Y a-t-il une pénurie des profs dans les établissements d’enseignement public ? Cette question est posée avec acuité à l’heure où le ministère de l’Education s’apprête à introduire l’enseignement de la langue anglaise au primaire, abandonnant le système exceptionnel de groupes et faisant appel, comme à l’accoutumée, aux contractuels pour pallier le manque d’enseignants dans les trois paliers de l’enseignement.
Au ministère de l’Education, l’on se défend de toute insuffisance dans les établissements publics, y compris d’enseignants d’anglais au primaire. «En un temps record, nous avons eu plus de 60 000 postulants pour l’enseignement de l’anglais au primaire, pensez-vous réellement que l’on puisse avoir une pénurie de profs ?», s’offusque-t-on au département de l’éducation. «Le fait est que nous avons classé les enseignants retenus par ordre de mérite et selon les communes.
Dans certaines communes, aucun poste n’a été pourvu mais cela sera vite rectifié en affectant des postes aux enseignants issus des communes les plus proches», nous explique-t-on, en soulignant que même dans les autres matières, il n’y a pas d’insuffisances dans la mesure où le ministère a ouvert des postes à la contractualisation.
Du côté des syndicats pourtant, l’on se plaint du fait que le manque de professeurs dans plusieurs matières et dans différentes régions du pays cause plusieurs problèmes liés notamment à la surcharge des classes et le surcroît des heures de travail des professeurs. «Le manque d’enseignants ne date pas d’aujourd’hui, cela fait maintenant plusieurs années que l’on subit ce problème», affirme Messaoud Boudiba, porte-parole du Cnapeste. Selon lui, le ministère travaillerait à la réduction des postes, plaidant pour «l’intégration des classes».
«C’est l’enseignant qui en subit les contrecoups à travers la surcharge des classes doublée d’une surcharge mentale», dit-il, en soulignant que l’un des symptômes de cette pénurie réside dans le recours à plus de 30 000 enseignants contractuels. «Ces problèmes empêchent les enseignants d’assurer leur mission dans de bonnes conditions», affirme-t-il, en précisant que le retour annoncé vers le système dit «normal» ne devra pas arranger les choses. «Après 3 ans de fonctionnement avec le système exceptionnel lié à la situation sanitaire, nous ne nous retrouverons pas dans la situation initiale mais au contraire dans une situation exceptionnelle nouvelle», analyse-t-il.
Zoubir Rouina, président du Conseil des enseignants des lycées d’Algérie (Cela) considère, pour sa part, que le département de l’éducation pèche par manque de stratégie et de vision dans le recrutement des enseignants. «C’est un secteur des plus sensibles dans lequel il n’est pas sensé de recruter des enseignants sans formation aucune. Gérer, c’est d’abord prévoir. Il est essentiel, selon nous, d’avoir une vision et des objectifs prédéfinis afin qu’au recrutement l’enseignant soit formé et prêt pour la mission qui lui sera confiée», affirme-t-il.
Et de poursuivre : «Une décision, aussi bonne soit-elle, appliquée dans de mauvaises conditions, entamera la crédibilité de l’Ecole algérienne. Il est important d’avoir les moyens de sa politique».
Selon lui, l’annonce de l’annulation de la retraite sans condition d’âge dans le secteur de l’éducation a fait fuir les enseignants qui avaient de l’expérience. «La contractualisation qui devait être une exception, notamment en cas de congé de maternité ou congé de maladie est devenue la règle dans ce secteur», estime Zoubir Rouina. Il craint aujourd’hui que l’abandon du système de groupes ait pour effet une surcharge des classes. Et de plaider : «Ce n’était pas ce système qui était mauvais, mais l’absence de mesures d’accompagnement ont fait que ce ne soit pas une opération totalement réussie. Il aurait fallu profiter de cette occasion pour recruter des enseignants.
Or, au lieu de cela, les responsables ont surtout pensé à l’incidence financière d’une telle démarche, préférant rajouter le volume horaire des enseignants et aller vers une contractualisation qui plonge ces derniers dans la précarité. Au final, on a préféré mettre en place des garderies au lieu d’aller vers une école publique de qualité».