Débat au 13e Festival local du théâtre professionnel de Sidi Bel Abbès : Quel avenir pour les coopératives artistiques et le théâtre amateur ?

16/12/2023 mis à jour: 17:18
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Le président de l’association El Moudja de Mostaganem, Djillali Boudjemaâe dramaturge Djilali Boudjemaâ - Photo : D. R.

Un débat sur le bilan des douze années du Festival local du théâtre professionnel de Sidi Bel Abbès a été organisé à la faveur de la 13e édition de ce festival qui s’est déroulé du 7 au 10 décembre 2023.

Rachid Djrourou, commissaire du festival et directeur du Théâtre régional de Sidi Bel Abbès, a tenu à préparer cette rencontre. Il a confié à Driss Gargoua, enseignant à l’université de Sidi Bel Abbès et critique, le soin de faire une étude sur le festival, lancé en 2007, au même titre que celui de Guelma. Les deux manifestations permettent de qualifier la meilleure troupe, après une compétition au Festival national du théâtre professionnel d’Alger (FNTP).

«Organiser ce débat est une manière de marquer notre fidélité à tous ceux qui ont contribué à préparer ce festival. Il s’agit d’établir aussi un dialogue franc et sincère pour savoir ce que veulent les animateurs des coopératives et des associations théâtrales de ce festival. Il est important de savoir ce qui ne va pas pour pouvoir avancer et avoir un mouvement théâtral dynamique», a souligné Rachid Djrourou.

Il a regretté que certaines coopératives, primées par le passé au Festival de Sidi Bel Abbès, n’ont plus donné signe de vie. «Le nombre des coopératives théâtrales est très peu dans un pays de plus de 45 millions d’habitants et des centaines de milliers d’étudiants», a-t-il noté.

Selon Driss Gargoua, 252 associations, troupes et coopératives ont participé au Festival de Sidi Bel Abbès depuis son lancement. «Sur ce nombre, 94 associations et coopératives étaient en compétition, et 158 ont présenté des spectacles en parallèle. Durant douze années, 311 pièces ont été présentées entre compétition et of.

Le festival était est toujours un marché pour faire la promotion de la production théâtrale. Des pièces n’étaient pas présentées uniquement au Théâtre régional, mais également dans les cités universitaires, dans les places publiques et au niveau de certains établissements,  dont les prisons et les centres pour enfants à la faveur des activités de proximité», a détaillé Driss Gargoua.

Le théâtre amateur est mort, fini !

Le record de participation a été atteint, selon lui, durant la huitième édition du festival en 2014. Le Festival de Sidi Bel Abbès a connu une période d’arrêt entre 2018 et 2021 en raison d’une décision de l’ancien ministre de la Culture, Azzeddine Mihoubi, et à cause de la pandémie Covid-19. Le festival a repris en 2022.  Driss Gargoua a précisé que le festival a accueilli 134 stagiaires pour participer aux différents ateliers de formation et a honoré 34 artistes. Abdelnacer Khellaf, critique et directeur du Théâtre régional de Djelfa, a souligné l’importance d’archiver, d’enregistrer et de documenter tous les travaux et activités des festivals du théâtre.

Il a regretté que la durée de vie de certaines associations théâtrales soit courte. «Et quand on parle d’associations, on évoque le théâtre amateur. Je le dis en toute responsabilité : le théâtre amateur est mort, fini ! Les associations et les troupes amatrices ne travaillent pas sur la création mais sur la manière d’avoir des subventions et de participer dans des festivals», a-t-il déclaré. «Non, le théâtre amateur en Algérie est toujours vivant. Quelques-uns de ses principaux animateurs sont là dans la salle», a répondu Halim Zedam, metteur en scène de Bordj Bou Arréridj. Nezhaw fi harb, dernière pièce mise en scène par Halim Zedam, est en compétition au 16e FNTP qui aura lieu du 22 au 31 décembre.

Selon lui, la pandémie Covid-19 a touché de plein fouet les artistes du théâtre, entre 2019 et 2020, obligeant certains, faute de moyens financiers, à abandonner l’action artistique. «Durant la période de la pandémie, nous avions senti que nous étions délaissés en tant qu’artistes (...) la réalité est qu’en Algérie, personne ne vit de son art», a-t-il regretté.

Missoum Laroussi, metteur en scène et vice-président du Conseil national des arts et des lettres (CNAL), a précisé que le décret présidentiel 23/376 du 22 octobre 2023, portant statut de l’artiste, prend en charge la question des intermittents du spectacle (article 16). Un texte d’application devra préciser les paramètres permettant aux artistes, en arrêt de travail, de bénéficier d’un soutien financier de l’Etat.

Tout le monde prétend être artiste

Kada Benchemissa, l’une des figures les plus importantes du théâtre amateur et de l’art de la marionnette en Algérie, a rappelé que Sidi Bel Abbès comptait par le passé, dans les années 1970-1980, douze troupes théâtrales. Il a plaidé pour que l’Etat soutienne les troupes théâtrales amatrices lors de participation de manifestations et de festivals à l’étranger. «Nous sommes ravis de la promulgation de la nouvelle loi sur le statut d’artistes.

Mais il est temps de faire le tri, car aujourd’hui, tout le monde prétend être artiste. Il nous appartient d’éloigner les intrus et les pseudo artistes», a-t-il plaidé. Tounes Aït Ali, metteure en scène et comédienne, a, de son côté, évoqué la nécessité de développer le théâtre amateur : «Ce théâtre n’est pas mort. Nous venons tous de cette école.

A mon avis, il faut penser à des programmes de formation en faveur des jeunes qui activent dans le théâtre amateur. Il faut aussi trouver des mécanismes pour que les troupes amatrices bénéficient de soutiens financiers pour produire des spectacles». Le théâtre algérien doit, selon elle, s’exporter aller vers d’autres espaces à l’étranger.

Missoum Laroussi a estimé, pour sa part, qu’il est important pour les coopératives de théâtre d’avoir des objectifs dans leurs créations artistiques et de continuer de travailler même après avoir reçu des prix.

Il a précisé que la loi portant statut d’artiste a prévu un article, qui sera détaillé par un texte d’application, sur les coopératives et les compagnies artistiques en Algérie, «ce qui leur donnera un ancrage juridique». «Quelle soit professionnelle ou semi-professionnelle, la coopérative artistique doit produire et distribuer ses spectacles. Il s’agit d’activer comme une entreprise en créant des postes d’emploi aussi. Elle peut réaliser des entrées d’argent grâce aux spectacles qu’elle produit», a-t-il dit.

Djahid Dine El Hannani, metteur en scène et comédien, a, de son côté, souligné que le Festival de Sidi Bel Abbès a permis l’émergence de beaucoup de jeunes talents dans le domaine théâtral. C’est, selon lui, une véritable rampe de lancement pour des carrières professionnelles. Djillali Boudjemaâ, président de l’association El Moudja de Mostaganem, a défendu le théâtre amateur qui, selon lui, ne doit pas être éloigné de sa vocation.

Il a critiqué le fait que la troupe qui décroche le grand prix au Festival national du théâtre amateur de Mostaganem participe à la compétition du Festival national du théâtre professionnel d’Alger. «Que reste-t-il d’amateurs après ? Ils iront au FNTP et diront qu’ils sont devenus des artistes professionnels. Il n’y aura aucun moyen de les arrêter après et leur dire qu’il faut aller doucement dans ce domaine artistique, ne pas brûler les étapes», a-t-il dit.

 

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