Espèce en déclin : Le printemps est là mais pas les hirondelles !

27/03/2023 mis à jour: 12:00
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Photo : D. R.

Mais où sont passées les hirondelles ? Alors qu’elles envahissaient, autrefois, notre ciel, ces dernières sont de plus en plus timides, ce qui témoigne du mauvais état de la biodiversité dans le monde.

Que ce soit en Europe ou en Afrique, les hirondelles ont vu leurs effectifs chuter. En effet, cette baisse continue des populations d’hirondelles ne date pas d’hier puisque nous sommes confrontés à une baisse générale du nombre d’oiseaux dans les villes comme dans les campagnes.

A cet effet, Riadh Moulaï, directeur du laboratoire de zoologie appliquée et d’écophysiologie animale de la faculté des sciences de la nature et de la vie à l’université de Béjaïa explique que la diminution du nombre d’hirondelle n’est pas un phénomène récent : «D’ailleurs, ces gracieuses annonciatrices de printemps sont en net déclin en Europe (diminution de 20 à 50% des effectifs européens depuis 1970 pour les hirondelles rustique).

Pour l’Algérie, la diminution est constatée, mais non appréciée de façon scientifique.» Sachant qu’avant tout, il est nécessaire de distinguer les différentes espèces d’hirondelles qu’on peut observer en Algérie. Et les raisons de ce déclin sont multiples.

Selon M. Moulai, il y a d’abord la baisse de la ressource alimentaire, et cela, en raison de l’emploi de grandes quantités d’insecticides et de pesticides par l’agriculture intensive.

Le déclin de l’espèce va donc de pair avec la modification des pratiques agricoles, surtout que les hirondelles se nourrissent quasi-exclusivement d’insectes en vol comme le plancton aérien. «Désormais, l’hirondelle a de plus en plus de mal à remplir son gosier au printemps, soit à la période où elle a le plus besoin après la migration.» De facto, elle a donc également du mal à nourrir ses petits ou encore faire des réserves pour la migration post nuptiale, qui coïncide avec le début de l’été et cela en raison de l’emploi abusif de pesticides.

En second lieu, il y a la raréfaction des zones d’habitat rural traditionnel. En effet, selon M. Moulai, la destruction des nids, en partie à cause de la menace de grippe aviaire, est également une des raisons du déclin des hirondelles.

De plus, M. Moulai explique que de nombreuses petites fermes et granges traditionnelles, munies d’orifices d’aération convenant à sa nidification, disparaissent ou sont transformées en habitations et garages hermétiques, là où l’urbanisation a pris le pas sur la ruralité.

Le chercheur précise d’ailleurs que la disparition de bâtiments ouverts ainsi que le ravalement de façades ont également joué un rôle dans ce déclin. Par ailleurs, et selon le chercheur, le déclin des hirondelles est aussi fortement lié aux zones humides.

A cet effet, il explique : «En Algérie, en période de préparation de la migration vers l’Afrique sub-saharienne, les hirondelles rustiques aiment se rassembler en d’immenses dortoirs nocturnes établis sur les roselières aux abords des zones humides et des grands oueds. Mais avec la raréfaction des zones humides et la destruction des roselières, ces dortoirs sont devenus de plus en plus rares, ce qui peut affecter le processus de migration.» Autre paramètre important, c’est le réchauffement climatique.

En effet, selon le spécialiste, les changements climatiques ont rendu la traversée du Sahara plus longue et dangereuse. «Le réchauffement climatique a rendu les hivers plus secs, et cela n’est pas sans conséquences sur les hirondelles. Elles ont de plus en plus de mal à trouver de la boue pour leur nid quand elles arrivent. De plus, les hirondelles migratrices arrivant de plus en plus tôt et se retrouvent affamées car les insectes dont elles se nourrissent ne sont pas encore sortis», explique M. Moulai.

Différentes espèces

A noter qu’il existe six espèces d’hirondelles en Algérie. Quatre migratrices et deux sédentaires. Ces deux dernières sont représentées par l’hirondelle de rocher (Ptyonoprogne rupestris) qui se reproduit dans les zones rocheuses du nord du pays et l’hirondelle isabelline (Ptyonoprogne fuligula) qui niche dans les sites rocheux du Sahara algérien. Pour les espèces migratrices, M. Moulai précise que deux sont de passage sur les zones littorales du pays, à savoir l’hirondelle de rivage (Riparia riparia) et l’hirondelle rousseline (Cecropis daurica).

«Les deux dernières sont des nicheurs migrateurs, c’est-à-dire qu’elles passent la mauvaise  saison dans leur quartier d’hiver en Afrique, essentiellement en Afrique sub-saharienne, entre le Nigeria et l’Afrique du Sud, et au printemps, elles reviennent se reproduire en Afrique du Nord», ajoute le spécialiste. Il s’agit de l’hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum) et de l’hirondelle rustique ou de cheminée (Hirundo rustica).

Si l’hirondelle de fenêtre a su tirer son épingle du jeu en ne subissant pas un déclin flagrant ces dernières années chez nous en Algérie, ce n’est pas le cas de l’hirondelle rustique, dont la population connait une diminution notable, et ce, «à partir de la fin des années 80, selon des observations personnelles effectuées dans la frange nord du pays», ajoute M. Moulai. Pour ce qui est de l’hirondelle de fenêtre, celle-ci est plus opportuniste dans le choix de ses sites de reproduction et surtout dans le choix de ses sites d’alimentation.

En effet, cette dernière peut établir ses nids en colonies en plein tissus périurbain ou même urbain dans les cités. Mais ce n’est pas le cas de l’hirondelle de cheminée qui est plus exigeante dans le choix de ses lieux de reproduction, d’alimentation, de repos ou même de ses dortoirs. «L’hirondelle de cheminée fait donc l’objet du déclin.

D’ailleurs, je me rappelle de la période où je voyais, à partir du mois de juin des années 80, des rassemblements post-reproducteurs de dizaines d’hirondelles rustiques posées sur les fils téléphoniques ou sur les fils électriques et sur les hauteurs d’Alger. Malheureusement, ce n’est plus vraiment le cas en ces temps présents», conclut Riadh Moulai.

 

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