Escapade dans le Fahs algérois : Baba Hassen ou l’histoire d’un haouch (*)

27/04/2023 mis à jour: 23:20
4945
Baba Hassen - Boulevard ouest

Berceau d’une importante localité nichée dans le Fahs algérois, Baba Hassen est un ancien domaine de l’époque ottomane, devenu aujourd’hui une grande banlieue de l’Algérois. A une époque donnée, on pouvait toujours voir dans le territoire du Fahs algérois quelques rares édifices à moitié en ruine, des maisons dégradées et surtout des fermes qui avaient jadis appartenu à de riches maures, des janissaires, de hauts dignitaires, ou encore au beylik. Le souvenir des anciens propriétaires de ces vieux domaines revient aujourd’hui dans les noms de certaines de nos villes de banlieue à l’instar d’Hussein Dey, Dély Ibrahim, Baba Ali, Bou Ismaïl, Bir Mourad Raïs et Baba Hassen. Cette dernière localité tient son nom d’un dey qui a régné à Alger entre 1791 à 1798. Ce fut un souverain qu’on connaissait aussi sous d’autres appellations telles que Sidi Hassen, ou encore Pacha Hassen. Son prédécesseur, Baba Mohamed, mourut le 12 juillet 1791 à l’âge de 81 ans. Il le remplace aussitôt sur le trône. Il était son fils adoptif et occupait la fonction de khaznadji, ce qui équivaudrait de nos jours à un poste de ministre des Finances.

 

Faut-il souligner que la dette française contractée auprès de l’Algérie a été constituée pendant la Régence de Baba Hassen. Ce dernier s’éteint le 14 mai 1798, il souffrait d’une tumeur au pied qui a été aggravée par l’incompétence de ses propres médecins. En juin 1798, dans une correspondance destinée au directoire français dont nous vous soumettons un bref extrait, son neveu Mustapha, alors khaznadji de la Régence d’Alger, s’exprimait en ces termes : «Le magnifique Pacha Hassen était tombé malade, a succombé par l’ordre de Dieu, et nous avons été installé commandant de l’odjak et Prince des pays d’Alger». Hormis la fontaine publique de marbre qui fut érigée en face du puits historique de la ville de Bir El Khadem, Baba Hassen fit élever, en 1798, une autre fontaine dans le charmant vallon de Tixeraïne.

L’agglomération de Baba Hassen est implantée au milieu d’un paysage semi-rural, où l’on ne rencontrait jadis que des troupeaux de chèvres et de moutons élevés par des nomades vivant sous des tentes plantées à proximité d’immenses pâturages. Les moyens de subsistance issus du produit de l’élevage et de la culture étaient suffisants pour nourrir ces petites communautés.

 

La ville fut fondée dans une superficie de 1 048 hectares seulement. Elle est située au centre du Sahel algérois dans sa partie occidentale, sur une altitude variant entre 105 et 193 mètres, à 19 km au sud-ouest d’Alger. Le noyau primitif fut créé à 500 mètres de la Route nationale (RN 36), sur le territoire d’une ancienne ferme beylicale, expropriée par l’administration coloniale pour l’établissement d’une population européenne. Ce domaine, dont il ne subsiste aujourd’hui plus aucun vestige, existait encore en 1834. Son territoire était arrosé par de nombreuses sources, il se distinguait par ses terres fertiles traversées par l’oued Ben Brahim au nord et l’oued Ettarfa au sud.

Du temps de la Régence d’Alger, les haouchs de Baba Hassen, Nacef Khoudja, de même que les terrains environnants relevaient d’Outane el fahs, une contrée dominée par une succession de collines, de vallées, de coteaux et de ravins profonds parcourus en tous sens de charmants petits ruisseaux.

Le paysage de Baba Hassen a amorcé sa métamorphose avec l’arrivée des émigrés européens. De plus en plus d’espaces se faisaient grignoter chaque jour par l’arboriculture, la viticulture, la céréaliculture et les cultures maraichères autrefois pratiquées sur des terrains menus. On y entretenait, également, à ce moment-là, des jardins, des bosquets d’oliviers, des champs de coton et surtout le tabac. La colonie pionnière qui s’est installée dans le centre primitif était constituée de migrants de diverses origines : Alsaciens, Lorrains, Mahonnais et Majorquins.

