Dans cet entretien, le Dr Bouzina, cardiologue, revient sur les raisons de la hausse des maladies cardiovasculaires chez les jeunes. Il aborde les facteurs de risque et livre ses recommandations pour prévenir ces maladies.
Propos recueillis par Sofia Ouahib
Comment expliquer le nombre important d’arrêts cardiaques chez les jeunes ?
L’accumulation de données sur le sujet nous montre que les jeunes adultes souffrent davantage de problèmes cardiaques par rapport aux décennies précédentes. Ce phénomène inquiétant s’expliquerait par la dégradation des habitudes de vie, notamment le manque d’exercice et une mauvaise alimentation.
Avez-vous constaté une hausse des maladies cardiaques chez les jeunes ?
Effectivement ! Que ce soit dans mon cabinet et même au niveau de mon ancien service au CHU Nefissa Hamoud (ex-Parnet), j’ai noté une hausse des maladies vasculaires chez les patients jeunes.
Pourtant, ils ont du mal à aller consulter. Selon vous, pourquoi ?
Les patients jeunes ne consultent pas, et ce, pour plusieurs facteurs. Le premier est qu’ils ne se sentent pas concernés par les pathologies chroniques, comme l’hypertension, le diabète et les dyslipidémies du fait de l’évolution silencieuse de ces pathologies et l’absence de signes cliniques au stade précoce. Ensuite, il y a le manque de communication et de sensibilisation à ce sujet qui expliquerait le manque de consultations. Et enfin, le troisième facteur serait la difficulté d’accéder à des consultations spécialisées dans certaines zones.
Quelles sont les raisons qui peuvent expliquer la hausse des maladies cardiaques chez les jeunes ?
Il y en a plusieurs. Il y a d’abord la sédentarité en raison du manque d’activité physique. Il y a aussi la prise de poids et l’obésité. Le tabagisme fait aussi partie des facteurs qui expliqueraient la hausse des maladies cardiaques chez les jeunes. Autre facteur et non des moindres : l’augmentation de l’incidence des maladies chroniques, à savoir l’hypertension artérielle, le diabète, l’hypercholestérolémie.
Ces maladies apparaissent chez des patients de plus en plus jeunes, malheureusement, les jeunes ne sont pas conscients des risques.
Le changement de mode de vie en est donc pour beaucoup ?
Tout à fait ! Le changement du mode de vie est la principale cause de l’augmentation des maladies cardiovasculaires chez les jeunes. Il faut savoir que les jeunes s’exposent au risque de la détérioration de leur santé par manque d’activité physique ou un temps trop long passé assis. Lorsque le manque d’activité physique et l’excès de sédentarité sont cumulés, cela conduit à une augmentation du poids.
Ajouter à cela le tabagisme et une alimentation déséquilibrée, qui peut provoquer l'apparition de maladie chronique, comme l’hypertension artérielle, le diabète ou encore une dyslipidémie, la combinaison ne peut être que désavantageuse. C’est pourquoi, il est important de promouvoir un mode de vie sain.
Vous plaidez pour l’adoption d’un mode de vie sain. C’est-à-dire ?
Pour limiter cette hausse des maladies cardiaques chez les jeunes, il est effectivement important d’adopter un mode de vie sain dès le plus jeune âge. Cela consiste en, par exemple, l’adoption d’une alimentation saine et équilibrée. Je recommande également d’éviter les aliments gras, sucré et riches en cholestérol. Pratiquer une activité physique régulièrement est tout aussi important que le reste. Il faut compter au moins l’équivalente de 30 minutes de marche rapide par jour, au moins 5 jours par semaine ou l’équivalent de 25 minutes de courses au moins 3 jours par semaine. Et enfin, je conseille vivement aux jeunes d’arrêter la consommation de tabac.
Quelle est la différence entre l’arrêt cardiaque et la crise cardiaque ?
Une crise cardiaque survient lorsqu’une artère ou le vaisseau sanguin qui irrigue le tissu cardiaque est obstrué. L’apport en oxygène n’est alors plus suffisant et les cellules cardiaques meurent. Par contre, on parle d’arrêt cardiaque, lorsque le cœur cesse de battre et d’envoyer du sang et de l’oxygène vers les différents organes du corps. Finalement, une crise cardiaque peut provoquer un arrêt cardiaque, mais tous les arrêts cardiaques ne sont pas provoqués par une crise cardiaque.
Pensez vous que les jeunes peuvent, sans le savoir, être porteurs de maladies cardiaques non détectées ?
Effectivement ! Les jeunes peuvent être porteurs de maladies cardiaques non détectées, telles que des anomalies de structure congénitale, des anomalies valvulaires ou encore des anomalies des artères coronaires (congénitale ou secondaire à l’athérosclérose).
Qui sont les sujets les plus concernés ? Les femme ou les hommes ?
Les hommes sont généralement plus touchés que les femmes par les crises cardiaques. Toutefois, l’incidence chez les femmes augmente après la ménopause, en raison de certaines influences hormonales.
Existe-t-il des signes avant-coureurs avant qu’une crise cardiaque soudaine ne survienne ?
Oui ! Il existe des signes qui peuvent suggérer l’existence d’un problème cardiaque. Il y a par exemple l’essoufflement et les douleurs thoraciques qui peuvent irradier le bras, aller au cou, à la mâchoire ou aux épaules. Il y a aussi les douleurs épigastriques, accompagnées de nausées et vomissements.
Ces symptômes doivent amener le patient à consulter afin de rechercher une éventuelle pathologie cardiovasculaire.
Quels sont les plus grands facteurs de risque ?
Là aussi, il y en a plusieurs. Tout d’abord, le tabagisme. Ensuite, le diabète. Il y a aussi l’hypertension artérielle. L’obésité et la sédentarité font également partie des facteurs de risque. On peut aussi citer l’hypercholestérolémie ou encore les antécédents familiaux de maladies cardiaques précoces (<55 ans chez l’homme et < 65 ans chez la femme).
La Covid y est-il pour quelque chose ?
Selon certaines études, les personnes qui ont contracté la Covid-19 ont un risque augmenté de développer un trouble cardio-vasculaire dans l’année qui suit l’infection. Les troubles observés étaient de tous types, à l’exemple d’une anomalie du rythme cardiaque, des maladies thrombo-emboliques (thrombose veineuse profonde et embolie pulmonaire), un accident vasculaire cérébral (AVC), des Maladies coronariennes ou encore des crises cardiaques.
Les interventions cardiaques chez les jeunes patients sont-elles fréquentes ?
Bien que les pathologies cardiaques augmentent en fréquence chez les jeunes, les interventions cardiaques chez ces patients restent beaucoup moins fréquentes. La raison est que les interventions cardiaques résultent généralement de l’évolution à long terme et des complications des maladies cardiovasculaires.
Quelles sont vos recommandations afin de prévenir ces maladies cardiaques chez les jeunes ?
Le changement du mode de vie constitue la base de la prévention. Il est donc nécessaire de diminuer le poids et privilégier une alimentation pauvre en aliments gras et sucré. Je recommande aussi d’inclure dans l’alimentation des légumes verts, des céréales ainsi que des aliments riches en oméga 3.
Le sevrage tabagique est quant à lui plus que recommandé. La pratique d’une activité physique régulière, et enfin, un diagnostic et une prise en charge précoce de l’hypertension artérielle, du diabète et des dyslipidémies ne sont pas à négliger.