Dans un contexte planétaire de ressources limitées, le modèle économique linéaire, dans lequel nous évoluons actuellement, est non durable, consistant à extraire des ressources et à produire des biens qui sont consommés et ensuite jetés.
C’est ce trajet qui est caractérisé de «linéaire». Autrement dit, les matières premières utilisées finissent par devenir et rester des déchets. Un tel modèle économique a des répercussions négatives tant sur l’environnement que sur l’économie. L’économie circulaire est considérée de nos jours comme une alternative au modèle économique de production et de consommation linéaire et prédominant basé sur «extraction-production-déchet» et qui repose sur l’utilisation de grandes quantités de matériaux et d’intrants relativement bon marché et produit surtout beaucoup de déchets.
Mais pourquoi doit-on changer de logique économique ? L’économie linéaire conduit à une consommation, voire à une surconsommation des ressources, ainsi qu’à la production de déchets. En prévenant l’apparition de ces déchets et en diminuant l’extraction des ressources, l’économie circulaire apporte des pistes de réflexion et des solutions aux grands défis environnementaux et économiques actuelles et futures que sont la raréfaction des ressources naturelles, la perte de biodiversité, le changement climatique, ou encore la déforestation.
L’économie circulaire quant à elle amène ainsi des propositions d’actions concrètes pour transformer notre modèle économique et le rendre plus viable et durable, et permettre ainsi de refaçonner notre société de consommation qui atteint aujourd’hui ses limites avec ses 7 milliards d’habitants.
En outre, l’économie circulaire offre une série d’avantages économiques à nos entreprises. Prolonger la durée de vie des biens et transformer les déchets en nouvelles ressources représentent de nouvelles pistes de réduction de coûts pour les producteurs et les consommateurs. Elle permet aussi une meilleure maîtrise des chaînes d’approvisionnement pour la production, ou encore une plus grande résilience des entreprises face aux crises.
Enfin, l’économie circulaire fait également appel à de nouvelles compétences et connaissances pour permettre davantage de réutilisation, de réemploi et de recyclage, et favorise ainsi la relocalisation de certains savoir-faire tout en créant de l’emploi localement.
A mentionner qu’il y a plusieurs définitions citées sur l’économie circulaire, il y a par contre un consensus entre les experts en la matière sur le fait que les éléments suivants constituent le cœur de ce modèle : l’optimisation de l’utilisation des ressources renouvelables et non renouvelables et le découplage de la croissance économique et de la consommation de ressources naturelles.
L’économie circulaire touche à l’ensemble du cycle de vie des produits et des services, de l’extraction à la gestion des déchets. Elle vise à maintenir la valeur, l’utilité et la fonctionnalité des produits et des ressources le plus longtemps possible, en dépassant la vision de la seule gestion des déchets ou de l’efficacité des ressources dans les modes de production.
L’Algérie, à l’instar des autres pays du monde, doit recourir aux ressources renouvelables tout en veillant à la préservation et à la génération du capital naturel, dont la biodiversité et les écosystèmes.
Pourquoi devenir circulaire ? Il est prouvé aujourd’hui que l’économie circulaire représente un levier incontournable pour les entreprises désireuses de renforcer leur compétitivité et leur croissance économique verte. Il s’agit là d’un outil d’optimisation de production, vecteur d’emploi vert, qui permet de limiter la dépendance aux ressources naturelles et d’opérer une transition écologique. Pratiquer l’économie circulaire au sein des entreprises permet de coupler des objectifs tant économiques que sociaux et environnementaux et de s’inscrire ainsi dans le cadre de la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises.
En tant que productrices, consommatrices et créatrices de déchets, les entreprises disposent d’un grand potentiel d’actions circulaires à mettre en place. Elles peuvent ainsi agir sur toutes les logiques circulaires, et bénéficier de ce fait, des gains de compétitivité à chaque niveau du cycle économique. Grâce à l’économie circulaire, les entreprises peuvent :
• Réduire la consommation de matières premières et d’énergie. L’économie circulaire permet de réduire et/ou de mieux maîtriser la consommation par un approvisionnement plus durable, ainsi que par des pratiques de production basées sur la revalorisation des ressources. Ceci est rendu possible notamment grâce à des réflexions innovantes sur les matières premières utilisées pour la production, à des partenariats avec d’autres entreprises locales, régionales et nationales où les déchets et rebuts d’une entreprise deviennent source d’approvisionnement pour une autre, ou encore à la mise en place de dispositifs de collecte de biens en fin de vie qui, en passant par des centres de recyclage, constituent une source d’approvisionnement peu onéreuse pour les entreprises. Ainsi, l’économie circulaire permet de limiter les risques liés à la fluctuation des prix des matières premières ou aux pénuries de ressources dans des périodes de crises.
