L’autorisation donnée à Kiev par Joe Biden, pour utiliser des missiles américains à longue portée sur le territoire russe, est de nature à «jeter de l’huile sur le feu» dans le conflit en Ukraine.
C’est ce qu’a déclaré hier le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, cité par l’AFP. Si une telle option devait être officiellement confirmée par Washington, cette autorisation conduirait à «une situation fondamentalement nouvelle en termes d’implication des États-Unis dans ce conflit», a-t-il prévenu.
En septembre, le président russe, Vladimir Poutine, a prévenu qu’un tel feu vert occidental «ne signifierait rien de moins qu’une implication directe des pays de l’Otan dans la guerre en Ukraine». La décision de Washington a été annoncée par les médias américains et confirmée par un responsable américain. Selon Dmitri Peskov, citant V. Poutine, des frappes en territoire russe ne seraient «pas réalisées par l’Ukraine, mais par les pays qui en donnent l’autorisation».
«Les coordonnées des cibles ne sont pas fournies par les militaires ukrainiens, mais par des spécialistes de ces pays occidentaux. Cela change radicalement la nature de leur implication», a-t-il relevé. «Il est évident que l’administration sortante à Washington a l’intention de prendre des mesures pour continuer à jeter de l’huile sur le feu et à provoquer une nouvelle montée des tensions», a-t-il dit.
L’administration américaine sortante a été le principal soutien de Kiev, lui permettant de résister aux troupes russes depuis l’intervention de celles-ci en Ukraine en février 2022. Soutien mis en doute par l’élection à la présidence de Donald Trump dont les déclarations de campagne font craindre à l’Ukraine et à ses alliés, qu’il cherche à forcer Kiev à un arrêt des combats au prix de concessions inacceptables pour elle. Moscou a prévenu que toute discussion d’arrêt des combats ne pourrait s’appuyer que sur les «nouvelles réalités territoriales».
Un peu plus tôt, un député russe a déclaré qu’une autorisation de Washington à Kiev d’utiliser des missiles américains à longue portée pour frapper la Russie «ne changera rien» à la conduite par Moscou de ses combats avec l’Ukraine. «(...) Nous continuerons à remplir nos missions comme nous l’avons toujours fait», a affirmé à l’agence publique russe Ria Novosti, Andreï Kartapolov, président de la commission défense de la Chambre basse du Parlement russe. «Ce facteur sera bien sûr pris en compte, mais les objectifs fixés par la Russie en Ukraine seront atteints», a-t-il poursuivi.
Il a expliqué que pour contrer ces missiles, il faudrait «empêcher les avions de décoller». «Nous nous concentrons activement sur cette tâche, en ciblant de manière intensive l’infrastructure des aérodromes. C’est une priorité, car si un avion ne décolle pas, le missile ne sera pas lancé», a-t-il souligné.
Bien que les Ukrainiens «déclarent vouloir frapper des cibles militaires, ils touchent souvent des villes et des zones habitées, ce qui constitue un réel danger», a poursuivi l’élu. Le président russe «a déjà indiqué ce que cela signifierait pour nos partenaires occidentaux», a-t-il ajouté. «Je pense qu’ils ne nous prendront pas au dépourvu. J’en suis convaincu», a de son côté déclaré un autre parlementaire, Vladimir Jabarov, membre de la commission des affaires internationales de la Chambre haute. «Néanmoins, c’est une démarche sans précédent. C’est un pas très important vers le début de la ‘‘troisième guerre mondiale’’, et les Américains le feront sous l’impulsion d’un vieillard sur le départ, qui ne sera plus responsable de rien dans deux mois», a-t-il observé, prévenant que «la réponse de la Russie sera immédiate». Un haut responsable de la présidence ukrainienne, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, a soutenu que l’accord américain sur les missiles de longue portée est trop tardif, Kiev étant en difficulté sur le front depuis plus d’un an.
Les va-t-en- guerre et le niet italien
De son côté, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a réaffirmé hier que l’utilisation de missiles français par les forces ukrainiennes sur le sol russe reste «une option». Pour sa part, l’ex-Premier ministre britannique, Boris Johnson, a appelé le même jour Paris et Londres à autoriser l’Ukraine à utiliser les missiles à longue portée qu’ils lui ont cédés pour viser le territoire russe, comme les Etats-Unis l’ont fait dimanche. «Il fallait le faire il y a 18 mois», a toutefois estimé Boris Johnson, commentant le revirement de Washington. Il a estimé que ce serait une «humiliation» pour l’Occident si le président élu américain commençait son mandat en acceptant une paix pour l’Ukraine aux conditions de Moscou. L’Allemagne, qui refuse la livraison de missiles longue portée réclamés par Kiev, va fournir 4000 drones sophistiqués, a annoncé hier le ministre allemand de la Défense à la presse Boris Pistorius.
Les drones en question sont surnommés «mini Taurus», affirme Bild, en référence au missile allemand de croisière Taurus, d’une portée de plus de 500 kilomètres, dont Kiev a réclamé en vain la livraison à plusieurs reprises. Une comparaison rejetée par le ministère de la Défense. «Ces drones sont des drones tactiques avec une portée limitée et le lien fait avec le Taurus (...) n’existe pas», a indiqué hier Natalie Jenning, une porte-parole du ministère.
Le chancelier social-démocrate, Olaf Scholz (SPD), à la tête d’un gouvernement minoritaire avec les Verts depuis l’éclatement de sa coalition le 6 novembre, justifie son refus de livrer des Taurus par la crainte d’une escalade entre la Russie et les Occidentaux. Olaf Scholz s’est «clairement engagé» sur la question des Taurus et ne «changera plus» de position, a mis au point hier un de ses porte-paroles après le feu vert donné par les Etats-Unis à l’Ukraine d’employer les missiles longue portée américains contre la Russie. En parallèle, le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a réaffirmé à Bruxelles la position de l’Italie sur les armes fournies à l’Ukraine, qui, selon Rome, «ne peuvent seulement être utilisées qu’à l’intérieur du territoire ukrainien».
Comme il s’est dit «favorable à une conférence de paix en présence des Russes, des Chinois, des Indiens et des Brésiliens».