Escapade dans le Fahs : Bologhine coquette ville entre mer et colline(*)

15/05/2023 mis à jour: 23:30
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Bologhine, une ancienne localité du Fahs algérois, établie entre mer et colline à seulement 3 km d’Alger, est la plus agréable et la plus élégante de toutes les villes côtières des environs d’Alger. La ville tire sa dénomination d’un des plus illustres personnages historiques de la dynastie Ziride, appelé Bologhine Ibnou Ziri Ibn Menad as-Sanhadji, le fondateur d’Alger vers le milieu du Xe siècle de l’ère chrétienne. 

centre de colonisation nommé Saint-Eugène y fut fondé en novembre 1845, dépendant initialement de Raïs Hamidou (ex-Pointe Pescade). Il sera érigé en commune de plein exercice en date du 14 septembre 1870 et, plus tard, rattaché à Alger, soit le 7 mars 1959. Fait rarissime, cette dernière localité doit son toponyme colonial, tout comme celui d'Aïn Beniane, à un haut fonctionnaire de l’administration coloniale qui se prénommait Guyot Saint Eugène.

Autrefois, agglomération de villas les unes bâties dans le style colonial au bas des collines, baignant quasiment leurs fondations dans la mer, les autres aux allures de résidences princières ottomanes, enveloppées jadis d’un massif de fleurs et de verdure, érigées au fond d’un vallon ombragé surnommé Vallée des consuls.

Zghara ou la colline ondulée

Cet ancien quartier des hauteurs d’Alger où les consuls de France, d’Angleterre, d’Amérique et de Belgique avaient, à une certaine époque, établi leurs résidences d’été, s’étend de Bab El Oued jusqu’à Z’ghara, dont l’appellation serait vraisemblablement une altération du mot berbère azaghar, signifiant plaine, pénéplaine ou colline peu ondulée, un terme opposé d’adrar qui veut dire montagne.

Sous l’ère ottomane, les représentants des nations étrangères, qui affectionnaient tout particulièrement s’échapper de l’étroitesse et de l’agitation de La Casbah, n’étaient point seuls à avoir élu domicile dans cette ravissante campagne. Cette contrée était aussi le terrain de prédilection de personnalités ottomanes et de familles bourgeoises algériennes qui dépensaient de grosses fortunes en bâtissant des résidences pleines de charme. 

Leurs jardins embaumés étaient aménagés parmi les sentiers et chemins romains, où circulaient naguère les mulets transportant des caisses de trésors à leurs maîtres. Parmi ces somptueuses propriétés mauresques, l’on citera la maison de campagne jadis habitée par le consul général de Sardaigne, auquel avait succédé le consul français Deval, décédé quelque temps après son départ d’Alger. 

Le nom de ce diplomate français n’en rappelle pas moins le souvenir de l’incident diplomatique de 1827 qui allait prendre une tournure inattendue : le fameux coup de l’éventail. C’est à partir de cette demeure historique qu’il échangeait régulièrement des signaux télégraphiques avec les bateaux français en haute mer. La dépêche qui provoqua l’invasion d’El Djezaïr en 1830, fut envoyée de cet endroit situé à Z’ghara.

La villa était réputée pour sa beauté, des chroniqueurs de l’époque rapportaient qu’avant sa démolition, cette dernière avait fait l’objet de profondes modifications. Dans son état initial, le domaine, qui accueillait cette superbe demeure, était borné au nord par le ravin boisé de Sidi Braham. 

Sa partie occidentale était délimitée naturellement par l’oued Z’ghara, dont les eaux coulent en direction de la Grande bleue. Seul vestige qui décorait anciennement son jardin et qu’on peut voir encore maintenant, le cabinet de verdure, sorte de petit tunnel végétal formé de feuillages et de ramures entrelacés qui donnait à l’endroit une grande beauté.

Elle était à l’époque agrémentée de lauriers roses et d’un grand bassin où se déversait l’eau fraîche d’une source voisine. Le terrain clos où l’on cultivait des vergers d’orangers et de figuiers ainsi que des végétaux d’ornement était aménagé en terrasses sur le penchant de la montagne. 

Des pavillons vieillots adossés à l’aile gauche du Petit Séminaire, datant pour la plupart de l’ère coloniale, laissent apparaître, sur d’infimes parties de murs anciens, la subtile combinaison des styles arabesque et colonial, sans doute les ultimes traces de l’ancien palais turc qui s’y trouvait autrefois.

L’école ecclésiastique, édifiée à son emplacement, avait son entrée principale juste à hauteur du petit carrefour desservant les communes de Bouzaréah et Bologhine. Dans les années 1960, ce centre religieux fut converti en établissement de l’enseignement général du niveau primaire et moyen, dénommé «Petit Séminaire St-Augustin», avant que la structure pédagogique ne soit nationalisée en 1977 pour devenir lycée baptisé «El Arkam Al Makhzoumi». 