• Augmenter leur compétitivité verte, se diversifier et avoir accès à de nouveaux marchés non seulement par le développement de nouveaux produits, procédés ou services à forte valeur ajoutée, tels que l’éco-conception, de nouveaux modèles entrepreneuriaux, mais également par le développement de technologies innovantes vertes et de nouvelles filières vertes de production ;
• Mutualiser les infrastructures, les ressources et les services grâce à des solutions économiques innovantes vertes qui vont au-delà des pratiques économiques traditionnelles, au travers de partenariats industriels entre entreprises d’un même territoire ;
• Disposer de nouvelles sources de revenus, en valorisant ses déchets, que cela soit par le réemploi, la réparation, le remanufacturing, le recyclage ou la valorisation énergétique ;
• Communiquer sur ses engagements en matière de responsabilité environnementale et sociétale envers ses partenaires et sa clientèle, améliorer l’image et la notoriété de l’entreprise pour gagner en attractivité sur son marché.
Comment devenir circulaire ?
L’économie circulaire s’applique à de nombreux secteurs d’activité et concerne des actions diverses. Le modèle des «10R» que nous présentons un éventail plutôt exhaustif de ce qu’il est possible de mettre en place, en tenant compte les différents comportements selon leur influence sur notre empreinte écologique.
Les actions circulaires à mettre en place par une entreprise dites aussi les bonnes pratiques sont :
- Refuser de consommer les produits/services qui ont plus d’impact négatif sur notre empreinte écologique,
– Repenser : c’est-à-dire réfléchir à notre production, notre consommation et notre utilisation afin d’optimiser au mieux la gestion des ressources existantes,
– Réduire la consommation, grâce par exemple à l’optimisation de processus industriels en ce qui concerne les entreprises et les industries,
– Réemployer, c’est-à-dire prolonger la vie d’objets encore en bon état, mais qui n’ont plus l’usage chez leurs premiers,
– Réparer signifie la prolongation de la vie d’objets usagés qui nécessitent une réparation,
- Rénover, redonner une seconde vie à un objet ou à un produit ancien, apporter une modification,
– Remanufacturer, consiste à prolonger la vie de composants de certains produits usagés en les réutilisant dans la fabrication de ces mêmes produits,
– Remanier, veut dire, prolonger la vie de certains objets usagés ou de leurs composants en leur donnant une nouvelle fonction et une valeur ajoutée,
– Recycler, réintégrer les ressources dans le circuit économique en les transformant en nouvelles matières premières via des procédés de tris et de transformation chimique, en essayant de conserver une qualité la plus grande possible,
– Revaloriser : quand il n’est plus possible ni de réutiliser les produits d’une quelconque façon ni de les recycler, il est alors possible en dernier recours de valoriser les déchets en production d’énergie.
Pour ce faire, beaucoup de chefs d’entreprise se posent les questions suivantes :
-L’économie circulaire génère-t-elle des bénéfices économiques pour les entreprises ?
Oui, en augmentant la compétitivité des entreprises, en optimisant l’utilisation de leurs ressources, les entreprises peuvent réduire leurs coûts de production. L’économie circulaire est également une source d’innovation pour ces entreprises. L’innovation est considérée dans ce cas comme un facteur clé de compétitivité pour l’entreprise. Elle permet aux entreprises de se diversifier et avoir accès à de nouveaux marchés, non seulement par le développement de nouveaux produits, procédés ou services à forte valeur ajoutée, tels que l’écoconception, de nouveaux modèles entrepreneuriaux, mais aussi par le développement de technologies innovantes dites vertes et de nouvelles filières de production.
-L’économie circulaire génère-t-elle des bénéfices sociaux ?
Oui, en créant des emplois durables favorisant ainsi l’insertion et l’inclusion sociale, notamment pour les personnes en réinsertion professionnelle dans certains secteurs. Cela contribue aussi à réduire la précarité d’une certaine partie de la population fragilisée. Elle permet d’encourager les jeunes et femmes à la création de leurs micro-entreprises et start-up vertes au sein d’un territoire donné à travers l’émergence de nouvelles activités et le développement de l’entrepreneuriat innovant vert pour faire émerger des projets d’économie circulaire. A cet effet, il y a nécessité pour les pouvoirs publics d’élaborer des programmes de formation dédié à l’économie circulaire qui devront être dispensés au sein des universités et centre de formation professionnel pour faire bénéficier nos jeunes à s’initier aux bonnes pratiques de l’économie circulaire entre autres.
