La Fédération de Russie menace de mettre de côté le moratoire sur le déploiement des capacités de frappes nucléaires, signé il y a plus de 35 ans avec les Etats-Unis, si la puissance américaine maintient ses projections d’implanter des batteries de missiles dans certains pays européens.
Il y a une semaine, Berlin et Washington avait en effet fait part de leur intention de déployer, de manière progressive, des capacités de feu de longue portée sur le sol allemand pour renforcer la dissuasion face aux risques de la guerre en Ukraine.
Vladimir Poutine ne se contente pas d’agiter la possibilité de rompre des traités historiques avec les Occidentaux, mais annonce également que le complexe militaro-industriel russe allait s’engager dans la production du même type d’armements avec lesquels on cherche à inhiber ses élans présumés. «Nous prendrons des mesures de réplique pour les déployer, en tenant compte des actions des Etats-Unis, de leurs satellites en Europe et dans d’autres régions du monde», fait savoir le président russe lors d’une parade navale à Saint-Presbourg, dimanche dernier.
L’épisode confirme une escalade dans la mise en place des conditions d’une confrontation plus ouverte et à plus long terme que ne laissait présager le début de la guerre, il y a plus de deux ans.
Durant la même journée de dimanche, les ministres américains et japonais des Affaires étrangères et de la Défense, réunis à Tokyo, se sont alarmés de «la coopération militaire stratégique croissante et provocatrice» de la Russie avec la Chine. Pékin est accusé de participer substantiellement à l’effort de guerre du Kremlin, en fournissant des «biens à double usage», soit des équipements à vocation civile que l’industrie russe transformerait en équipements militaires.
Les responsables chinois démentent, quant à eux, tout en bloc et mettent les accusations sur le compte d’une volonté permanente en Occident de freiner ses ambitions économiques et géopolitiques. Les responsables japonais et américains relèvent également que la coopération militaire entre Pyongyang et Moscou, à travers notamment la fourniture de missiles balistiques qui seraient destinés au front ukrainien, consacre un axe «inquiétant» entre la Fédération de Russie et la Corée du Nord.
Le ton avait été fortement donné à la constitution d’un front plus militarisé face à la Russie, lors du dernier sommet de l’OTAN, tenu à Washington du 9 au 11 juillet. Dès la première journée de la réunion, les dirigeants de l’Alliance ont annoncé l’envoi express d’avion F-16 à Kiev, des systèmes de défense antiaérienne, l’augmentation de l’apport financier de la guerre à plus de 40 milliards de dollars sur l’année, en plus de l’amorce officielle du processus d’adhésion de l’Ukraine au niveau de l’organisation. La déclaration finale du sommet a, par ailleurs, produit un véritable pamphlet à l’égard de Pékin et de son implication présumée avec Moscou.
Le ton est donc en constante évolution vers le raidissement de part et d’autre avec, régulièrement depuis quelques mois, l’intégration de l’option nucléaire dans le registre des arsenaux envisageables de confrontation. Un rapport publié en juin dernier par la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN) souligne une tendance mondiale à l’augmentation des dotations consacrées à l’armement non conventionnel en 2023.
La puissance américaine a ainsi dépensé près de 52 milliards de dollars dans le segment, suivie par la Chine à hauteur de 12 milliards de dollars.
La même année a connu une explosion des dépenses militaires globales sur les cinq continents, avec un record de 2400 milliards de dollars. Même s’ils ne sont pas officiellement abandonnés, on s’éloigne de plus en plus des traités de non-prolifération qui avaient pour vocation de refermer la parenthèse suicidaire de l’«équilibre de la terreur» durant près de 45 ans de guerre froide.