Deuxième tour de la présidentielle en Turquie : Recep Tayyip Erdogan revendique la victoire

29/05/2023 mis à jour: 09:17
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Plus de 80% des bulletins font ressortir que Erdogan recueille plus de 53% des suffrages exprimés

Selon l’agence officielle Anadolu, après le dépouillement de plus de 80% des bulletins, le chef de l’Etat au pouvoir depuis vingt ans recueille plus de 53% des suffrages exprimés, contre moins de 47 à son rival social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu. Ces chiffres ont été publiés deux heures après la clôture du vote. De son côté, l’agence de presse Anka, proche de l’opposition, place les deux candidats quasiment à égalité sur 87% des bulletins : 50,02% des voix à K. Kiliçdaroglu contre 49,98% pour R. Erdogan.


Lors du premier tour, Erdogan a obtenu 49,5% des voix et son adversaire, 44,9%, soit 2,5 millions de voix d’écart entre les deux. L’ultranationaliste Sinan Ogan est arrivé en troisième position avec 5,2% de voix. Lundi dernier, il a annoncé son soutien à Erdogan. Ce dernier s’est présenté à cette consultation sous la bannière de l’Alliance populaire : une coalition composée de sa formation, le Parti de la justice et du développement (AKP), le Parti d’action nationaliste, (MHP) d’obédience ultranationaliste, le Parti de la prospérité (RP), le Parti de la cause libre (Hüda Par), le Parti de la grande union (BBP) ou le Parti démocratique de gauche (DSP). Député, puis président du Parti républicain du peuple (CHP, parti kémaliste, à l’origine de la fondation de la République), K. Kılıçdaroglu s’est fait connaître du grand public en dénonçant plusieurs affaires de corruption impliquant des proches du pouvoir.

 En 2017, il est à la tête d’une marche pour la justice reliant Ankara à Istanbul contre les purges massives menées par le gouvernement à la suite du putsch militaire raté de juillet 2016. Pour ce scrutin, il s’est présenté comme dirigeant d’une coalition de six partis, nommée l’Alliance de la nation : le CHP, le Bon Parti (Iyi), le Parti de la félicité (SP), le Parti de la démocratie et du progrès (Deva), le Parti de l’avenir (GP) et le Parti démocrate (DP). Il a en outre reçu le soutien du parti prokurde HDP, troisième force politique du pays.

 Il s’est notamment engagé à ne pas confisquer le pouvoir après avoir «restauré la démocratie», d’abandonner le régime présidentiel introduit en 2018 et le retour à la séparation des pouvoirs. Il compte ainsi revenir à un système parlementaire dans lequel les pouvoirs de l’exécutif seront confiés à un Premier ministre élu par le Parlement. Mais, à voir les résultats du premier tour, il n’a pas suffisamment capitalisé la grave crise économique qui continue à sévir parmi les ménages turcs et la jeunesse qui s’ajoute à la répression frappant des pans importants de la société.

L’avance au premier tour de Erdogan traduit le large soutien que lui accorde, malgré l’inflation, une large partie de l’électorat. Y compris dans les zones dévastées par le séisme du 6 février qui a fait au moins 50 mille morts et trois millions de déplacés. Une catastrophe mal gérée, ce qui a contraint le président-candidat à demander «pardon» pour les retards dans l’arrivée des secours.

Une longue marche

Devenu Premier ministre en 2003, Erdogan a fait accéder son pays au groupe des vingt pays les plus riches (G20). Mais dix ans après, la situation économique se détériore. Entre temps, la contestation sociale menace le pouvoir en place. En mai 2013, la police déloge brutalement plusieurs centaines de personnes campant près de la place Taksim d’Istanbul contre un projet d’aménagement urbain. Pendant les trois semaines qui suivirent, quelque 2,5 millions de personnes manifestent pour exiger la démission d’Erdogan, accusé de dérive autoritaire et de vouloir «islamiser» la société. En août 2014, Erdogan est élu chef de l’Etat, lors du premier scrutin présidentiel au suffrage universel direct. Aux législatives de juin 2015, l’AKP arrive en tête, mais sans majorité absolue.

 De nouvelles élections sont convoquées en novembre, remportées par l’AKP. En pleine crise des réfugiés fuyant la Syrie, Ankara et l’UE concluent, en mars 2016, un accord controversé permettant de limiter les arrivées de migrants en Europe. Et dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, une tentative de coup d’Etat par une faction de l’armée fait 250 morts. Elle est imputée par Ankara au prédicateur Fethullah Gülen, installé aux Etats-Unis, qui nie toute implication. Des centaines de généraux, juges et procureurs sont arrêtés pour leur soutien présumé. 

L’épuration s’étend à la police, à l’enseignement et aux médias. Le 20, l’état d’urgence est instauré. Le 24 juin 2018, Erdogan est réélu président lors d’un scrutin marquant le passage à un nouveau régime où le chef de l’Etat concentre tout le pouvoir exécutif. En juillet, l’état d’urgence est levé. Le 31 mars 2019, l’AKP arrive en tête à l’échelle nationale aux municipales, mais perd Ankara et Istanbul. L’élection est invalidée à Istanbul après des recours de l’AKP. Le 23 juin, l’opposant Ekrem Imamoglu réédite sa victoire dans la capitale économique, infligeant à Erdogan son pire revers électoral depuis l’arrivée au pouvoir de son parti. A l’été 2020, le Parlement vote une loi renforçant les pouvoirs des «vigiles de quartier», puis un texte renforçant le contrôle des réseaux sociaux. Fin décembre, la Cour constitutionnelle juge légale la détention prolongée de l’homme d’affaires et philanthrope Osman Kavala, qui sera condamné à la perpétuité en 2022. 

En mars 2021, la Turquie annonce qu’elle va se retirer de la Convention dite d’Istanbul contre les violences à l’égard des femmes. En octobre, le Parlement adopte une loi sur la désinformation, qui permet notamment d’inculper l’opposant social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu.

 Le maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu, candidat potentiel à la présidentielle, est condamné, fin 2022, à plus de deux ans de prison et d’interdiction de mandat politique pour «insulte à des responsables». Il a fait appel. En janvier dernier, la Cour constitutionnelle prive de subventions publiques le HDP pro-kurde, troisième parti du pays.
 

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