Djamal Eddine Akretche. Recteur de l’USTHB : «Il y a un dialogue permanent entre l’USTHB et les entreprises»

25/11/2024 mis à jour: 23:25
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photo : B. Souhil

Pour Djamal Eddine Akretche, recteur de l’université des sciences et technologies Houari Boumediène (USTHB), il y a nécessité de mettre en place des mécanismes pour renforcer la relation entre l’université et l’entreprise et accompagner les étudiants dans la concrétisation de leurs idées.

 

Propos recueillis par  Samira Imadalou

 

 

Au-delà de sa mission de formation, quel rôle pour l’université algérienne dans le développement de la culture de l’entrepreneuriat chez les étudiants ? 


Aujourd’hui, l’université a effectivement une nouvelle vision. Elle ne peut pas s’arrêter au rôle d’une université qui forme et délivre uniquement des diplômes. nous essayons de nous impliquer dans l’ouverture au secteur socio-économique pour insuffler cette culture d’entrepreneuriat chez les étudiants. C’est justement ce que nous avons fait à l’occasion de la semaine mondiale de l’entrepreneuriat. En fait, il s’agit d’apprendre à l’étudiant à ne plus avoir uniquement une position attentiste d’emploi mais prendre des initiatives en matière d’entrepreneuriat, être plus actif et penser à créer sa propre entreprise, que ce soit à travers une start-up, une micro-entreprise ou s’il peut une pme. selon la situation sociale et les ambitions de chaque étudiant. Il peut avoir des visions plus importantes.  Cela entre dans le cadre de la nouvelle méthode de formation. Donc, l’université est accompagnatrice dans ce sens. Si je parle de USTHB, on a carrément dédié un bâtiment, qui s’appelle start-up hall, où il y a actuellement trois incubateurs, un centre de développement de l’entrepreneuriat (CDE), un centre d’appui à la technologie et l’innovation et une salle de conférence où il y a des activités à longueur d’année entre formations et informations. Nous avons un certain nombre d’étudiants qui sont là et qui ont des idées qu’on essaye de concrétiser.


Quel est le bilan des idées concrétisées jusque-là et comment se fait le suivi ?

L’année dernière, nous avons enregistré 339 projets innovants. Cette année, nous en avons 250. Pour le suivi, il y a d’abord l’idée et il y a l’encadreur qui suit les étudiants pour développer leurs idées. Ensuite, lorsque l’idée est bien mise en place, nous encourageons les étudiants à déposer leur idée au niveau du ministère de l’economie de la connaissance, des start-up et des micro-entreprises. Une fois que le label innovant est obtenu, à ce moment-là, le projet peut être incubé pour devenir une start-up. 


Quid du financement ?

Le financement vient après. La phase la plus importante est de décrocher le label innovant. C’est à ce niveau qu’intervient l’aide de l’université et éventuellement celle de l’entreprise pour financer. Une fois que le projet est une start-up, le fonds des start-up débloque les aides aux porteurs de projets. 


A quel niveau interviennent les entreprises ?

C’est un peu notre politique actuellement. Nous essayons de créer ces relations, de signer des conventions et de ramener ces entreprises vers l’université. L’idéal, ce serait que l’entreprise exprime ses préoccupations, qui peuvent être soumises aux étudiants. A ce moment-là, les étudiants peuvent proposer des idées. Lorsque l’entreprise sélectionne l’idée, on peut avoir l’appui de cette entreprise via le financement pour l’incubation. Nous avons un exemple dans ce cadre. Nous avons en effet un incubateur que nous avons lancé avec le groupe Algérie Télécoms. 

A l’USTHB, nous lui avons consacré l’espace et le groupe a mis en place les moyens. Il va proposer ses problématiques et quand elles seront prises en charge par les étudiants, le groupe interviendra via le financement. Ce qui est intéressant aussi, c’est qu’à travers cette démarche, on sécurise la start-up ou la micro-entreprise qui sera finalement le premier client de l’entreprise. Ce sont des mécanismes que nous essayons de développer.


