En attendant la rencontre Wang Yi - Blinken : La Chine et la Russie disent vouloir «contrer les forces extra-régionales» en Asie du Sud-Est

27/07/2024 mis à jour: 08:29
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Le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi rencontrant son homologue américain Antony Bliken

Les chefs de la diplomatie russe et chinoise, Segueï Lavrov et Wang Yi, ont promis de «contrer les tentatives de forces extra-régionales d’interférer dans les affaires du Sud-Est asiatique». C’est ce qu’a indiqué un communiqué de Moscou diffusé dans la nuit de jeudi à vendredi, cité par l’AFP. 

Cette déclaration intervient après leur rencontre en marge du rendez-vous annuel des dix pays membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) qui s’est ouvert jeudi dans la capitale du Laos, Vientiane, et qui doit durer trois jours. Ils ont également échangé sur la mise en place d’«une nouvelle architecture de sécurité» en Eurasie, indique le communiqué, sans plus de précisions.

Pékin est «prêt à travailler avec la Russie pour défendre l’architecture de coopération régionale centrée sur l’Asean, ouverte et inclusive» face aux «obstacles et perturbations externes», a de son côté déclaré Wang Yi à l’issue de la rencontre, selon l’agence Chine nouvelle.

L’Otan qualifie la Chine de «facilitateur décisif» de la guerre menée par la Russie en Ukraine. Le président américain Joe Biden a fait des alliances en Asie une priorité de sa politique étrangère visant «à promouvoir une région indo-pacifique libre, ouverte et prospère», une manière d’exprimer la volonté de Washington, du moins d’atténuer les ambitions économiques, territoriales et stratégiques de la Chine dans la région.

Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a écourté de 24 heures sa tournée asiatique afin de participer jeudi à la rencontre entre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, présent à Washington, et le président américain. Il compte rencontrer aujourd’hui son homologue chinois en marge de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Asean, a annoncé hier Pékin. 

Malgré les tensions, les relations entre les deux puissances mondiales se sont stabilisées depuis le sommet entre les présidents chinois, Xi Jinping, et américain, Joe Biden, en novembre 2023. Mais les sujets de contentieux restent nombreux : notamment la mer de Chine méridionale, Taïwan, la rivalité dans les nouvelles technologies, et le soutien, selon Washington, apporté par la Chine à l’industrie de défense russe. «Le ministre des Affaires étrangères, Wang Yi, rencontrera le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, au Laos», a indiqué, hier lors d’un point presse régulier, Mao Ning, une porte-parole de la diplomatie chinoise. «L’heure et les circonstances précises de cette réunion seront annoncées en temps opportun. Je vous invite à suivre les éventuelles annonces, mais je suis persuadée qu’ils échangeront leurs points de vue sur des questions d’intérêt commun.»

Hier, Wang Yi a rencontré les ministres des Affaires étrangères de l’Asean et a salué le renforcement des liens économiques entre Pékin et la région. Son homologue russe les a également rencontrés. Le bloc régional doit publier un communiqué final aujourd’hui. Mais selon une source diplomatique, les ministres ont le plus grand mal à se mettre d’accord sur les passages concernant la crise birmane et les tensions en mer de Chine méridionale.
 

Discordes

Pékin revendique la quasi-totalité de cette importante route commerciale, et ignore un arbitrage international qui lui a donné tort en 2016. 

L’Empire du Milieu fonde sa légitimité sur ces territoires sur des cartes remontant aux années 1940. Washington prône un règlement multilatéral et pacifique de ces conflits. Pékin est plutôt favorable à des négociations bilatérales.  Plusieurs pays d’Asie du Sud-Est ont des revendications sur des parties de cette zone.
 

Le 11 avril dernier, aux Etats-Unis, s’est tenu un sommet trilatéral entre le président Joe Biden, son homologue philippin, et le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, afin notamment de faire face collectivement à la Chine dans la région de l’Asie-Pacifique. A cette occasion, J. Biden a déclaré que «toute attaque contre un avion, un navire ou les forces armées philippines en mer de Chine méridionale déclencherait la mise en œuvre du traité de défense mutuelle» de 1951 qui lie Washington et Manille. 

Les trois dirigeants ont exprimé, dans un communiqué commun, leur «vive inquiétude face au comportement dangereux et agressif de la République populaire de Chine en mer de Chine méridionale». Ils se sont dits «préoccupés par la militarisation des territoires gagnés et par les revendications maritimes illégales» dans cette région.

A son arrivée au pouvoir en juin 2022, le président philippin, Ferdinand Marcos Jr, a prévenu qu’il ne laisserait pas la Chine piétiner les droits de son pays en mer, et s’est rapproché des Etats-Unis. Ainsi, il a œuvré à améliorer les relations avec Washington, un allié de longue date des Philippines, mises à mal par son prédécesseur Rodrigo Duterte. Les deux pays sont liés par un accord de coopération militaire qui remonte à 1951. Début avril 2023, Manille a mis à disposition de Washington quatre nouvelles bases militaires, dont une base navale non loin de Taïwan. Le même mois, les deux partenaires en la région du Pacifique ont organisé des manœuvres militaires conjointes de deux semaines.

En août de la même année, les alliés américain, japonais et coréen se sont rencontrés lors d’un sommet aux Etats-Unis. En la circonstance, la Chine a exprimé son «vif mécontentement et sa ferme opposition» et a déposé des protestations «solennelles auprès des parties concernées», a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin, lors d’un point presse. Pékin accuse les dirigeants des trois pays d’avoir «dénigré et attaqué la Chine sur les questions maritimes et liées à Taïwan», de s’être «immiscés dans les affaires intérieures de la Chine» et d’avoir «délibérément semé la discorde entre la Chine et ses voisins».

Pour le diplomate chinois, cette rencontre constitue une «tentative de raviver la mentalité de la guerre froide en incitant à la division et à la confrontation par le biais de divers petits cercles fermés et exclusifs».
Le 17 juillet, la Chine a indiqué avoir suspendu des discussions avec les Etats-Unis sur le contrôle des armes et la non-prolifération nucléaire, précisant que cette décision venait en représailles à des ventes d’armes par Washington à Taïwan.

Pékin considère Taïwan comme une province, bien qu’il ne contrôle pas ce territoire insulaire administré par un gouvernement élu de façon démocratique.


Intérêts fondamentaux»

Le pays de la Grande Muraille dénonce régulièrement les ventes d›armes américaines à l’île et toute action de Washington donnant à Taïwan un semblant de légitimité internationale. En juin, les Etats-Unis ont approuvé deux ventes de matériel militaire à Taïwan d’une valeur totale d’environ 300 millions de dollars (274 millions d’euros).  «Les Etats-Unis ont ignoré la ferme opposition de la Chine (...) et pris une série de mesures qui portent gravement atteinte aux intérêts fondamentaux» du pays asiatique, a souligné devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Lin Jian.  «C’est pourquoi la Chine a décidé à suspendre les négociations avec les Etats-Unis en vue d’un nouveau cycle de consultations sur le contrôle des armes et la non-prolifération» nucléaire, a précisé le porte-parole, qui était interrogé sur des discussions à ce sujet entre Pékin et Washington. Des pourparlers, qui n’ont alors pas été rendus publics, se sont tenus en novembre dernier entre les deux premières puissances mondiales. 

Dans un rapport demandé par le Congrès américain, le Pentagone estimait en octobre dernier que la Chine développait son arsenal nucléaire plus rapidement que ne l’ont envisagé les Etats-Unis. Selon les estimations de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les Etats-Unis disposent d’environ 3700 armes nucléaires et la Russie, de 4500, contre 410 pour la Chine.  «La Chine est disposée à maintenir la communication avec les Etats-Unis sur les questions de contrôle international des armements sur la base du respect mutuel», a affirmé le porte-parole Lin Jian. «Mais les Etats-Unis doivent respecter les intérêts fondamentaux de la Chine et créer les conditions nécessaires au dialogue», a-t-il souligné.


Le statut de Taïwan constitue l’un des dossiers sensibles qui alimentent la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis. Pékin estime que Taïwan est l’une de ses provinces, qu’il n’a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. 

Lors de discussions militaires organisées en janvier dernier au ministère américain de la Défense à Washington, de hauts responsables militaires chinois ont affirmé à leurs homologues américains que la Chine ne fera «jamais le moindre compromis» sur Taïwan et exhorté les Etats-Unis à «cesser d’armer» l’île. 

«Sur la question de Taïwan, la Chine ne fera jamais le moindre compromis ou concession», a affirmé la délégation militaire chinoise lors de ces entretiens bilatéraux, selon un communiqué du ministère chinois de la Défense rendu public. Elle exige des Etats-Unis qu’«ils respectent le principe d’une seule Chine, qu’ils respectent leur promesse de façon concrète en cessant d’armer Taïwan et en s’opposant à toute indépendance de Taïwan», a-t-il indiqué.
 


 

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