Difficultés économiques, marasme social et crise migratoire : La Tunisie sous pression

15/04/2023 mis à jour: 01:59
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Se sentant indésirables, de nombreux migrants subsahariens ont décidé de quitter la Tunisie - Photo : D. R.

Nouveaux rebondissements dans la situation des Subsahariens en Tunisie, avec leur blocage de l’entrée du bureau de l’UNHCR à Tunis, ce qui a provoqué un appel de détresse de la responsable du bureau et une intervention musclée de la police mardi dernier, 11 avril, pour dégager les lieux. Depuis, un communiqué flou de l’UNHCR-Tunis et des précisions côté tunisien. Retour sur l’histoire des Subsahariens avec la Tunisie.

La présence subsaharienne en Tunisie est devenue visible depuis l’exode massif de la Libye, début 2011, et le fameux dossier des réfugiés du camp de Choucha, aux frontières tuniso-libyennes, qui a défrayé la chronique depuis 2011 jusqu’à très récemment. Leur présence en Tunisie s’est développée ces trois dernières années avec une attitude flottante des autorités tunisiennes, oscillant entre la tolérance et la sanction des traversées clandestines.

Mais, voilà que la situation se complique mardi 11 avril avec l’attaque violente de groupes de Subsahariens contre le bureau de Tunis du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), devant lequel ils étaient en sit-in depuis 20 jours pour demander la régularisation de leur situation. Les réfugiés ont perdu patience de trouver suite à leurs demandes d’asile.

Les portes du bureau onusien ont été vandalisées en début de matinée de mardi dernier et les employés ont été empêchés de rejoindre leurs bureaux. La représentante légale de l’UNHCR, Monica Noro, a dû porter plainte contre les agresseurs à la police locale du Lac I.

Comme le bureau de l’UNHCR est une représentation diplomatique, la police a requis l’avis du parquet avant de charger ces sitinneurs et dégager l’accès de l’UNHCR. Les forces de l’ordre ont essayé d’abord à négocier avec les sitinneurs. Face au refus de ces derniers de libérer les lieux, les brigades spéciales ont dispersé le sit-in par la force et démantelé le campement de fortune, installé sur les lieux depuis une vingtaine de jours.

Les migrants irréguliers/réfugiés ont réagi violemment à cette descente de police en usant de pierres pour s’attaquer à tout le monde. Des vitres d’une vingtaine de voitures ont été brisées et la police locale a procédé à l’arrestation d’une trentaine d’individus présumés responsables de ces agressions, selon les chiffres de Faker Bouzgaya, le porte-parole du ministère tunisien de l’Intérieur.

Les rebondissements nés de la plainte de l’UNHCR à la police tunisienne a poussé l’office onusien à publier un communiqué mardi soir pour appeler à la désescalade. «Bien que l’UNHCR comprenne les craintes et les frustrations de ceux qui manifestent et respecte leur droit à manifester pacifiquement, conformément aux lois nationales, nous condamnons les récents incidents survenus dans nos locaux par un groupe de manifestants», lit-on dans le communiqué, qui appelle également à «la nécessité d’un dialogue permettant d’aboutir à des solutions significatives et pacifiques, comme cela a été proposé à plusieurs reprises depuis le début de la manifestation».

Les représentants de l’UNHCR ont, à plusieurs reprises, parlé avec les sitinneurs durant les vingt premiers jours du sit-in.

Les propos flous du communiqué concernant l’intervention de la police ont poussé le ministère tunisien des Affaires étrangères à publié mercredi matin un communiqué pour dire, explicitement, que c’est l’UNHCR-Tunis qui a réclamé l’intervention de la police. Au-delà de ces récents incidents, les migrants concernés ne se sentent pas satisfaits en Tunisie, un pays de transit à leurs yeux.

Tracas

Michel Dyouri, réfugié ivoirien de 29 ans, installé en Tunisie depuis 2019, constate que la situation s’est relativement compliquée ces derniers temps. «Les services de l’UNHCR et des autres organisations en charge des réfugiés sont certes meilleurs à Tunis que dans le Ghana ou chez nous en Côte d’Ivoire. Toutefois, je n’ai pu obtenir qu’une carte provisoire de séjour et je n’ai pas le droit de travailler», a-t-il expliqué à El Watan, en exprimant le vœu de continuer son chemin et partir en Europe, pour plus de stabilité.

La Tunisie, pour eux, n’est qu’une étape, comme ce fut le cas lors de la fameuse vague de réfugiés lorsque le pays avait dû gérer les retombées de la révolution libyenne en 2011. En 2011, des centaines de milliers de réfugiés ont déferlé vers la Tunisie. Un grand camp, dénommé camp de Choucha, d’une capacité de plusieurs dizaines de milliers de réfugiés, a été installé près des frontières tuniso-libyennes. L’UNHCR a officiellement fermé le camp en juin 2013.

Des milliers de réfugiés de diverses nationalités (Bengladesh, Vietnam, Inde, Nigeria, Cameroun, etc.) ont été dispatchés dans plusieurs pays. Néanmoins, l’organisme onusien a dû continuer à suivre plusieurs centaines de réfugiés restés en Tunisie dans des campements de fortune, puisque leurs demandes d’obtention de statuts de réfugiés n’ont été acceptées par aucun pays.

En 2022, le site Info-migrants a rapporté plusieurs fois des informations sur les migrants/réfugiés à Zarzis (50 kilomètres des frontières libyennes) et leurs manifestations courantes devant le bureau local de l’UNHCR, qui ne dispose pas de budget pour les derniers rescapés du camp de Choucha. C’est dire que la question est récurrente en Tunisie. 
 

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