A travers les convections que l’USTHB a signées à l’occasion de la semaine de l’entrepreneuriat, peut-on réellement parler de la création d’un pont entre l’université et l’entreprise, sachant que depuis des années l’on évoque la nécessité de mettre en place cette passerelle, alors que sur le terrain, les résultats tardent à venir ?

C’est vrai, On en parle depuis toujours mais les exemples de concrétisation se comptent sur les doigts d’une seule main. On accuse trop souvent l’université d’être en décalage avec l’entreprise. Mais ce n’est pas le cas. Je vous donne un exemple : les informaticiens de l’USTHB sont recrutés à l’étranger. S’ils étaient en décalage, ils ne seraient même pas pris.  Pour réellement mettre en place ce pont, il y a des mécanismes qui se font ailleurs qui marchent bien et qu’on pourrait adapter chez nous.  Nous avons des titulaires de masters qui partent. Ils ont une bonne formation théorique donc une bonne base. Ils arrivent dans d’autres pays où le pont est direct. Dans ces pays, les entreprises expriment leurs besoins et les étudiants sont inscrits en masters professionnalisant. Ils font leurs stages au niveau des entreprises où ils sont supervisés et parfois recrutés. Donc, le problème est ailleurs.


Donc, il y a nécessité de mettre en place ce mécanisme qui ne fonctionne pas encore chez nous…

Certes, ce mécanisme marche très peu chez nous. Mais, à l’USTHB, nous l’avons tout de même réalisé en lançant certaines formations spécifiques. C’est le cas, à titre illustratif, pour le génie papetier, les médicaments, les télécoms où effectivement les étudiants sont pris automatiquement. Autre chose, nous essayons d’encourager à ce que les mémoires de fin d’études se fassent dans les entreprises. Nous arrivons à placer certains étudiants qui sont généralement recrutés par la suite. Mais, nous croulons sous le nombre. Nous avons annuellement entre 5000 et 6000 titulaires de master pour une moyenne de recrutement de 40%. 


Comment expliquer la mortalité des start-up ?

C’est un phénomène mondial. La procédure c’est de lier la start-up à l’entreprise pour essayer de sécuriser un peu son marché. Quand vous lâchez une entreprise avec son idée, même si elle est innovante, ce n’est pas sûr qu’elle puisse survivre, parce qu’il y a une concurrence rude. Vouloir faire des start-up un levier économique devrait prendre en considération la question selon laquelle chaque segment a un rôle à jouer dans l’économie. Même l’université, puisque nous développons l’employabilité d’une formation, nous restons toujours fournisseur de cadres et de talents. Les entreprises viennent par la suite. Tout dépend de leurs projets de développement
Notre secteur industriel a été décimé il y a quelques années, mais il est en phase de reconstruction, et dans cette reconstruction, il va y avoir un besoin de cadres et c’est là où l’université intervient pour fournir des cadres en adéquation avec les besoins de l’entreprise. 


Vous vous inscrivez dans cette démarche...

Justement, c’est pour cela qu’il y a un dialogue permanent qui se fait. A l’USTHB, nous avons reçu, par exemple, le directeur général du métro, qui a exprimé les besoins de l’entreprise en ingénieurs. En réponse, nous avons lancé des formations dans ce sens. Dans tout ce qui est mécanique ferroviaire notamment. Même sur l’automobile, nous avons lancé une formation en mécanique qui s’inscrit un peu dans le développement de cette filière. Il y a aussi une mise à jour de nos programmes. 

Ce n’est pas aussi simple que cela, mais nous le faisons pour pas mal de spécialités et, de temps en temps, nous offrons de nouvelles formations, particulièrement en master professionnalisant. C’est là où intervient la relation université-entreprise. Nous montons les programmes ensemble et nous lançons les formations ensemble. A ce niveau, nous avons plus de flexibilité que dans d’autres formations académiques où nous sommes un peu régis par l’harmonisation des programmes. 
 

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