Très attendue, la première confrontation télévisée entre les deux candidats à la Maison-Blanche semble avoir clairement tourné en faveur du bulldozer Donald Trump face à un Président sortant qui a paru plus que jamais fragilisé.
La situation au Proche-Orient, avec la poursuite de la guerre criminelle livrée aux populations désarmées de Ghaza, est déclassée des priorités américaines. Plus le 5 novembre, date de la présidentielle, se rapproche, plus le conflit sanglant et son corollaire de désastre humanitaire se voient relégués à l’arrière- plan dans l’agenda de Washington.
Le sujet a été un levier accessoire sur lequel se sont appuyés les deux vieux concurrents, démocrate et républicain, pour marquer leurs différences d’approche, confirmant par-là même leur accord sur le soutien inconditionnel à l’Etat hébreu.
Crise de l’immigration, l’inflation et la guerre en Ukraine ont constitué les gros dossiers du premier duel télévisé, mais l’un et l’autre ont dû placer des mots sur la question palestinienne. «Il est devenu comme un Palestinien, mais ils ne l’aiment pas parce que c’est un très mauvais Palestinien, un Palestinien faible», balance Trump retenant de la gestion de son concurrent une ambiguïté, un tâtonnement et un manque d’engagement aux côtés d’Israël qui ne travaillent même pas les intérêts des Palestiniens.
L’ancien président américain assène que lui au pouvoir, il aurait soutenu les options militaires de Tel-Aviv et lui aurait permis de mener à bout sa guerre contre à Ghaza. De plus, il affirme que dans l’absolu, la constitution d’un Etat palestinien n’est pas forcément une bonne idée, mais promet d’étudier encore plus la question s’il était réélu à la Maison-Blanche.
L’homme reste ainsi fidèle à une ligne de conduite qu’il a eu l’occasion de mettre en œuvre en tant que Président en mai 2018, en transférant l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à El Qods, marquant ainsi son appui aux visées de l’Etat hébreu de faire de la ville sainte revendiquée par les Palestiniens sa capitale politique.
Joe Biden, qui est confronté, depuis au moins le début de l’année, à un mouvement de protestation d’une partie de la jeunesse américaine contre son soutien à Israël, a dû réitérer qu’il a veillé depuis octobre dernier à appuyer l’Etat hébreu, même s’il a dû formuler des réserves sur sa conduite de la guerre et interpeller son gouvernement sur la nécessité d’épargner les civils.
Biden (déjà) hors course ?
Dans la foulée, le Président sortant s’est débrouillé pour, une nouvelle fois, accabler le Hamas comme étant la partie qui cherche à tout prix à prolonger le conflit et à bloquer le processus de négociations pour un cessez-le-feu. En somme, les Palestiniens de Ghaza devraient s’attendre à ce que leur aspiration à la souveraineté soit encore davantage compromise et leur martyre se poursuivre, quel que soit le vainqueur de l’élection de novembre.
Très attendue, la première confrontation télévisée entre les deux candidats à la Maison-Blanche, avant-hier, semble avoir clairement tourné en faveur du bulldozer Donald Trump.
Pour autant, ce ne sont pas les performances de ce dernier qui ont fait pencher la balance, s’accordent à relever les commentateurs, mais la fort pâle prestation de Joe Biden qui a conforté à l’occasion toutes les craintes formulées quant à ses capacités physiques et cognitives à bien tenir un débat et surtout à prétendre à encore présider aux destinées d’un pays dont la démesure est la marque de fabrique et le poids diplomatique, économique et militaire décide largement des équilibres du monde.
Tout s’est joué sur la forme donc, puisque la confusion, la mauvaise diction et la petite forme de Joe Biden ont réduit à néant ses arguments devant un concurrent qui s’est montré en possession de tous ses moyens, faisant oublier son manque de maîtrise des dossiers et l’avalanche de fake news dont il a fait usage comme contre-argument.
Grand dilemme chez les démocrates
La presse mondiale, reprenant des spécialistes de la politique américaine ou des soutiens du Président sortant, n’a pas hésité sur les mots : «désastre» pour Biden, «naufrage» et «panique» dans le camp démocrate. Cité par l’AFP, un éditorialiste du prestigieux New York Times et «ami» du Président sortant a écrit hier avoir «pleuré» de suivre en direct un homme embrouillé, cherchant les mots et subissant l’aplomb de son vis-à-vis. «Joe Biden, un homme bien, un bon président, n’est pas en position de briguer une réélection», tranche-t-il.
La contre-performance est telle, que des voix se libèrent de leur réserve et évoquent la nécessité de préparer un autre candidat, d’ici la convention des démocrates en août prochain, pour remplacer Biden à la dernière minute. De gros donateurs, avant même que le débat de jeudi soir ne se termine, auraient exprimé le vœu que la direction du parti fasse quelque chose pour éviter la débâcle, en reportant le choix sur un présidentiable «capable de gagner» en novembre prochain, suggérant que leur contribution financière en était désormais conditionnée.
L’effet à l’international n’est pas en reste. Un responsable allemand, chargé de la coopération avec les Etats-Unis, exprimant un sentiment largement partagé en Europe, a confié ses doutes à un quotidien local quant aux capacités de Joe Biden de camper le rôle du «candidat capable d’empêcher Trump de revenir au pouvoir».
Des noms comme ceux de la vice-présidente actuelle Kamala Harris, ou Hillary Clinton sont avancés mais d’autres analystes estiment que le mal est déjà fait et qu’une procédure de remplacement était encore plus compliquée et plus risquée que la mobilisation autour du Président sortant.
En face, dans le camp républicain, c’est bien entendu la jubilation. La trajectoire conquérante des trumpistes vient simplement de se consolider, alors que les déboires judiciaires de leur champion commencent à se tasser comme de simples ennuis de parcours.