La végétation y est toujours aussi variée qu’elle l’était autrefois, mais elle est si opulente qu’elle finit toujours par recouvrir de son épais manteau verdoyant les parois de tous les logis délabrés, de sorte que ceux-ci disparaissent entièrement du paysage. Il faut dire qu’avec le temps, ce petit coin négligé s’est transformé en un petit bout d’Amazonie.

Perchée sur son promontoire, la Basilique Notre-Dame-d’Afrique est à 800 mètres du lycée El Arkam El Makhzoumi. Réalisée dans un superbe style byzantin, cette dernière consiste en une magistrale bâtisse, remarquable aussi bien par son architecture que par ses grandes proportions. C’est un repère qui attire l’attention des visiteurs depuis 1872,  date à laquelle l’ouvrage fut définitivement achevé. Les travaux de construction la concernant avaient été entamés en 1858. Ce monument religieux avait acquis, le 30 avril 1876,  le titre de Basilique qui lui fut décerné par le Vatican. Une chapelle provisoire érigée en 1857 dominait primitivement les lieux. 

Djenane Rahat eddey, lieu de villégiature de plusieurs consuls

Le dey d’Alger avait lui aussi sa résidence de plaisance dans le coin, l’une des plus anciennes villas extra-muros qui se nichait depuis 1775, dans le décor d’une végétation luxuriante, connue sous le nom de djenane Rahet Eddey, Jardin de repos du dey.  

Du haut de sa terrasse, on peut jouir d’une vue spectaculaire qui s’étend au nord jusqu’à la mer. Dans la direction de l’est on peut apercevoir la Basilique Notre-Dame-d’Afrique avec son imposante et somptueuse structure. L’arrière-plan étant dominé par le mont Bouzaréah. 

La demeure, qui était en très mauvais état, avait donné lieu, en 1969, à de riches débats entre les partisans et les opposants de la conservation de ce patrimoine. Au final, on prit la résolution de réhabiliter cette résidence qui avait été classée monument historique en 1948.

Comprenant sous-sol, rez-de-chaussée et un étage surmonté d’une coupole, cette maison de villégiature comportait un immense porche voûté avec portes cloutées. Ses arcades, ses colonnades torsadées, ses dômes, sa cour pavée de mosaïque, sa fontaine et ses galeries recouvertes de délicieuses faïences importées d’Italie et de Tunisie lui donnaient vraiment l’aspect d’un ouvrage de fée.

Le premier de ses propriétaires, tel qu’indique son nom, était un dey d’Alger. La maison de campagne sera occupée moyennant location par le consul de Hollande au XVIIIe siècle,  puis en 1780 par le consul de France. Plus tard, ce sont les consuls d’Angleterre qui y éliront tour à tour domicile dont Robert William Saint John qui servi d’intermédiaire aux négociations qui avait précédé la chute d’Alger. 

Ce dernier, qui possédait, entre autres domaines, celui de Zéralda, fut inhumé, en 1848, dans la nécropole de Saint Eugène. Djenane Rahet Eddey devint autour de 1890, la propriété du général français Emmanuel Laquière, par la suite consulat des Etats Unis en 1968.  

Les bâtiments du lycée qui fut baptisé sous la dénomination Djilali Ghanem qu’on peut voir aujourd’hui au quartier Z’ghara, furent réalisés sur l’emplacement de l’ancien jardin qui entourait cette vieille demeure de luxe. Amputée de son enclos de verdure et ses bosquets d’arbres fruitiers, cette dernière se dresse désormais en retrait des nouvelles bâtisses implantées dans l’enceinte de l’établissement.
 

Non loin de Djenane Rahet Eddey se trouve la villa Beït El Mel, Maison des domaines, dans le voisinage de la Basilique Notre-Dame-d’Afrique. 

Ce fut une demeure somptueuse de l’ère ottomane que possédait le chef des domaines, adossée  dans le passé à celle d’un Agha, toute proche de l’ex-consulat de Belgique.

Son existence remonte à l’année 1752. Son premier locataire était Raïs Ahmed, bien plus tard, elle sera acquise par le bey du Titteri. En 1830 Jean Toussaint Merle, le secrétaire personnel du Maréchal des forces royales françaises, en fit sa résidence personnelle.

Propriété de Sidi Ali Debbegh et de la famille Baba Ameur qui en fit l’acquisition en 1937, Fadhila Dziria, la célèbre chanteuse algéroise, y aurait séjourné quelque temps.

À l’entrée de l’agglomération de Bologhine, il existe les deux cimetières chrétien et juif qui furent successivement créés en 1836 et 1849. 

A l’intérieur de la nécropole chrétienne, dans le carré des consuls, repose parmi tant d’autres personnages connus, l’interprète de l’armée française en Egypte et à Alger, Debracevitch, décédé le 19 juillet 1830 après avoir fait le 4 juillet 1830, l’objet de menaces de mort de la part des janissaires, au moment où il allait transmettre au dey Hussein les conditions de la capitulation.
 
 

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