A chaque étape ses acteurs. C’est la vérité de Lapalisse et c’est ce qui s’est passé avant-hier en Tunisie avec le passage de relais entre Najla Bouden et Ahmed Hachani à la tête du gouvernement. C’est en ces termes que Kais Karoui, un activiste politique présenté hier par un animateur de la Radio IFM comme acteur dans l’entourage du président Kais Saïed s'est prononcé. «Non, Najla Bouden n’a pas démérité. Mais, elle n’est pas indiquée pour la prochaine étape, celle de l’édification du projet», a-t-il assuré. Kais Karoui faisait partie de l’équipe de campagne du Président lors des élections de 2019. Aujourd’hui, il est juste un activiste politique, fan de Kais Saïed. Les animateurs des radios et des télés se rabattent sur ces personnes, faute de structure officielle parlant au nom du Président.
Pour expliquer le changement, l’autre chroniqueur, Néjib Dziri, présenté également comme étant proche du président Saïed, assure que «le Président a décidé de passer à la vitesse supérieure, avec d’autres exigences qui ne correspondent plus au profil de Najla Bouden, ce qui ne veut nullement dire que Mme Bouden a échoué». «A chaque étape, son staff. Les équipes se relaient et l’Etat est unique», a-t-il ajouté. C’est dire que le président Saïed est passé de l’installation de son projet à sa mise en marche. «Pour mieux avancer, il faut insuffler du sang neuf», a encore dit Kais Karoui, convaincu que «c’est juste une nouvelle phase».
Pour le clan Saïed, ce n’est pas un signe d’échec, c’est plutôt «des corrections nécessaires pour améliorer les ratios et réaliser les objectifs».
Du côté de l’opposition, la chanson est autre, le président du Front de Salut, Ahmed Néjib Chebbia a considéré sur Radio IFM que «ce changement est caduc puisque Hachani est juste un camarade de promotion de Saïed». Le Front de Salut est certes la principale formation de l’opposition. Mais, les observateurs constatent que les manifestations de l’opposition ne réunissent plus que quelques dizaines de sympathisants. De son côté, le parti Chaâb, plutôt favorable au président Saïed, a considéré que «la nomination de Hachani ne répond pas à son désir d’installer un gouvernement politique», selon les dires de son dirigeant Mohamed Sillini, ex-ministre du Commerce.
Ce qui va changer
Dans la cérémonie de passation entre Bouden et Hachani, tenue hier au palais du gouvernement, sous la présidence du président Saïed, ce dernier a exprimé ses vifs remerciements à la partante pour la mission qu’elle a assumée avec bravoure. «La 1re femme arabe à assumer la présidence d’un gouvernement», n’a cessé de rappeler le président de la République. Il a assuré qu’elle continuerait à servir l’Etat à partir d’une autre fonction. Les propos de Saïed lors de la cérémonie de passation indiquent que Bouden a assuré la phase de transition, alors que va s’ouvrir maintenant la phase de réalisation du programme.
Saïed a envoyé trois principaux signaux. D’abord, vers les cartels et les lobbies qui essaient, par toutes les manières et à travers les réseaux inséminés dans l’administration, de bloquer les réformes et d’installer des troubles dans les circuits de distribution. «Pas de recul sur l’assainissement des circuits de distribution», a-t-il assuré.
Ensuite, et comme les lobbies ont des connexions dans l’administration, le Président a indiqué qu’il y aura «révision de toutes les nominations opérées durant la dernière décennie, afin d’extraire celles faites pour des allégeances politiques, voire même des diplômes falsifiés».
Enfin, il a lancé un appel clair aux chargés de fonctions. «Soit vous assumez vos responsabilités et vous signez les décisions prises, soit vous partez», a-t-il dit clairement. Il est donc clair que la mission de Hachani, c’est de remplir ces tâches après le bon travail de préparation de Bouden.
Le président Saïed a, pour une 1re fois, demandé aux Tunisiens de travailler et de créer des richesses pour contribuer à la résolution des problèmes du pays.
Qui est Ahmed Hachani ?
Ahmed Hachani a fait ses études à la faculté de droit et des sciences politiques et économiques de Tunis où il a obtenu une maîtrise en droit public entre 1980 et 1983. Durant son parcours universitaire, il a été trois fois major de sa promotion. Il a intégré la Banque Centrale de Tunisie où il a grimpé les échelons jusqu’au poste de directeur général des ressources humaines, sa fonction lors de son départ à la retraite. Ahmed est originaire de Gafsa et de mère française. Fait marquant de son CV, Ahmed Hachani est le fils de Salah Hachani, commandant de la cargaison de Gafsa, condamné à mort et exécuté en 1962 en marge du coup d’Etat manqué contre le président Habib Bourguiba. Sur son compte LinkedIn, il se définit comme un adepte de la laïcité de l’Etat, de la démocratie et de l’égalité des droits entre femmes et hommes. Il aime les chansons classiques, françaises, arabes et anglaises ainsi que le foot et le Tour de France de cyclisme avec Bernard Hinault comme idole.
Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami