Instauré début août 2024 au rythme d’un auteur toutes les trois semaines, l’atelier Si Amer Boulifa de littérature amazighe d’Agouni Fourrou, dans la région des Ouacifs, boucle son septième mois avec une dizaine d’auteurs déjà invités.
L’atelier Si Amer Boulifa de littérature amazighe d’Agouni Fourrou, dans la région des Ouacifs, au sud de la wilaya de Tizi Ouzou, vient de boucler son septième mois avec une dizaine d’auteurs déjà invités. Une longévité somme toute relative qui fait de lui l’un des rares «îlots» dédié au débat littéraire. Instauré début août 2024 par l’association culturelle locale Tanekra, ce rendez-vous littéraire est en train de se faire une place dans le microcosme éditorial de la wilaya, notamment celui en langue amazighe. Occupant une place de choix dans la vie culturelle et servant de passerelle entre les auteurs et leurs lecteurs, ce café littéraire sert également de lieu de rencontre et de partage où discussions et échanges autour des livres, des idées et des tendances culturelles s’épanouissent et prospèrent dans un cadre convivial.
Sauf et c’est ce qui distingue ce rendez-vous littéraire des autres cafés littéraires qui sont organisés par des institutions culturelles et académiques, c’est qu’il se tient dans un village de hautes montagnes et est exclusivement dédié à la littérature amazighe. Un double choix «mûrement réfléchi», affirme Hacène Kashi, coordinateur de l’atelier qui explique que le projet était le «fruit de plusieurs mois de réflexion avec mon ami Mohammed Kebci, période le long de laquelle nous avons pesé et soupesé les avantages et les inconvénients de tels choix qui relevaient, en fait, d’une conviction partagée. Nous avons également sollicité d’autres amis et nous avons fini par nous lancer dans ce qui s‘apparentait à une aventure que nous tenions à ce qu’elle dure». «Et les paramètres qui revenaient dans nos concertations et nos échanges avaient trait d’abord à l’audience que le projet susciterait parmi les populations et ensuite à l’intérêt pas évident des auteurs à inviter», poursuit notre interlocuteur.»
Autant de «potentiels écueils» qui n’ont pas été pour démotiver le duo qui a, alors, décidé de «forcer le destin», encouragé qu’il était, par les «engagements» de présence de nombre d’auteurs sollicités. Quant au facteur assistance, Kashi affirme : «Nous être fiés à l’expérience des autres cafés littéraires de par le monde qui se déroulent en présence souvent d’une «assistance limitée.» Une présence réduite qui a l’avantage d’être «intéressée», soutient-il, comme pour reprendre le témoignage d’une dame, amie de l’association et qui anime un café littéraire dans un village près de Lyon, en France où elle est établie depuis des années.
Projet d’une résidence d’écriture
Et les tout premiers numéros de ce rendez-vous régulier, puisque se tenant toutes les trois semaines en alternance avec de similaires ateliers dédiés à d’autres volets culturels entre autres à la poésie, à la chanson, au cinéma et tout récemment aux contes, ont donné raison aux porteurs du projet, satisfaits de la présence «surtout régulière d’une assistance acceptable, dont désormais, des habitués de ce rendez-vous». «Nous avons instauré une feuille de présence qui nous a permis de nous rendre compte au bout de dix haltes de plusieurs facteurs encourageants», affirme Kashi. Notre vis-à-vis dit se fier donc, à la «présence régulière d’une trentaine de citoyens presque les mêmes et dont beaucoup de femmes, en sus de la venue ces derniers temps, de nouveaux visages qui viennent ainsi renforcer l’assistance, nous donnant du baume au cœur et nous confortant dans notre démarche». «Des faits conformes à nos prévisions tant il s’agissait pour nous, d’abord d’intéresser un certain nombre de personnes ciblées, les fidéliser ensuite et, enfin, capter d’autres personnes au fur et à mesure que ce rendez-vous littéraire gagne en notoriété en dehors du village grâce aux réseaux sociaux, à l’accompagnement médiatique dont il bénéficie de la part de médias comme la radio locale et votre quotidien que nous remercions infiniment.»
