L’opposition aux Comores a réclamé, hier, l’«annulation» de la présidentielle et dénoncé «une fraude grossière», au lendemain de l’annonce de la victoire au premier tour du sortant Azali Assoumani, alors que les forces de l’ordre sont déployées après des tensions dans la capitale.
Quelque 340 000 électeurs de l’archipel de l’océan Indien étaient appelés à se rendre aux urnes dimanche, pour élire leur président et les gouverneurs des trois îles qui composent le pays (Grande-Comore, Anjouan et Mohéli).
Le scrutin présidentiel a enregistré une participation exceptionnellement faible de 16,30%, selon la commission électorale (Céni), contrastant avec une première estimation publiée dimanche soir à plus de 60%. «Incontestablement, ces scrutins du dimanche 14 janvier 2024 ne sont pas valides.
Nous les dénonçons et demandons leur annulation pure et simple», ont déclaré dans un communiqué commun les cinq candidats rivaux d’Azali. Selon eux, les chiffres officiels de participation montrent qu’environ 2/3 des votants se sont prononcés pour élire leurs gouverneurs mais pas pour choisir leur président, ce qui «porte un sérieux coup à la véracité des différentes proclamations de résultats».
Quelque 189 497 votants ont voté pour leurs gouverneurs, mais seulement 55258 au scrutin présidentiel, selon les chiffres officiels. Un tel écart de participation est «impossible», estime l’opposition, et «une grossière fraude est ainsi établie».
L’opposition avait par ailleurs affirmé, dès dimanche, avoir constaté de nombreuses irrégularités pendant le vote et notamment des «bourrages d’urnes». Selon plusieurs opposants candidats, «des militaires ont interrompu le vote» en s’emparant des urnes dans plusieurs localités potentiellement favorables à des rivaux d’Azali.
Azali Assoumani, ancien militaire putschiste de 65 ans, a remporté 62,97% des voix, selon les résultats provisoires. Il doit ainsi rempiler pour un troisième mandat consécutif qui devrait le maintenir au pouvoir jusqu’en 2029. Les résultats provisoires des élections de dimanche doivent encore être validés par la Cour suprême, plus haute juridiction du pays de 870 000 habitants, dont 45% vivent sous le seuil de pauvreté.
Hier, la tension était palpable dans les rues de la capitale Moroni où policiers, gendarmes et soldats armés sont déployés en nombre. Des habitants ont dressé des barrages de fortune faits de morceaux de bitume, de pneus ou encore d’appareils électroménagers, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Ici et là, des militaires se sont chargés de déblayer les routes ou tentaient d’embaucher des passants : «Hé toi, enlève-moi ça et vite», ordonne un homme en treillis à un riverain. Régulièrement, les forces de l’ordre usent de gaz lacrymogène, incitant la population à déserter les rues.
Dans les ruelles du quartier populaire de la Coulée (nord), des groupes de jeunes ont jeté des pierres en direction des forces de l’ordre. «Tout le monde est parti. Je pars aussi, j’ai été aspergée de gaz lacrymogène», raconte à l’AFP Amina, une vendeuse du grand marché de Volo-Volo.
L’endroit habituellement animé est désert, les étals en bois laissés vides. Dans cette école de la capitale, personnels et élèves restent cloîtrés : «Nous sommes bloqués à l’intérieur de l’école, ils tirent du gaz lacrymogène», dit Abdereman Ben Said Ali, qui travaille dans l’établissement et évoque des élèves choqués.
Le porte-parole du gouvernement a dénoncé auprès de l’AFP des troubles qui ne sont pas «spontanés». «C’est organisé par ceux qui n’avalent pas la défaite», affirme Houmed Msaidie, évoquant des arrestations mais sans en préciser le nombre. La veille, il avait mis en garde : «Ils ont été vaincus (...) Qu’ils ne tentent pas d’être en colère, nous ne nous laisserons pas faire».