Emigration grand écran / cinéma franco-algérien ou algéro-français ?

30/06/2024 mis à jour: 07:33
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Nombre de cinéastes algériens vivent en France, alors que d’autres sont Français d’origine algérienne. Y a-t-il une différence pour l’extrême-droite aux portes du pouvoir, comme à peu près partout en Europe ? Les cinéastes exportés vont-ils rentrer ou faire du cinéma militant ? 
 

 

Couple maudit, l’Algérie et la France s’échangent pourtant des biens, pas de visites présidentielles, mais du pétrole, du blé, quelques voitures, de la Hamoud blanche, des clés à molette et des cinéastes. 

Balance commerciale négative pour ces derniers, il y a des centaines de cinéastes algériens ou d’origine algérienne en France et pratiquement aucun Français du domaine en Algérie, à part quelques cachetiers dans des films produits ici avec l’argent du Trésor public. Mais justement, faut-il différencier les cinéastes algériens partis s’installer en France, avec ou sans double nationalité, et les cinéastes franco-algériens étant nés là-bas, issus de parents émigrés ? 

La question s’adresse aux sociologues et pas aux cinéastes, mais dans ce lot de résidents en France, on peut en citer beaucoup, Merzak Allouache, Amine Sidi Boumediène, Lina Soualem, Elias Belkeddar et Mouloud Aït Lotna, seuls réalisateurs de films «algériens» à Cannes 2023, Nadir Moknèche, Rabah Ameur Zaïmèche, Sofia Djama, Rachid Bouchareb, Nadir Moknèche, Boualem Guerdjou, Hassen Ferhani, Lyès Salem, Malek Bensmaïl, Mohamed Lakhdar Tati ou Narimane Mari, sans parler des comédiens et comédiennes, d'Isabelle Adjani à Tahar Rahim, en passant par Nadia Kaci, ni des producteurs, monteurs, directeurs photo, ingénieurs du son ou perchmans. 

Vont-ils rentrer au pays au lendemain de la victoire de l’extrême-droite en France qui a largement marqué son hostilité aux musulmans, avec une dédicace particulière envers les Algériens, qu’ils soient de souche, binationaux, immigrés récents ou de longue date, clandestins ou bénéficiaires de «l’immigration choisie» ? Rien n’est moins sûr, chaque cas étant particulier, même si au début de l’année déjà, en compétition à Clermont-Ferrand (France), classé comme le plus grand festival du court métrage au monde, le jeune cinéaste franco-algérien Nasser Bessalah traçait le portrait d’un jeune couple (franco-algérien) en quête d’avenir, écartelé entre la France et l'Algérie à travers son film Rentrons. 

Dans ce road movie en mobylette diffusé à Béjaïa lors des 18e RCB (Rencontres cinématographiques), le réalisateur se posait déjà la question sur ce jeu en France de «l’intégration qui n’a pas forcément fonctionné», expliquant que le fait de vouloir rentrer est une tendance réelle : «Est-ce qu’on retourne dans le pays de nos parents ou de nos grands-parents pour essayer de faire quelque chose là-bas ?» Là-bas, c’est bien évidemment ici, de là où l’on parle ou l’on écrit, ici là-bas pour d’autres schizophrènes du milieu, l’Algérie étant cinématographiquement un lieu fantasmé ou rejeté, dernier refuge pour Omar la fraise qui en a fait un asile politique pour mafieux ou le lieu des possibles pour Le marin des montagnes, alias Karim Aïnouz, qui est Algérien sans être Français mais Brésilien. Oui, on s’en doutait, le sujet est compliqué mais il faut essayer. 
 

Évian II, le retour

«La vie est un train mais la locomotive affrontant les chocs et le dernier wagon susceptible de se détacher, il vaut mieux rester au milieu», explique un cinéaste des montagnes de Mansoura. On pourrait faire ce résumé et citer Train d’enfer, film de Roger Hanin, juif algérien qui a vécu en France en tant que Français crémieux, pas crémeux, mais qui a tenu à être enterré en Algérie pour manifester son respect à la terre de ses ancêtres, qui sont bien Algériens. Bref, un film de 1984 qui a 40 ans, à ne pas confondre avec Train d’enfer de 1965 avec Gérard Tichy (non il n’est pas de Béjaïa) au sujet d’un attentat contre l’Emir Ali Salem qui doit venir en France. 

Non, pour Hanin, c’est dans le train Paris-Lille que trois Français (souchiens, c’est-à-dire blancs ou caucasiens comme disent étrangement les Américains) agressent un jeune Arabe (Algérien) avant de le défenestrer, et une jeune femme témoin du meurtre dépose plainte, alors que les suspects, prévenus par un inspecteur, parviennent à disparaître. Tiré d’une histoire vraie, le film montre bien que le racisme ne date pas de 2024, lié au chômage, au climat, à la Russie ou au Covid, sauf que la victoire de l’extrême-droite ouvrirait le retrait possible de la bi-nationalité et la fin annoncée des Accords d’Evian du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles. Les cinéastes ? Comme tout cinéaste, ils réfléchissent et emmaganisent dans leur tête des images, comme celles des attaques de mosquées en France, et des sons, comme la parole raciste libérée, tout en envisageant des pogroms à venir. Mais ils sont encore peu nombreux à faire le pas (les élections n’ont pas encore eu lieu et il y aura deux tours, pas de manivelle mais de vote) et il est difficile de quitter sa zone de confort. 

Cas récent, Lina Derridj, actrice Netflix (The Ultimatum) qui travaille avec des productions US, a choisi de venir s’installer en Algérie. Dans une récente interview à TSA (Tout sur l’Algérie), elle explique, sans parler d’extrême-droite : «L’Algérie est un pays où je me sens tellement bien, c’est chez moi, il fait bon vivre, les gens sont accueillants et il y a du soleil pratiquement toute l’année.» 

Va-t-elle faire du cinéma ? Elle explique encore : «J’espère développer mon activité de nutritionniste et ma marque de robes de soirée et continuer mon lancement dans l’activité du cinéma.» Ce n’est qu’un cas, pas forcément représentatif, mais il y a pour les observateurs ce constat qui fâche derrière, ce sont bien les cinéastes issus de l’émigration et ceux qui vivent en France ou sont Franco-algériens qui ont eu le plus de prix dans les festivals internationaux. S’ils rentrent, que va-t-il se passer ? 

Moins de prix, plus de caméras, plus de professionnalisme, moins d’argent, plus de problèmes ? Personne ne le sait, et un comédien algérien qui tente de s’installer en France depuis quelques mois s’est d’ailleurs posé la question, «si tous ces cinéastes rentrent au pays, est-ce qu’il y aura plus de travail pour tout le monde dans le domaine ou moins ?»  
 

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