Consécutivement aux arrêtés du 8 et du 12 mai 1843, la commune de Baba Hassen sera annexée, dès sa fondation, à la municipalité de Douéra. En 1848, elle dépend de l’arrondissement de Blida. Le 10 mai 1875, Baba Hassen devient commune automne, dotée d’un budget. En 1963, elle rejoint la wilaya d’Alger, placée sous la tutelle de la commune de Draria. Bien plus tard, en 1984, elle est intégrée dans la wilaya de Tipasa, conformément à la loi de 1984, portant réorganisation territoriale des communes, constituée alors de neuf localités: Baba Hassen centre-ville, Domaine Nadir, Bel Air, Haouch Nacef Khoudja, Domaine Guessas en partie limité par le vieux pont de Draria, Carrière de tuf, Pont américain, Route Khraïcia en partie et Capra. A partir de 1997, Baba Hassen fera partie de la circonscription administrative «daïra» de Draria, dans la wilaya d’Alger. C’est en 1855 que le dernier lion du Tell et de la Mitidja, tombait sous les balles des chasseurs à Baba Hassen. 

La grande place ombragée qui domine le cœur historique de la ville a pris l’emplacement d’un ancien boulodrome. Nombre de variétés d’espèces d’arbres arboraient l’agglomération originelle, telles que muriers, frênes, poivriers, tilleuls, ficus, caroubiers, troènes et muriers. Contrairement à la majorité des villes voisines, où les trottoirs sont plantés de ficus, à Baba-Hassen, les rues sont bordées d’orangers sauvages qu’on appelle communément en dialecte local «Larendj».

De part et d’autre du vieux chemin de traverse qui relie la ville à la Route nationale (RN°36), s’érigent, depuis quelques années, de nombreuses villas toutes aussi élégantes les unes que les autres. Ces maisons forment une série de petits lotissements, à l’instar de celui qui porte le nom de Mohamed Khiar. Ce dernier quartier a été créé juste à côté d’un lieu que la croyance populaire attribuait, dans le passé, à des saints appelés Rabaine Oueli, en d’autres termes les quarante saint marabouts. 

Les autochtones venaient jadis nombreux se recueillirent tout près d’un bassin où se déversait l’eau fraîche d’une source qui arrosait  muriers, oliviers et palmiers. La tradition orale rapporte qu’en ces lieux-mêmes, des travaux de constructions entrepris au niveau du sol à la moitié du siècle dernier avaient permis la mise au jour d’ossements humains, qui laisseraient sans doute penser à l’existence, autrefois, d’un antique lieu de sépultures.

A l’ouest de Baba Hassen, on peut apercevoir un groupe scolaire qui a été mis en service en 2012, dans le voisinage d’une grande cité de logements avec ses tours à multiples étages. La réalisation de ce nouveau lotissement, qui fut inauguré en 2006, s’inscrit dans le cadre d’un ambitieux programme initié par le gouvernement. Celui-ci domine une rocade entrée en service en 2008, faisant office de ligne de démarcation entre les territoires des communes de Khraïcia et Baba Hassen.

Le plus vieux cimetière musulman qui existe encore à Baba Hassen est celui qui se trouve en contrebas de la ville. Créé au lieu-dit le bassin, ce dernier est, à présent, totalement englouti au milieu d’une vaste zone d’habitations qui a été réalisée il y a quelques années. Cet ancien enclos funéraire, laissé depuis quelque temps à l’abandon, est composé de sépultures éparses, couvertes d’une végétation aussi dense que variée poussant à tout bout de champ. Sa forme présente grossièrement la figure d’un carré de 40 mètres de côté, au centre duquel pousse un groupe de palmiers. Avant son aménagement en 1948, les obsèques étaient organisées dans la nécropole de la ville voisine de Khraïcia.

La petite coupole blanche du marabout Sidi Lahcene domine toujours à droite l’entrée de la cité par la route de Saoula. Cette qubba,  à l’aspect d’un gros cube, est coiffée d’un joli dôme. A l’origine, ce petit monument autochtone, aux parois externes badigeonnées à la chaux, fut élevé à proximité d’une antique fontaine. Cette source était elle-même couverte d’une q’biba, sorte de petite qubba dont il ne reste malheureusement aujourd’hui plus aucune trace. A sa mort, Sidi Lahcene, qui avait très probablement vécu au XXe siècle, fut inhumé dans le légendaire haouch turc de Baba Hassen.

La ville de Baba Hassen s’étend aujourd’hui en tous sens. Partout, on ne voit que des chantiers, qui ont complètement modifié son paysage. L’aspect urbain de l’agglomération primitive est en perpétuelle évolution, les petites bâtisses du temps colonial laissent progressivement place à des immeubles de béton ou de verre et d’acier toujours de plus en plus hauts.  
 

 

 

 

Copyright 2024 . All Rights Reserved.