-L’économie circulaire génère-t-elle des bénéfices environnementaux ?
Oui, en évoluant vers une économie neutre en carbone. Selon les experts en la matière, à l’heure actuelle, l’extraction et l’utilisation de matériaux représentent 70% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). L’économie circulaire peut répondre à cette problématique, en ciblant la consommation et de la production non durables dans les secteurs où l’incidence est forte, tels que l’industrie, le bâtiment et la construction, et l’agriculture et le transport. Grâce à une utilisation efficace et circulaire des matériaux, l’économie circulaire peut aider à réduire les émissions mondiales de GES de 40% d’ici 2050. En incluant le système alimentaire, ce chiffre atteindra 49% de réduction globale des émissions mondiales de GES. L’économie circulaire permettra également à l’entreprise Algérienne quel que soit sa taille d’améliorer sa résilience face aux futures crises, en intégrant pleinement le changement de cap imposé notamment par le dérèglement climatique, et en s’assurant notamment une plus grande indépendance en termes de ressources par rapport à des chaînes logistiques globales. Nous citerons à titre d’exemple le secteur de l’agriculture qui est considéré aujourd’hui comme un secteur dont la dépendance à l’égard de la stabilité des écosystèmes et du climat le rend vulnérable aux différentes perturbations. Le passage à une agriculture régénératrice est un principe clé de l’économie circulaire pour le système alimentaire qui permet d’augmenter la résilience de ce secteur.
C’est pourquoi, il est important de considérer l’économie circulaire comme un outil pour développer de nouveaux modèles de consommation et encourager les industries algériennes et chefs d’entreprise à revoir leur mode de production pour en limiter les impacts négatifs et coûteux. L’économie circulaire permet également l’économie de matière et d’énergie en privilégiant des produits plus durables, éco-conçus, réparables et réutilisables. Pour encourager la transition vers une économie circulaire, l’Algérie doit se doter «d’une stratégie de l’économie circulaire».
Promouvoir l’économie circulaire en Algérie permettra de contribuer à l’atteinte des 17 Objectifs du développement durable adoptés par les Nations unies en 2015 qui consistent à modifier les modes de consommations et de production pour les rendre plus durable en créant ainsi un modèle économique plus résilient.
Sans la mise en place de la stratégie nationale de l’économie circulaire, il serait difficile pour les industriels, entreprises publiques et privées de s’inscrire dans cette logique. La mise en place de cette stratégie par les pouvoirs publics avec ses partenaires permettra d’initier une dynamique participative avec de nombreux acteurs de l’écosystème de l’économie circulaire. Il est important dans une première étape de renforcer cette dynamique pour tenir compte de la réalité du terrain de créer plus d’adhésion possible à l’économie circulaire en Algérie sachant que l’économie circulaire représentera un levier incontournable pour les entreprises algériennes désireuses de renforcer leur compétitivité et leur croissance économique dans un environnement de plus en plus complexe.
Le déploiement de l’économie circulaire dans le contexte actuel peut et contribuer à la relance économique à horizon 2050. Cette transition permettra également à l’Algérie d’améliorer sa résilience faces aux futures crises et surtout s’assurer notamment une plus grande indépendance en termes de ressources et par rapport à des chaînes logistiques globales.
L’économie circulaire offre aux industriels et aux entreprises des opportunités qu’il faut saisir, elle contribue à la croissance économique et à la compétitivité en développant des nouveaux produits/services, procédés dont certains à forte valeur ajoutée, ses pratiques permettent aussi de découpler croissance économique et utilisation des ressources naturelles, tout en renforçant la compétitivité des entreprises et en créant des milliers d’emplois verts.
Respecter les principes du développement durable permettra ainsi aux industriels et entreprises algériennes de se lancer dans une démarche proactive, qui lui donnera la capacité de s’adapter plus rapidement aux évolutions de la société et de mieux répondre aux exigences durables de ses clients (labels, clauses de respect de l’environnement, chartes sociales...).
De ce fait, l’entreprise algérienne soignera son image de marque auprès de ses interlocuteurs (clients, fournisseurs, etc.) et consolidera sa position sur le marché national et international, ce dernier devient ces dernières années de plus exigeant à travers la mise en place des normes qui sont en relation avec le développement durable.
Par M. Bergheul
Expert, consultant, formateur, facilitateur en entrepreneuriat vert-ESS-ODD