Espace culturel Bachir Mentouri à Alger : Deux femmes au parcours différent

09/03/2022 mis à jour: 00:11
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De gauche à droite : Radia Soulane Boutouil, Lamia Kassimi et Fouzia Laradi / Photo : H. Lyès

Dans le cadre des activités de «Mars au féminin», l’espace culturel Bachir Mentouri a organisé, lundi dernier, une rencontre  intitulée « Des femmes  et des parcours ».

Deux femmes au profil différent  mais animées par la même passion de leur métier se sont relayées sur l’estrade de l’espace culturel Bachir Mentouri pour parler de  leur parcours respectifs.  La conférence a été modérée par  Fouzia Laradi,  poétesse,  écrivaine et attaché culturelle auprès de l’Etablissement Art et Culture.

Cette rencontre a été étrennée par Lamia Kassimi,  directrice de la revue Essiyahi. Sur un ton nostalgique, elle se souvient que l’espace qui l’accueille, aujourd’hui même, lui fait rappeler de bons souvenirs. Un espace qui abritait, jadis, la médiathèque d’Art et Culture avec son espace internet. 

C’était en 1999 alors qu’elle était étudiante.  «Quand nous étions étudiants, dit-elle, nous avions vécu une période difficile durant la décennie noire. La peur était devenue un défi, surtout que ma spécialité à l’université était la communication. Pour rappel, les intellectuels et les journalistes étaient directement menacés par le terrorisme. Beaucoup sont morts d’ailleurs. Par ailleurs, quand j’étais à l’université je me disais pourquoi la jeunesse étrangère éprouve un véritable plaisir de découvrir  son pays.»

Cette passionnée d’art au pluriel  a  effectué sa première visite au musée du Bardo à Alger en 1988 alors qu’elle était étudiante. Cette  petite excursion en groupe l’a tellement subjuguée qu’une idée a grandi dans son esprit : celle de découvrir  notre tourisme, qui, selon elle, fait partie intégrante de notre histoire.

Tout en étant étudiante, Lamia Kassimi a collaboré dans plusieurs journaux algériens. Une fois  son diplôme universitaire en poche, elle fait face au chômage un certain temps avant de rejoindre certaines rédactions en qualité de chef de rubrique de la culturelle.

Après une longue période de léthargie et après une amélioration de la sécurité dans le pays, Lamia Kassimi marque son retour en force dans le milieu culturel et touristique à la fois. Son but premier était alors de faire découvrir les régions algériennes.

Elle soutient qu’au cours de tous les voyages effectués, une question l’a taraudée : pourquoi le tourisme n’est-il pas développé en Algérie ?

A l’âge de 25 ans, elle décide de lever le pied quelques années de sa passion pour le tourisme, pour fonder une famille. Mais cela ne l’a pas empêché d’être productive en publiant des livres et en collaborant dans un hebdomadaire arabophone.

Elle reprend le chemin de l’université pour poursuivre des études supérieures poussées. C’est là qu’elle décide de créer  une revue spécialisée dans le tourisme, Essiyahi. «J’avais constaté, explique-t-elle, que les éditeurs n’accordaient pas tellement d’importance à ce secteur alors que le potentiel existait».

Soutien de l’état pour le tourisme

Lamia Kassimi reconnait que depuis dix ans, un changement s’est opéré dans l’esprit de l’Algérien en direction du tourisme. «L’Algérien prépare un budget spécial pour ses vacances.

Il choisit sa destination, même  les jeunes pensent à faire des safaris. Nous ne pouvons pas concevoir le tourisme sans, entre autres, le transport, la sécurité et sans le soutien de l’Etat»,  martelle-t-elle. Pour sa part, Radia Soulane Boutouil, diplômée en tourisme et guide free-lance agréée est revenue sur son  long et riche parcours.

D’emblée, elle précise  que quand elle fait n’importe quelle visite, que ce soit à la Casbah ou ailleurs, ce n’est pas juste faire une visite et oublier. C’est la découverte. C’est connaitre son histoire et celle de ses aïeux.

Radia Soulane Boutouil a entamé des études en médecine qu’elle a abandonnées très vite au profit du tourisme. Elle découvre un nouveau monde. N’empêche  qu’elle a réussi, c’est du moins ce qu’elle affirme sur un ton fier. «Parce que dans le tourisme, il faut avoir de l’audace. Nous vivons dans un pays  conservateur», arguë-t-elle.

Elle fait ensuite un petit rappel sur l’histoire de la Casbah d’Alger. Elle soutient que la Médina d’Alger est unique en son genre. Elle a été refondée sur les ruines romaines d’Icosium par Bologhine Ibn Ziri Essanhadji en l’an 950 de notre ère, et reconnue comme patrimoine mondial de l’humanité en 1992 par l’Unesco. Cette femme guide free-lance certifiée a été formée par le regretté Riad Boufedji, un passionné pour le métier de guide.

Ce dernier, à l’époque, conseillait à ces jeunes élèves de ne pas faire dans le parcœurisme. Il se plaisait à les faire sortir de l’institut pour les ramener à la Casbah, Bab J’did. Ces élèves se devaient de montrer ce qu’ils savaient sur le terrain, mais ignoraient qu’ils étaient en pleine évaluation.

Notre interlocutrice reconnait que c’est grâce à son professeur Riad Boufedji qu’elle a commencé à aimer ce métier et qu’elle s’est perfectionnée au fil du temps. Radia Soulane Boutouil révèle que la plupart des Algériens ne sont pas attentionnés envers le patrimoine, encore moins vis-à-vis du métier de guide.

Peu d’importance pour le métier de guide

Certaines personnes sont intéressées par des visites, mais rares sont celles qui demandent le programme. Un guide, selon elle, doit être formé. Il se doit de connaitre l’histoire de son pays à travers les époques.

Elle ne mâche pas ses mots pour affirmer que certaines personnes se proclament  guides touristiques alors qu’elles n’ont aucun diplôme, encore moins une qualification. «Ils se permettent de prononcer  deux ou trois mots sur l’histoire de la Casbah et voilà qu’ils se proclament et se retrouvent guide par enchantement. Alors que la  profession de guide touristique est réglementée par le ministère du Tourisme, de l’Artisanat et du Travail familial qui donne un agrément et une carte professionnelle au concerné. Ce dernier se doit de présenter ces documents à l’entrée des sites historiques ou encore des musées à visiter»,  éclaire-t-elle.

L’oratrice regrette que la jeunesse ne s’intéresse pas au métier de guide. Elle a essayé de sensibiliser plusieurs jeunes afin de leur inculquer son savoir-faire, mais en vain. Toujours selon l’intervenante, si  l’Etat décide de donner de l’importance au métier de guide,  l’Algérie pourrait être une industrie florissante.

Si Radia Soulane Boutouil a toujours travaillé à son compte, elle planche, actuellement, sur un projet, consistant en la création d’une agence de voyage et de tourisme. 

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