Concernant «l’exclusivité» de cet atelier dédié à la seule littérature amazighe, le coordinateur dudit atelier dit avoir été un «très bon choix» puisqu’il constitue une «fenêtre aux auteurs qui écrivent dans cette langue et leur donne davantage de visibilité surtout avec l’aura dont il est accrédité».
«Les auteurs que nous sollicitons répondent favorablement et avec un grand plaisir à nos invitations tant il s’agit pour eux d’une expérience inédite de rencontrer des lecteurs dans un village qu’ils découvrent à l’occasion. Tous les auteurs qui sont déjà passés nous ont promis d’y revenir avec leurs nouveaux projets de livres, beaucoup d’entre eux ont tenu à faire don de certains de leurs ouvrages au profit de notre bibliothèque que nous sommes en train de constituer», ajoute encore notre interlocuteur pour qui le «défi est maintenant de consolider cet acquis en pensant à le renforcer par d’autres activités annexes comme, par exemple, l’organisation d’une résidence d’écriture en tamazight qui viendront renforcer les deux initiatives déjà lancées à savoir le concours Bélaid Ath-Ali de dictée en tamazight et le prix Mouloud Mammeri de lecture en tamazight que nous organisons annuellement depuis trois ans».
Pourquoi Si Amer Boulifa
Concernant, la dénomination de cet atelier, Kashi soutient «qu’elle coule de source» tant Si Amar Boulifa, ce natif d’Adeni, dans la région de Larbaa n At-Irathène en 1863, fait office de «précurseur berbériste». Ayant eu l’immense chance de se faire scolariser par, son oncle maternel à Tamazirt Ourabah, la toute première école française ouverte en Kabylie en 1973 il deviendra instituteur, formé qu’il était à l’école normale de Bouzérah, à Alger vers 1890. Ceci avant de devenir par la suite linguiste, sociologue et historien à la Faculté des Lettres d’Alger. Il prit sa retraite en 1929 et mourut le 8 juin 1931 à l’hôpital Mustapha Pacha et est inhumé au cimetière de Saint-Eugène près de Bab el Oued, à Alger, laissant derrière lui une œuvre monumentale brassant plusieurs volets. Ainsi, en linguistique amazighe, il a écrit Textes berbères en dialectes de l’Atlas marocain, Paris 1908, 388 p. Une première année de langue kabyle (dialecte Zouaoua), A l’usage des candidats à la prime et au brevet de kabyle, Alger 1897 (2. éd. 1910), 228 p, et Méthode de langue kabyle (cours de deuxième année), Alger 1913, 544p. En littérature amazighe, le défunt est l’auteur de Recueil de poésies kabyles. Texte Zouaoua traduit, annoté et précédé d’une étude sur la femme kabyle et d’une notice sur le chant kabyle (airs de musique), Alger 1904, 555 pp. (rééd. Awal, Paris, 1990), de «Manuscrits berbères du Maroc, in Journal asiatique 10/6, Journal 1905)».
Dans le domaine de l’archéologie, Boulifa a écrit L’Inscription d’Ifigha, in «Revue archéologique juillet-décembre 1909, «Nouveaux documents archéologiques découverts dans le Haut-Sébaou» in Revue africaine n°55, 1911, Nouvelle mission archéologique en Kabylie in Bulletin archéologique du comité des travaux historiques et scientifiques, Paris, 1912. Le fils des At-Irathène a été également historien puisqu’il a écrit quatre ouvrages : Mémoire sur l’enseignement des indigènes de l’Algérie, in Bulletin de l’enseignement des indigènes, Alger, Jourdan, 1897, Le kanoun de la zaouia de Sidi Mansour des Ait Djennad, Mélange René Basset, Tome I, Paris, Leroux, 1923, Le kanoun d’Adni, texte et traduction avec une notice historique, in Recueil de Mémoires et de textes, XIVe Congrès International des Orientalistes, Alger 1905, p. 15-27 et «Le Djurdjura à travers l›histoire depuis l›Antiquité jusqu›en 1830 : organisation et indépendance des Zouaoua (Grande Kabylie)», Alger 1925, 409 pp. M.K.