Des milliers de personnes ciblées pendant une distribution d’aide : Carnage à Ghaza

02/03/2024 mis à jour: 00:21
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Photo : D. R.

112 Palestiniens ont été tués et 780 autres blessés alors qu’ils tentaient d’obtenir de l’aide humanitaire à Ghaza. Présenté par l’Algérie, un projet de déclaration tenant Israël pour responsable de ce carnage a été bloqué par les USA, lors d’une réunion à huis clos du Conseil de sécurité, tenue à la demande de l’Algérie. Hier, celle-ci est revenue à la charge en soumettant le même texte, soutenu par 14 membres du Conseil.

Ils étaient des milliers de Ghazaouis, au cours de cette nuit du mercredi à jeudi, à s’être rassemblés au sud-est de Ghaza, pour accueillir les quelques convois humanitaires, qu’Israël a laissé entrer sous la pression internationale, notamment depuis que la famine a emporté des nourrissons et des adultes.

Aussitôt des grappes humaines arrivaient de partout pour rejoindre les camions, au rond-point Al Nabulsi, dans la rue Al Rashid, une route côtière majeure à l’ouest de la ville de Ghaza, au nord de l’enclave. De plus en plus dense, la foule a pris d’assaut les premiers camions.

A peine quelques personnes ont pris les premiers colis, que des tirs d’armes lourdes ont retenti, provoquant des scènes hallucinantes, filmées et diffusées sur les réseaux sociaux en temps réel. Il était 4h passées de quelques minutes.

Les images et le son sont parlants. Des cris de douleur, mêlés à ceux de la colère sur un fond des sifflements des balles, et des centaines de personnes courant dans tous les sens, enjambant des corps ensanglantés, certains inertes, d’autres encore en vie. Des témoignages glaçants et des appels aux secours circulent en boucle sur toutes les plates-formes numériques.

Les victimes, toutes blessées par balles, parlent de tirs de drones, de chars, mais aussi des armes détenues par des militaires positionnés autour du point d’accès des convois humanitaires. Certaines vidéos montrent des scènes chaotiques. Une boucherie que les âmes sensibles ne peuvent voir.

Le premier bilan, rendu public par le ministère palestinien de la Santé, fait état de 112 morts et 760 blessés, transférés dans des conditions surréalistes, au complexe médical Al Shifa, Kamal Adwan et Al Awda, au nord de Ghaza, précisant que «le nombre de martyrs est susceptible d’augmenter, compte tenu de la présence d’un certain nombre de blessés, des cas critiques, de la grande pénurie de fournitures et de médicaments et du manque de personnel médical».

Le bilan est revu à la hausse quelques heures après, par le ministre du gouvernement intérimaire, Muhammad Shtayyeh, qui commence par décrire la tuerie de «massacre» commis «contre des personnes affamées en quête de nourriture» et a avancé un bilan de «109 morts et 800 blessés (…), ce qui n’a jamais été vu dans l’histoire moderne». L’information choque le monde entier.

Elle suscite de nombreuses réactions, dénonçant le carnage commis par l’armée sioniste, laquelle, dans un premier temps, nie être à l’origine de cette boucherie. Tel-Aviv affirme que les morts sont le fait «d’une bousculade», au moment où le camion a foncé sur la foule. Pour argumenter cette thèse, Israël diffuse des images vidéos de drone au moment des faits.

Malheureusement pour lui, ces images montrent une foule qui entoure les camions et des scènes de personnes qui partaient dans tous les sens, fuyant les camions, ce qui prouvent que les tirs ne provenaient pas de ces engins. Donc comment peuvent-ils les écraser ? Sur les vidéos, des tirs nourris sont bien audibles.

Quelques temps après le massacre, Israël reconnaît dans une autre déclaration du porte- parole de son armée, qu’il «y a eu des tirs de soldats qui se sont sentis menacés en voyant des civils les approcher». Une thèse qu’une grande partie de la communauté internationale n’a pas crue, puisque de nombreux pays dénoncent «un crime odieux contre des civils affamés en raison du blocus, des bombardements et des déportations forcées».

«La vie à Ghaza exhale son dernier souffle»

Le coordonnateur humanitaire de l’ONU, Martin Griffiths, déclare sur son compte X (anciennement Tweeter) que «la vie à Ghaza exhale son dernier souffle d’une manière terrifiante», puis ajoute : «Je suis furieux des informations selon lesquelles des centaines de personnes ont été tuées et blessées lors d’une opération de livraison d’aide humanitaire à l’ouest de Ghaza.»

Lui emboîtant le pas, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, exprime sa condamnation et appelle à «une enquête indépendante», alors que son porte-parole, déclare que l’incident s’était produit dans des «circonstances épouvantables», en précisant que les équipes de l’ONU «n’étaient pas présentes lors de la distribution de l’aide».

Il souligne que «les civils désespérés de Ghaza ont besoin d’une aide urgente, y compris ceux qui sont bloqués dans le nord, où l’ONU n’a pas pu fournir d’aide depuis plus d’une semaine», tout en réitérant l’appel de Guterres à un cessez-le-feu immédiat. Pendant que les réactions se poursuivent et à la demande de l’Algérie, le Conseil de sécurité de l’ONU se réuni à huis clos.

Une réunion, tenue après une rencontre qui a regroupé la présidente de cet organe, le représentant de l’Etat de Palestine à l’ONU, l’ambassadeur Riad Mansour, et celui de l’Algérie, Amar Bendjama, autour du massacre et des responsabilités du Conseil de sécurité à cet égard. Les deux diplomates plaident pour une déclaration de condamnation d’Israël par le Conseil de sécurité mais aussi par le secrétaire général de l’ONU et le président de l’Assemblée générale.

Un avant-projet de déclaration, présenté par l’Algérie, «tient Israël directement responsable de la mort de plus de 100 personnes et des 750 blessés, lors d’un rassemblement pour obtenir de l’aide dans la Bande de Ghaza, lui fait obligation de maintenir tous les points de passage ouverts et à en ouvrir davantage pour acheminer une aide alimentaire humanitaire d’urgence à Ghaza et indique la nécessité de astreindre toutes les parties au droit international et d’épargner les civils des hostilités». Le projet fait état de «l’inquiétude quant au fait que plus de deux millions de Ghazaouis sont confrontés au risque d’insécurité alimentaire».

Malheureusement, ce projet de déclaration n’a pu aboutir. Il a été bloqué par les Etats-Unis, fervent allié d’Israël. Un blocage qui fait dire au représentant de la Palestine : «Ce massacre brutal est la preuve que tant que le Conseil de sécurité est paralysé et que le veto est imposé, les Palestiniens le paieront de leur vie.»

Une déclaration faite à la presse, au siège de l’ONU, à New York, Mansour révèle avoir rencontré la représentante américaine auprès de l’ONU, l’ambassadrice Linda Thomas-Greenfield, à laquelle il a «exigé que le Conseil de sécurité prenne des mesures pour condamner le massacre de la rue Al Rashid.

Le Conseil de sécurité doit dire que ça suffit (…) S’ils ont le courage et la détermination d’empêcher la répétition de ces massacres, alors ce dont nous avons besoin, c’est d’un cessez-le-feu». Hier, l’Algérie est revenue à la charge, en déposant devant le Conseil de sécurité, le même projet de déclaration pointant du doigt Israël, pour la boucherie de mercredi, soutenu par quatorze membres sur quinze.

Seul les Etats-Unis restent, comme toujours, opposés à une quelconque dénonciation des actes d’Israël. La réunion est à huis clos, et jusqu’en fin de journée rien n’a filtré. 

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