la loi européenne sur le contrôle des exportations d’armes».

Nécessité d’un «embargo» sur les armes

Les signataires du communiqué, ont mis en avant que «la nécessité d'un embargo sur les armes contre Israël est renforcée par l’arrêt de la CIJ (Cour internationale de justice), du 26 janvier 2024, selon lequel il existe un risque plausible de génocide à Ghaza et les graves dommages causés aux civils depuis lors».

Ils rappellent en outre, que «la Convention sur le génocide de 1948 exige que les Etats parties emploient tous les moyens raisonnablement à leur disposition pour prévenir autant que possible le génocide dans un autre Etat. Dans les circonstances actuelles, cela nécessite l'arrêt des exportations d'armes», puis saluent la suspension des transferts d'armes vers Israël par la Belgique, l'Italie, l'Espagne, les Pays-Bas et la société japonaise Itochu Corporation», et fait savoir que «l’Union européenne a également récemment découragé les exportations d’armes vers Israël».

A ce titre, ils ont exhorté «les autres Etats à suspendre immédiatement les transferts d’armes vers Israël, y compris les licences d’exportation et l’aide militaire», en précisant que «les Etats-Unis et l’Allemagne sont de loin les plus grands exportateurs d’armes et leurs livraisons ont augmenté depuis le 7 octobre 2023.

Parmi les autres exportateurs militaires, figurent la France, le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie». Pour les experts onusiens, l’obligation du «respect du droit humanitaire s’applique en toutes circonstances, y compris lorsqu’Israël prétend lutter contre le terrorisme. Les renseignements militaires ne doivent pas non plus être partagés lorsqu’il existe un risque évident qu’ils soient utilisés pour violer le droit international humanitaire». 

Ils mettent en garde «les responsables de l'Etat impliqués dans les exportations d'armes» qui d’après eux «peuvent être individuellement responsables pénalement pour avoir aidé et encouragé des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des actes de génocide. Tous les Etats, en vertu du principe de compétence universelle, ainsi que la Cour pénale internationale, pourraient être en mesure d'enquêter et de poursuivre de tels crimes».

Dans leur déclaration, les signataires rappellent «que le devoir de garantir le respect exige que tous les Etats fassent tout ce qui est raisonnablement en leur pouvoir pour prévenir et mettre fin aux violations du droit international humanitaire par Israël, en particulier lorsqu'un Etat exerce une influence à travers ses relations politiques, militaires, économiques ou autres.

Les mesures pourraient inclure : dialogue diplomatique et protestations, saisine du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale de l’Onu, des procédures devant la CIJ, soutien aux enquêtes de la CPI (Cour pénale internationale) ou d’autres mécanismes juridiques internationaux, enquêtes pénales nationales utilisant la compétence universelle et les poursuites civiles (...) La plupart de ces mesures sont également pertinentes pour remplir le devoir de prévenir le génocide».

Les experts ont déclaré, par ailleurs, que les sociétés d’armement qui contribuent à la production et au transfert d’armes vers Israël et les entreprises qui investissent dans ces sociétés «assument leur propre responsabilité de respecter les droits de l’homme, le droit humanitaire international et le droit pénal international.

Elles n’ont pas fait preuve publiquement de la diligence accrue qui leur était demandée en matière de droits de l’homme et risquent par conséquent de se rendre complices de violations». Et de conclure : «Le droit international ne s’applique pas tout seul. Tous les Etats ne doivent pas se rendre complices de crimes internationaux par le biais de transferts d'armes. Ils doivent faire leur part pour mettre fin de toute urgence à la catastrophe humanitaire incessante à Ghaza.»

Allemagne : Une plainte contre le gouvernement pour complicité de génocide

Un groupe d’avocats allemands représentant les familles de deux habitants de Ghaza a déposé une plainte contre des membres du gouvernement allemand, pour «complicité de génocide», en raison du transfert d'armes à Israël, malgré l'ordonnance de la CIJ du 26 janvier. L’Allemagne fait partie des pays qui exportent de l’armement vers Israël, les USA en premier, suivis de la France, du Royaume-Uni, du Canada et de l’Australie, pour ne citer que ceux-là.

Depuis la décision de la CIJ, la Belgique, les Pays-Bas, l’Italie, l’Espagne et le Japon ont suspendu leurs exportations d’armes vers Israël, alors que la France, par la voix du porte-parole adjoint du Quai d’Orsay, Christophe Lemoine, a déclaré, jeudi dernier, qu’elle «ne comptait pas cesser ses ventes marginales à Israël qui ne représentent que 0,1 % du total des exportations françaises de matériel de guerre pour 2022».

Pourtant en 2022, le rapport soumis par le ministère français des Armées au Parlement faisait état de 200 millions d’euros d’exportations d’armement entre 2013 et 2022 vers Israël qui incluent des bombes, des torpilles, roquettes, missiles, autres dispositifs, charges explosives, matériels et accessoires connexes et leurs composants.

A cette liste, s’ajoutent des systèmes de hautes technologies de guidage des missiles et des bombes ainsi que des pistolets mitrailleurs. Aujourd’hui, avec les dérives génocidaires de l’entité sioniste, les pays qui alimentent celle-ci en armement risquent de se retrouver au banc des accusés, poursuivis pour «complicité de génocide». S. T.

 

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